Citation de circonstance

P. Gabriel La Rue, s.j., Pour que vive notre français, 1938, couverture

«Le professeur qui entreprendrait dans cet esprit l’enseignement de la langue maternelle ouvrirait à nos problèmes nationaux l’esprit et le cœur de ses élèves : dans ces jeunes âmes, il jetterait pour la vie la conviction et l’amour, la confiance en nos destinées françaises. Peut-être alors pourrions-nous attendre de nos bacheliers une plus minutieuse correction dans le parler et dans le style, des exigences plus tenaces pour le respect du français, un amour de la langue maternelle qui se manifestât dans la trame quotidienne de leur existence et non pas seulement aux jours de fête nationale, dans le délire d’une trop facile improvisation.»

P. Gabriel La Rue, s.j., Pour que vive notre français, Montréal, l’École sociale populaire, publication mensuelle, numéro 293, juin 1938, 32 p., p. 2-3. Texte d’abord paru dans le Canada français, mai 1938.

Récit de voyage

Même en villégiature dans les Laurentides, l’Oreille reste tendue.

Capitale. Mont-Tremblant serait celle du golf.

Club de golf, Mont-Tremblant, 2010, publicité

 

Gaspille. Le fils aîné de l’Oreille tendue mange beaucoup, et jusqu’à la dernière miette. «Au moins, il n’y aura pas de gaspille», se rassure notre serveuse.

Magasiner. Il y eut d’abord un verbe employé absolument, au sens de faire du shopping : Hier, je suis allé magasiner. Il est devenu transitif direct : «Le problème dans notre culture, c’est que les gens ne magasinent pas assez leurs partenaires !» (la Presse, 17 décembre 2003). Dorénavant, il semble qu’on puisse magasiner sa destination de magasinage.

Promenades Mont-Tremblant, Mont-Tremblant, 2010, publicité

Quitter. L’ennemi intime de l’Oreille tendue — le verbe quitter utilisé sans complément — la poursuit jusque dans sa chambre d’hôtel.

Hôtel, Mont-Tremblant, 2010, consignes

Ride à l’os. À l’os fait partie de ces particules intensives dont la langue actuelle est si friande (super, extrême, méchant, trop, etc.). Mais le verbe rider (prononcé raïdé) ? Aller vite, ne pas se laisser ralentir, foncer — au propre comme au figuré, avec ou sans moteur. Cela a désormais son festival.

Productions Ride à l’os, Mont-Tremblant, 2010, publicité

Voyage dans le temps

L’Oreille tendue est entrée, il y a un certain temps déjà, dans son second demi-siècle. L’autre jour, un garçon à peine dans son premier quart de siècle retient la porte de l’ascenseur et lui crie «T’embarques-tu ?». Ça aurait pu la rajeunir. Ça ne l’a pas fait.

Un accent chanté

Gaële, Diamant de papier, 2010, pochette

Elle est née en France, elle vit au Québec, elle pousse la chansonnette : Gaële.

Sur son album Diamant de papier (Productions de l’onde, 2010), elle chante «L’accent d’icitte», avec Richard Desjardins, en ouverture et en clôture, dans le rôle de l’accent.

Cet accent, elle déplore ne pas le maîtriser : «J’aurai jamais l’accent d’icitte / Pourtant c’est pas faute d’avoir essayé.» En effet : elle parsème ses paroles de «tout p’tit boutte» (trois fois), de «pas pantoute», de «vingt-cinq cennes» et de «pis».

Comme il se doit, les jurons ont leur place :

De la bouche serrée
À la mâchoire slaque
Du putain d’merde
À l’ostie d’tabarnak
Au fil des années
J’ai tissé les trésors
De ma langue bric-à-brac

Linguistiquement, c’est assez prévisible. Musicalement, plus d’entrain aurait été bienvenu. Bref, on ne peut pas tout avoir.

Les mécontents urbains, bis

Le friforâll, publicité syndicale, 2010

L’Oreille tendue le disait le 3 mai : les membres du Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal ne sont pas contents, d’où une première campagne de publicité (négative) sur le thème «Montréal, fais une ville de toi !».

Rebelote, avec des panneaux-réclames et un encart dans la Presse du 9 juin. «Quesséçâ ?», «çapâdallure» et «brochafoin» y sont toujours, mais ils sont rejoints par «friforâll» — comme dans «20 administrations municipales, c’est le friforâll».

«Friforâll» ? De l’anglais free for all : un laisser-faire extrême, genre, voire le bordel. Pour les syndiqués, ce ne serait pas une bonne chose (c’est le moins qu’on puisse dire).