La bêtise des «cousins»

Soit cette image :

Publicité, Brioche Pasquier

Plusieurs choses y clochent.

Ce que l’on voit au centre de l’écran, en bas, ne s’appelle pas «pancakes» en français du Québec, mais, le plus communément, «crêpes». Dès lors, le mot-clic «#parlerpancake» n’a pas de sens.

Sur la pastille bleue — il y en a quelques autres —, on lit «Je ne veux pas faire mon petit Jean Lévesque.» On attendrait, bien évidemment, «Je ne veux pas faire mon petit Jos Connaissant.»

Au Québec, on n’entendrait pas «les phrases les plus fun», mais «les phrases les plus le fun».

Au centre, on peut taper «Ecris un message en francais [sic]», pour ensuite le «Traduire». Puisque les Québécois francophones parlent français, il s’agirait donc de «traduire» en français… une expression en français.

L’Oreille tendue a fait un test. Elle a tapé «Ce site est mal foutu.» Traduction proposée ? «Sois pas en criss, on jase aussi français nous autres !»

Pour le dire simplement : on est toujours le colon de quelqu’un.

P.-S.—Autre perle, avec «traduction» farfelue et faute d’orthographe.

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[Complément du 3 octobre 2020]

Sur Twitter, une lectrice de l’Oreille tendue, plus éveillée qu’elle, lui fait remarquer que l’on a utilisé comme illustration une photo des Rocheuses. Ces montagnes se trouvent à plusieurs milliers de kilomètres du Québec. La totale.

Accouplements 154

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

L’Oreille tendue, se remettant (enfin !) au sport télévisé, découvre une publicité d’abord diffusée en anglais en 2019. Une femme y déguste une bière après avoir réussi à retirer son soutien-gorge (sa brassière en français populaire du Québec) sans retirer son chemisier.

Au même moment, l’Oreille relisait le premier roman de Nicholson Baker, The Mezzanine. On y trouve le même geste :

Here was where I made a discovery. An image came to me — Ingres’s portrait of Napoleon. Displacing my tie, I undid a single middle button. Yes, it was possible to get at your underarm by entering the shirt through the gap made by one undone button and then working the stick of antiperspirant up the pleural cavity between T-shirt and shirt until you were able to snag the sleevelet of the T-shirt with a finger and pull it past the seam where your shirtsleeve began, thereby exposing the area you needed to cover. I felt like Balboa or Copernicus. In college I had been amazed to see women take off bras without removing their sweatshirts, by unfastening the rear bra-catch through the material, pushing one sleeve up far enough to slip off one strap, and, after a few arousing shrugs of their shoulders, pulling the whole wriggling thing nonchalantly out of the opposite sleeve. My own antiperspirant discovery had some of the topologically flavor of those bra removals (p. 51-52).

On peut préférer le roman à la publicité.

 

Référence

Baker, Nicholson, The Mezzanine. A Novel, New York, Vintage Books, coll. «Vintage Contemporaries», 1990, 135 p. Paru en français sous le titre la Mezzanine, Paris, Julliard, 1991. Traduction d’Arlette Stroumza.

Le meilleur des mondes commerciaux

L’oreille de l’Oreille tendue s’est tendue devant ce tweet de @LeaStreliski :

 

Hier, en effet, les concepteurs du projet montréalais Royalmount — ce beau nom français — ont fait paraître une publicité pleine page dans le quotidien le Devoir. (Ils ont aussi un site Web, royalmount.com, dont la page d’accueil est, évidemment, en anglais.)

Que raconte-t-on dans le journal ?

On découvre que la «sérénité de la nature» pourrait «rencontre[r] l’effervescence de la ville», même dans en un décor particulièrement peu naturel, au croisement de deux autoroutes surchargées, la 15 et la 40, d’où la végétation est très largement absente en l’état actuel des lieux. (Le cycliste représenté en haut à gauche devrait avoir un peu de mal à y circuler foulard au vent, ainsi que les piétons évoqués dans le texte.) Voilà probablement pourquoi cet espace commercial qui n’existe pas est déjà une «destination emblématique» : c’est la ville à la campagne et vice versa.

Regroupés en trois catégories («Vivre», «Avancer», «Innover»), tous les mots de passe de l’heure sont là : éco-innovant, expérience immersive, écosystème dynamique, durabilité, échelle humaine, qualité de vie, inclusif, valeurs, mobilité, moyens de transport actifs et écoresponsables, intégrant efficacement, revitalisant, meilleures pratiques, émissions de carbone.

On s’attendait à voir apparaître le mot communauté; on n’est pas déçu. Sous la rubrique «Innover», un texte est coiffé du titre «Une communauté diversifiée et ancrée dans la nature» :

Notre projet s’inscrit dans une démarche écoresponsable qui tient compte des changements climatiques en revitalisant un ancien site industriel. Nous nous engageons à suivre les meilleures pratiques en matière de développement durable en misant sur trois principaux piliers, soit la santé, l’environnement et la réduction des émissions de carbone.

Question naïve : où est la «communauté diversifiée» dans ces deux phrases, où il n’est question que d’environnement et pas du tout de personnes ?

On notera enfin une juteuse faute d’accord : «le rythme et l’accessibilité d’une ville se vit [sic] aussi à pied».

Foi d’Oreille, de la bien belle ouvrage.

Publicité politique

Depuis quelques jours, on se gausse beaucoup au Québec — et à juste titre — d’une chanson politique lancée récemment par le Parti libéral du Canada. (Elle sera remplacée par une autre, a annoncé le PLC devant le tollé.)

On a surtout interprété le choix de cette (mauvaise) chanson sur le plan politique.

On pourrait aussi l’aborder en élargissant le débat à la langue de la publicité. (Pour le PLC, il s’agissait évidemment d’une entreprise publicitaire.)

La télévision nous offre ces jours-ci, dans une pub pour Auto hebdo, un «C’que t’as besoin» digne de Robert Bourassa.

Le fournisseur xplornet, le spécialiste en «Internet haute vitesse | En région», a longtemps diffusé une publicité sur les ondes du Réseau des sports (RDS) contenant une grosse faute de langue («où que vous demeurez» au lieu de «où que vous demeuriez»).

Pendant des mois, en 2013-2014, Bell Canada a fait dire à un personnage d’un de ses messages «Ça leur dérange pas […] ?».

Pourquoi s’étonner, dès lors, qu’un parti politique se comporte comme les publicitaires ? Il ne fait que véhiculer le même mépris.

Ce mépris n’est pas le fruit du hasard : on ne fait pas une publicité télévisée tout seul; on s’y met toujours nécessairement à plusieurs. Faire chanter un texte largement incompréhensible ou faire dire «C’que t’as besoin», «où que vous demeurez» et «Ça leur dérange pas […] ?» est un choix collectif assumé.

P.-S.—En effet, ce n’est pas la première fois que l’Oreille tendue râle à ce sujet.