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Le 7 mai dernier, dans le cadre du 92e congrès de l’Association francophone pour le savoir (Acfas) et sous l’égide de la Chaire de recherche du Québec sur la situation démolinguistique et les politiques linguistiques, se tenait le colloque «Le plurilinguisme dans l’espace francophone polycentrique».

Pour clore le colloque, une table ronde, «Quelles sont les conditions pour qu’un pays ou une région participe au polycentrisme de la langue française ?», réunissait quatre intervenants : Philippe Humbert, Jean Martial Kouame, Michelle Landry et l’Oreille tendue, sous la présidence de Sébastien Arcand.

La vidéo de cette table ronde est maintenant en ligne. Attention : la qualité sonore est fort inégale.

 

 

Dans la période de questions qui a suivi la table ronde (à partir de la 69e minute), l’Oreille est revenue sur une de ses obsessions : «Pourquoi diantre les Québécois devraient-ils aimer le français ? Qui leur a donné cette idée étrange ?»

 

P.-S.—L’Oreille a sa propre chaîne vidéo. Elle est bien modeste.

Fonçons !

«Ça roule au toast chez St-Méthode», la Presse+, 4 août 2025, titre

Soit le titre de presse suivant : «Ça roule au toast chez St-Méthode.» Traduction libre : dans cette boulangerie, on ne traînasse pas.

Un fidèle lecteur de l’Oreille tendue s’étonne : «toast» au singulier ? Il aurait spontanément mis le mot au pluriel. L’Oreille itou, de même que Pierre DesRuisseaux (y aller aux toasts, p. 301).

Son sens dans le français populaire du Québec ? Foncer, attaquer de plein fouet, filer, ne pas perdre de temps.

À votre service.

 

Référence

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.

S’en aller, volontairement ou pas

Extrait du quotidien la Presse+, 14 février 2023

On peut quitter un emploi ou une fonction de son propre chef : cela s’appelle démissionner (de).

On peut se faire montrer la porte, de façon plus ou moins amène : dans le français populaire du Québec, on voit démissionner sur le cas de quelqu’un. Pour ce quelqu’un, ce n’est pas agréable, du moins on l’imagine.

À votre service.

Foglia à l’écran

Image de Pierre Foglia dans le film Albédo, de Jacques Leduc et Renée Roy, 1982

En 1982, Jacques Leduc et Renée Roy lancent, pour l’Office national du film du Canada, un moyen métrage (54 minutes), Albédo. Pourquoi en parler aujourd’hui ? Parce que le chroniqueur Pierre Foglia, qui vient de mourir, y joue.

L’Oreille tendue avait vu ce film à sa sortie, ce qui ne rajeunit personne, et elle n’en gardait qu’un seul souvenir; elle avait oublié tout le reste.

Elle avait oublié la facture du film. S’y mêlent des trames narratives en apparence fort différentes. La fiction met en scène la vie, la mort (par suicide) et la vie familiale d’un photographe et archiviste sourd, qui a réellement existé, David W. Marvin (1930-1975), ainsi que les discussions et pérégrinations d’un couple sans nom, joué par Paule Baillargeon et Foglia. La partie documentaire raconte le quartier montréalais de Griffintown, l’immigration dans la métropole et le monde du travail (à défaut d’un emploi, on peut toujours s’enrôler dans l’armée). L’intersection de la fiction et du documentaire a dérouté le critique de cinéma du quotidien la Presse, où écrivait Foglia, Luc Perreault. Celui-ci voit dans le film une «certaine prétention moderniste fort discutable» (9 octobre 1982, p. C14) et de l’«ésotérisme» (17 novembre 1984, p. E18).

De quoi l’Oreille se souvenait-elle alors ? D’une scène d’une soixantaine de secondes, vers la 18e minute, quand le personnage joué par Foglia se retrouve dans une imprimerie et que les gestes du typographe lui reviennent «automatiquement» («C’est mon seul métier. J’en ai pas appris d’autre pour vrai. C’est le seul qu’j’ai aimé»). Des pinces lui étaient indispensables et il les rangeait toujours au même endroit, dans sa poche arrière droite. La mémoire professionnelle est une mémoire corporelle, ici digitale. Avant le numérique, les mots ont longtemps été des lettres que l’on touchait pour les assembler et les rendre lisibles (Foglia compose un seul mot pour Baillargeon, «un mot doux» : «marmelade»). Les typographes ne sauraient l’oublier.

On peut (re)voir le film ici.

P.-S.—Quelqu’un aurait-il pu penser à proposer la candidature de Pierre Foglia à un prix d’interprétation ? C’est bien peu probable.

P.-P.-S.—Que signifie albédo ? La définition du mot apparaît à l’écran au début du film et il est expliqué plus tard par un professeur donnant cours dans un amphithéâtre : «Fraction diffusée ou réfléchie par un corps de l’énergie de rayonnement incidente.» D’où l’importance de la lumière, du blanc et de la neige dans le film.

P.-P.-S.—Alain-N. Moffat a consacré une étude à ce film, «Histoire et contrepoint dans les œuvres récentes de Jacques Leduc» (Copie zéro, 37, juillet 1988); on peut la lire . Celle de Denis Bellemare, «Albédo. Le dernier objet» (Copie zéro, 30, octobre 1986), se trouve de ce côté.

Pierre Foglia (1940-2025)

Photo d’Armand Trottier, la Presse, 5 mai 1990

Chroniqueur pendant des décennies au quotidien montréalais la Presse, Pierre Foglia vient de mourir. L’Oreille tendue ne le prend juste pas.

Comme tout le monde, pendant des années, elle a commencé sa lecture du journal par ses textes. On les a longtemps publiés dans le premier cahier du journal. Qui se souvient qu’on les a aussi publiés avec les petites annonces, à sa demande ?

Il ne comprenait rien à la mécanique automobile; en vélo, ça allait. Il était poète à ses heures. On pouvait se servir de lui en classe (sur la lecture du journal) ou dans un mémoire de maîtrise. Il a écrit sur Voltaire et sur La Poune. Dans sa famille, on ne sifflait pas à table. Lui, qui a tant écrit sur le sport, ressemblait à un joueur de hockey, Jim Roberts. Il était une des rares personnes à ne pas chanter les mérites de René Lecavalier (ni de Patrick Roy). Comme quiconque a le cœur à la bonne place, il aimait Guy Lafleur, «le plus fin, le moins fucké par sa gloire» des joueurs de hockey. «Pépère-la-virgule» autoproclamé, il n’appréciait ni le mépris linguistique ni la «lalaïsation». Il connaissait l’existence de la «crossette espagnole» et du «char (de marde)». L’alcool ? Non. Le pot ? Oui.

Au moment de l’annonce de sa mort, on a évoqué Flaubert et Annie Ernaux; on aurait sûrement dû parler d’Alexandre Vialatte, qu’il appréciait tant. On peut légitimement se demander si Monique Proulx («Madame Bovary», dans les Aurores montréales) et William S. Messier (Dixie, p. 126 et suiv.) n’ont pas été inspirés par lui.

Un jour, Pierre Foglia a dit du bien d’un livre coécrit par l’Oreille; elle ne s’en est pas encore remise.

Sa mort est parfaitement injustifiée.

 

Références

Messier, William S., Dixie. Roman, Montréal, Marchand de feuilles, 2013, 157 p. Ill.

Proulx, Monique, les Aurores montréales. Nouvelles, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 85, 2016, 238 p. Édition originale : 1996.