Nouvelle saveur

Michel Biron, la Conscience du désert, 2010, couverture

L’Oreille tendue connaissait, comme tout le monde, la langue de bois.

Elle avait croisé, chez François-Bernard Huyghe, la langue de coton.

Elle vient de découvrir, chez Michel Biron, dans la Conscience du désert (2010), la langue de verveine. Il s’agit de celle d’un professeur du fils de l’auteur :

Le professeur de mon fils nous explique par exemple, à nous les parents, que le professeur est mort : «Je suis un accompagnateur», affirme-t-il avec sérénité. Un peu moins de verticalité, un peu plus d’horizontalité, ajoute-t-il de façon sibylline. Finis les murs, il n’y a plus de hiérarchie. Vive la transversalité (p. 131).

Les choses ne s’améliorent pas, on dirait.

 

Références

Biron, Michel, la Conscience du désert. Essai sur la littérature au Québec et ailleurs, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2010, 212 p.

Huyghe, François-Bernard, la Langue de coton, Paris, Robert Laffont, 1991, 186 p.

La totale

L’Oreille tendue écrivait, le 27 janvier 2011, que l’adjectif ultime semblait être en lice pour remplacer extrême (c’est ici).

À la Presse, on l’a bien vu. Le quotidien titrait, le 13 février 2012 : «Véhicules ultimes pour skieurs extrêmes» (cahier Affaires, p. 14).

Tout est dans tout, et réciproquement.

Avec ou sans ?

Sur Twitter, le 10 février, Larousse faisait de maganer son #motdujour : «Au Québec, abîmer, user (familier).» Le Dictionnaire de la langue québécoise de Léandre Bergeron (1980, p. 302) et le Petit lexique d’Ephrem Desjardins (2002, p. 101) ont cette orthographe. Si vous l’aviez interrogée là-dessus, l’Oreille tendue vous aurait répondu la même chose : pas de h.

Il est pourtant des gens qui en mettent un. Ainsi, le Devoir des 28-29 janvier 2012 contient le mot «maghanant» (p. B2). Avant lui, Réjean Ducharme a intitulé une de ses pièces le Cid maghané; une affiche d’une production québecquoise de 1977, visible sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, confirme la présence de cette consonne. Les spécialistes de Ducharme, par exemple Józef Kwaterko, Élisabeth Haghebaert et Michel Biron, ont suivi son exemple.

Qui nous dira l’étymologie du mot et réglera la question ?

D’ici là, ça fait désordre.

 

[Complément du 15 mars 2013]

Les jeunes ne devraient pas fumer. D’où, à la subtile adresse https://www.facebook.com/degueu, cette mise en garde.

Magane pas tes poumons

Merci à OffQc | Quebec French Guide.

 

[Complément du 25 août 2013]

L’emploi du mot n’est pas récent. On en trouve deux occurrences, à la fin du XIXe siècle, dans les Mystères de Montréal d’Hector Berthelot, d’abord sous la forme maganer (p. 123), puis sous la forme maganner (p. 159).

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Berthelot, Hector, les Mystères de Montréal par M. Ladébauche. Roman de mœurs, Québec, Nota bene, coll. «Poche», 34, 2013, 292 p. Ill. Texte établi et annoté par Micheline Cambron. Préface de Gilles Marcotte.

Biron, Michel, la Conscience du désert. Essai sur la littérature au Québec et ailleurs, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2010, 212 p.

Desjardins, Ephrem, Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français (et autres francophones d’Europe) en vacances au Québec, Montréal, Éditions Vox Populi internationales, 2002, 155 p.

Haghebaert, Élisabeth, Réjean Ducharme, une marginalité paradoxale, Québec, Nota bene, coll. «Littérature(s)», 34, 2009, 337 p.

Kwaterko, Józef, «Ducharme essayiste ou “Sartre maghané”», Littératures (revue de l’Université McGill), 6, 1991, p. 21-38; repris dans Pierre-Louis Vaillancourt (édit.), Paysages de Réjean Ducharme, Montréal, Fides, 1994, p. 147-166.

Périple laurentien, prise trois

De samedi en samedi, l’Oreille tendue poursuit ses aventures familiales sur l’autoroute des Laurentides (la 15, pour les intimes).

On a vu qu’on peut s’y sustenter et s’y amuser tard le soir.

On peut aussi habiter ses environs. Dès qu’on entre à Laval, un panneau publicitaire annonce en effet la construction de «condominiums urbains».

De deux choses l’une.

Ou Laval est une ville — et «condominium urbain» est un pléonasme.

Ou Laval n’est pas une ville — mais elle aimerait en devenir une : en attendant, elle donne un cachet urbain à ses condos.

Tout bien considéré, restons montréalais.