Langue de crise

Dans une récente biographie, Yves Lever avance que le cinéaste québécois Claude Jutra était pédophile. Les médias ne cessent de débattre la chose depuis cette «révélation».

Le malaise est palpable, jusque dans le style des journalistes de la Presse+.

Yves Boisvert : «Les gens des Jutra ne peuvent pas rester les bras croisés à astiquer la statue de Claude Jutra.»

Commentaire sur Twitter :

Paul Journet : «Si chaque auteur trempe son stylo dans un préservatif, on aseptisera l’art.»

Voilà une image troublante : «tremper son stylo dans un préservatif».

P.-S. — Les débats actuels rappellent un passage du Neveu de Rameau de Diderot.

L’arroseur arrosé

Dans le Devoir des 30 et 31 janvier 2016, ceci : «Les messages qui émergeront sur les réseaux sociaux, mélange d’attaques violentes, d’affligeantes banalités et de syntaxe à faire pleurer un Bescherelle, ne feront que cimenter ce [que le personnage de Thomas Bernedi du roman Étoiles tombantes de Ghislain Taschereau (2015)] supposait de plus dégueulasse ou décourageant chez ses semblables.»

Bescherelle comme modèle de syntaxe ? C’est peu plausible. (Un guide de conjugaison, si, puisque c’est pour cela que Bescherelle est passé à la postérité.)

Est pris qui croyait prendre.

Autopromotion 224

Ouvrage collectif, Journalisme sportif, 2015, couverture

L’Oreille tendue s’intéresse aux discours sur le sport. Elle s’intéresse donc aux discours médiatiques sur le sport. Voilà pourquoi elle a collaboré au volume collectif ci-dessous. Elle y cause de Maurice Richard — c’est du hockey — et de journalisme sportif.

Derèze, Gérard, Jean-François Diana et Olivier Standaert (édit.), Journalisme sportif. Méthodes d’analyse des productions médiatiques, Bruxelles, De Beck supérieur, coll. «Info&Com», 2015, 247 p. ISBN : 978-2-8041-6403-4.

Derèze, Gérard, «Introduction», p. 7-8.

Diana, Jean-François, «Le sport : de l’objet de passion au sujet d’étude», p. 9-23.

Wille, Fabien, «Les mutations du journalisme sportif : la légitimation et la responsabilité sociale», p. 25-41.

Lochard, Guy, «Les programmes de plateau», p. 43-59.

Wille, Fabien, «Analyser le direct télévisuel», p. 61-79.

Birot, Ludovic et Damien Féménias, «Analyser des flux médiatiques d’information», p. 81-100.

Bonnet, Valérie, «Analyser des productions radio», p. 101-115.

Standaert, Olivier, «La pratique d’entretiens de recherche avec des journalistes», p. 117-133.

Papa, Françoise, «Analyser l’espace web. De la constitution du corpus à l’analyse du fragment», p. 135-161.

Pécout, Christophe, «Analyser une affiche», p. 163-178.

Papa, Françoise, «Analyser un événement sportif dans sa diversité médiatique», p. 179-194.

Tétart, Philippe, «La presse sportive au regard de l’historien. Question, méthodes et sources», p. 195-210.

Melançon, Benoît, «Maurice Richard : le récit journalistique de la mort d’un mythe sportif», p. 211-225. https://doi.org/1866/28752

Mission impossible

«Précision», la Presse+, 29 janvier 2016

On le sait : au quotidien montréalais la Presse, on préfère préciser plutôt que rectifier. En revanche, au Devoir, on n’hésite pas à publier des «Rectificatifs».

Mais il y a plus fort. Il arrive que l’on demande à ses lecteurs de lire ce qui n’a pas été écrit. Exemple, tiré de la Presse+ du jour : «Il aurait fallu lire que le marché de la mode masculine devrait atteindre 40 milliards de dollars en 2019, et non 40 millions comme il était indiqué.»

«Il aurait fallu lire» ? Mais comment lire autre chose que ce qui est écrit ? S’il est «indiqué» qu’il s’agit d’une somme de «40 millions», par quel tour de magie les lecteurs pourraient-ils lire «40 milliards» ?

L’Oreille tendue aurait besoin de précisions là-dessus.

 

[Complément du 2 février 2016]

L’Oreille y perd ses petits. Le Devoir du jour publie, non pas un «Rectificatif», mais une «Précision» :

Il aurait fallu lire «…l’un affichant une sensibilité à l’inflation basse, l’autre une sensibilité élevée». Et non «…l’un étant sensible à une inflation basse, l’autre à une inflation élevée» (p. A10).

«Précision», «Il aurait fallu lire» : c’est le monde à l’envers.

Des nouvelles du plongeon arctique

Un huard, le dollar canadien

Le 11 mars 2010, puis le 27 juillet 2011, l’Oreille tendue disait un mot du huard, le dollar canadien.

Celui-ci piquant du nez ces jours-ci, regardons comment il se porte.

Son plumage ?

«Vivre avec un huard déplumé» (la Presse+, 8 janvier 2016).

«Le huard perd encore des plumes» (la Presse+, 9 décembre 2015).

«Le huard risque de perdre encore quelques plumes, selon des économistes» (le Devoir, 17 juillet 2015, p. A7).

Son vol ?

«Voyager là où le huard vole haut» (la Presse, 25 avril 2015, cahier Affaires, p. 1).

«Le huard doit voler de ses propres ailes» (le Devoir, 17 septembre 2014, p. B3).

«Vents contraires pour le huard» (la Presse+, 15 septembre 2014).

«La chute du huard en quatre questions» (la Presse, 9 janvier 2014, cahier Affaires, p. 5).

«Le huard poursuit sa descente» (la Presse, 23 février 2013, cahier Affaires, p. 4).

«Le huard reprend son envol» (la Presse, 22 août 2012, p. A1).

«Le huard monte encore…» (la Presse, 27 janvier 2012, p. A1).

«Les cambistes conservent leur calme devant l’envolée du huard» (la Presse, 27 juillet 2011, cahier Affaires, p. 1).

Sa personnalité ?

«Pourquoi le huard devrait-il mieux aimer 2016 ?» (la Presse+, 2 janvier 2016)

«Ne laissez pas le huard gâcher vos vacances» (la Presse, 1er février 2014, cahier Affaires, p. 6).

«Une année moche attend le huard» (la Presse+, 29 décembre 2013).

«Le huard se fait malmener» (le Devoir, 4 décembre 2013, p. B1).

Levez les yeux au ciel.

P.-S. — L’éditeur favori de l’Oreille tendue déteste cette utilisation du mot huard. Ce billet est pour lui.

P.-P.-S. — Il y a le plumage du huard et il y a celui des autres : «Le huard fait perdre des plumes aux transporteurs aériens» (le Devoir, 29 janvier 2014, p. B4).