Du bilinguisme multiethnique

Ronald King, dans la Presse de ce matin (14 novembre 2009, cahier Sports, p. 4), se réjouit de la composition culturelle de l’équipe de football de l’Université de Montréal, les Carabins. Pour lui, cette équipe, «multiethnique et multicolore», est à l’image de la ville où elle joue : «Les Carabins, le vrai Team-Montréal, de ce Montréal qui inquiète tant le reste de la province, s’en vont-en guerre aujourd’hui contre le Rouge et Or de Laval, la Rolls-Royce des équipes de football universitaire, un club géré comme une organisation professionnelle.»

Team-Montréal.

La fin d’une saga ?

Depuis plusieurs années, au Québec, la moindre activité un brin récurrente est qualifiée de saga : «Fin de la saga du gaz» (la Presse, 3 décembre 2003, p. A7); «La saga des festivals de films, encore et toujours…» (le Devoir, 29 novembre 2005, p. B8); «Saga au cœur de Québec Inc.» (la Presse, 10 octobre 2006, cahier Affaires, p. 1).

Hier, à la radio : «le feuilleton de l’ADQ». Ouf.

Il est toujours agréable de constater que l’écosystème linguistique arrive à se renouveler, même s’il doit pour cela revenir à des formes depuis longtemps attestées.

Nouvelle catégorie sociale ?

La revue de l’Association francophone pour le savoir (Acfas) porte bien son nom : Découvrir. L’Oreille tendue y découvre en effet, dans le dernier numéro (vol. 30, no 5, novembre-décembre 2009, p. 4), l’existence d’une nouvelle (?) catégorie sociale : «Le contenu de cette revue est reproduit sur serveur vocal par l’Audiothèque pour les personnes handicapées de l’impriméL’Oreille craint que cela fasse beaucoup de monde, aveugle ou pas.

Et mon complément, vous l’avez vu ?

Les occasions ne manquent jamais de déplorer l’emploi de quitter sans complément. Ce verbe n’est pourtant pas seul dans la triste catégorie du verbe orphelin.

Il y a évidemment, et banalement, consommer — de l’alcool, de la drogue, des médicaments, des substances interdites, toutes choses qu’il n’est pas nécessaire de nommer. Exemples : «Avec trois matchs en trois soirs, l’équipe qui compte aucun joueur qui consomme va avoir de la misère» (la Presse, 10 décembre 2003); «Une initiative surprenante, d’autant plus que Presley lui-même ne buvait pas d’alcool… même s’il consommait pas mal !» (la Presse, 17 juin 2004, cahier LP2, p. 2)

Moins banalement, on voit désormais, employés de façon absolue, faire une tentative (de suicide), consulter (le psy de son obédience) et rencontrer (quelqu’un d’un sexe qui nous sied) — comme dans Son mari est mort le mois dernier. Elle veut attendre encore un peu avant de rencontrer.

Un autre cas de ces économies lexicales qui nous entourent ?

 

[Complément du 1er décembre 2012]

L’Oreille tendue avait spontanément cru que consulter sans complément était un québécisme. L’illustration ci-dessous, tirée de l’excellent tumblr Chers voisins, la force à revoir cette croyance.

Merci à chersvoisins.tumblr.com

 

[Complément du 21 octobre 2015]

Dans la Presse+ du jour, ceci :

«Rencontrer», selon la Presse+

 

[Complément du 26 janvier 2018]

Dans certains cas, il est fortement recommandé de consulter.

Consulter, mais en bibliothèque

 

[Complément du 26 août 2024]

Les exemples littéraires de consulter pris absolument en contexte médical foisonnent, et pas seulement au Québec.

«On connut donc une période difficile où Béliard se mit à geindre tant, tout le temps, qu’on tenta tout pour lui. On lui conseilla de consulter — mais la médecine des âmes, il n’avait pas confiance» (Au piano, p. 215).

«Impossible de convaincre sa mère d’aller consulter […]» (Fleurs de crachat, 76).

«il se demande si, tout compte fait, il n’aurait pas mieux valu consulter» (la Ballade de Nicolas Jones, 30).

«Yvonne a suggéré presque calmement à ma collègue de consulter, pendant que nous nous mettions à trois pour la retenir» (Sous pression, p. 79).

«Après dix jours de dandinement dans la ville, boiteuse au bord du climax de la douleur, je dois me résoudre à aller consulter» (le Parfum de Janis, p. 57).

 

Références

Chassay, Jean-François, Sous pression. Roman, Montréal, Boréal, 2010, 224 p.

Echenoz, Jean, Au piano, Paris, Éditions de Minuit, 2003, 222 p.

Larochelle, Corinne, le Parfum de Janis. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2015, 139 p.

Mavrikakis, Catherine, Fleurs de crachat, Montréal, Leméac, 2005, 198 p.

Roy, Patrick, la Ballade de Nicolas Jones. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 01, 2010, 220 p.