Je ne veux pas pinailler, mais…

L’Oreille tendue a déjà lu, avec plaisir, des textes de Catherine Bertho Lavenir, par exemple «L’échappée belle» (1998) ou «La découverte des interstices» (2001). Il lui est même arrivé de participer, avec profit, à un séminaire avec elle, «Questions d’histoire culturelle : rencontre avec Pascal Ory» (Université de Montréal, 23 février 2007).

La même Oreille a écrit un livre sur Maurice Richard, le plus célèbre joueur de la plus célèbre équipe de hockey, les Canadiens de Montréal : les Yeux de Maurice Richard (2006).

Dans un article de 2012, «La biographie en histoire culturelle», Catherine Bertho Lavenir mentionne, deux fois, ce livre. Les deux fois, elle se trompe dans le sous-titre : elle écrit Une biographie culturelle au lieu d’Une histoire culturelle (p. 188). C’est ennuyeux, surtout pour un livre dont la première phrase est «Ceci n’est ni un livre de fan, ni un livre d’amateur de hockey, ni une biographie de Maurice Richard».

Il y a des jours où on pourrait se fâcher.

 

Références

Bertho Lavenir, Catherine, «L’échappée belle», Cahiers de médiologie, 5, 1998, p. 117-129. https://doi.org/10.3917/cdm.005.0115

Bertho Lavenir, Catherine, «La découverte des interstices», Cahiers de médiologie, 12, 2001, p. 129-140. https://doi.org/10.3917/cdm.012.0128

Bertho Lavenir, Catherine, «La biographie en histoire culturelle», Globe. Revue internationale d’études québécoises, 15, 1-2, 2012, p. 183-199. https://doi.org/10.7202/1014631ar

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

Les Yeux de Maurice Richard, édition de 2012, couverture

Changez-en

Un collègue de l’Oreille tendue, Pierre Popovic, le dit depuis des années : en études littéraires, il faudrait cesser de parler inconsidérément de posture.

Deux exemples lus ces jours-ci ?

Dans le plus récent numéro de la revue Liberté (306, hiver 2015) — par ailleurs excellent —, l’une parle de «non-posture» (p. 46), l’autre de «posture temporelle singulière» (p. 55).

On crée un moratoire ?

P.-S. — Un de ces jours, l’Oreille ajoutera le mot posture ici.

 

[Complément du jour]

Dès le 21 août 2011, Pierre Assouline moquait les «experts en posturologie». (Merci à @revi_redac pour le lien.)

 

[Complément du 29 avril 2016]

La presse généraliste commence itou à se méfier du mot, guillemets à l’appui : «Est-ce qu’on peut dire ça sans que ce soit une “posture” ?» écrit Yves Boisvert dans la Presse+ du jour.

Oui, méfions-nous.

 

[Complément du 14 juillet 2016]

Annonce de colloque du jour : «Féministe et étudiant.e : une posture engagée

 

[Complément du 1er décembre 2016]

L’État français s’y met. (Merci à @cgenin.)

Message de Vigipirate (France)

[Complément du 12 décembre 2016]

Julien Clerc s’y met. Il vouvoie sa (jeune) compagne ? s’interroge Paris Match. Réponse : «C’est venu comme ça et c’est naturel désormais. Mais je comprends que cela soit difficile à croire, que l’on puisse y voir une posture.»

 

[Complément du 24 septembre 2017]

La posture serait-elle un siège ?

 

[Complément du 16 décembre 2017]

C’était couru : les romanciers s’y sont mis, par exemple David Turgeon, dans le Continent de plastique (2016). Parfois, posture et position sont en concurrence : «Il n’y avait bien qu’une poignée d’aigris pour lui reprocher sa posture… sa position peut-être un brin hégémonique» (éd. de 2017, p. 14). À d’autres moments, on attendrait l’un et on a l’autre : «Toute cette saison-là j’appréhendai d’entrer dans une librairie : je savais que le livre de mon rival y serait, et en bonne posture […]» (p. 50); «Il s’était placé en posture d’attente» (p. 168). Des heures de plaisir.

 

[Complément du 8 octobre 2018]

Extrait d’un entretien, paru en 2011, entre David Martens et Jérôme Meizoz :

«D. M. — Dans le détour par lequel tu passes avant de répondre à cette première question, tu évoques le “puissant effet agrégatif” du concept de posture “sur les recherches consacrées à la figure d’auteur”, et tu considères que cela “suscit[e] une forme d’engouement presque dérangeant”. Peux-tu nous en dire plus sur ce qui te paraît dérangeant dans cet engouement ?

J. M. — D’abord, je ne peux que me réjouir d’un engouement de pas mal de chercheurs, au Québec et en Belgique, par exemple, pour ce que permet la notion de posture d’auteur. Cela signifie pour moi que les nouvelles recherches sur l’auteur, après une éclipse au temps du structuralisme, disposent désormais de bons outils pour penser l’articulation entre un sujet biographique (une personne civile), un rôle social (un écrivain) et un énonciateur textuel. Cela est dû à la conjonction progressive de recherches d’horizons divers et donc d’un véritable effet interdisciplinaire : notamment, les travaux de Ruth Amossy sur l’ethos (2010), ceux de Dominique Maingueneau sur la scénographie (2004) et les miens sur la posture d’auteur ont permis un véritable dialogue, très fécond, entre nos points de vue de chercheurs. Ceci dit, l’engouement peut conduire à un usage tous azimuts de la notion de posture (elle-même coûteuse à distinguer d’un terme du langage courant, par exemple dans le journalisme, “la posture agressive de Sarkozy”, etc.) qui risque d’affaiblir ses usages techniques précis. Je pense aussi à la notion de “champ” chez Pierre Bourdieu, qui apparaît à la fin des années 1960. Des les années 1990, tout le monde se met à voir des “champs” partout et n’importe quel enseignant d’histoire littéraire dit aujourd’hui “le champ littéraire” là où il  aurait dit, il y a trente ans, la vie littéraire ou le milieu littéraire. Or, on ne change pas une conception de la pratique littéraire avec un seul mot. Si l’ancienne conception demeure au-dessous de termes nouveaux, c’est raté. L’effet heuristique du “champ” ou de la “posture” n’est plein que lorsque toute la conception sous-tendue par la notion est investie dans l’analyse. À cause de ces effets de mode verbale, je crains que le mot “posture” ne serve bientôt à désigner tout et n’importe quoi, c’est-à-dire, d’un point de vue épistémique, rien» (p. 203).

En effet.

 

Références

«La fabrique d’une notion. Entretien avec Jérôme Meizoz au sujet du concept de “posture”. Propos recueillis par David Martens», Interférences littéraires / Literaire Interferenties, 6, mai 2011, p. 199-212. http://www.interferenceslitteraires.be/index.php/illi/article/view/606/474

Turgeon, David, le Continent de plastique. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Écho», 16, 2017, 298 p. Édition originale : 2016.

Citation universitaire du jour

«Parallèlement, dans chaque société, l’université voit son rôle réduit au nom de prétendus impératifs fonctionnels : rentabiliser des investissements énormes, former la main-d’œuvre spécialisée que la société technologique réclame. Gouvernements, milieux des affaires, médias de retrouvent pour une fois d’accord : les universitaires n’ont pas le sens des responsabilités; leur poursuite désintéressée de la connaissance et leurs idéaux d’éducation libérale ou humaniste appartiennent à un stade dépassé de l’histoire» (p. 125).

Cette citation de Robert Melançon date de 1991. On a pu tenir des propos semblables en 1996. On en tient encore en 2014.

 

Référence

Melançon, Robert, «Du bon usage des colloques», Études françaises, 27, 3, 1991, p. 119-127. https://doi.org/10.7202/035862ar

Autopromotion 149

Études françaises, 50, 3, 2014, couverture

Dans le cadre de son cinquantième anniversaire, la revue Études françaises publie le troisième numéro de son «Volume jubilaire» (le numéro double 1-2 ayant paru à la fin de l’été).

Sous la direction de Francis Gingras, ce numéro propose six articles :

Francis Gingras
«Cinquante ans d’Études françaises» (p. 5-14)

Martine-Emmanuelle Lapointe
«Faire la littérature. La réception des textes et des auteurs québécois à la revue Études françaises (1965-2014)» (p. 17-36)

Michel Lacroix
«“L’épreuve de la lecture publique” : Études françaises, la disciplinarisation du savoir et l’idéal du critique-écrivain» (p. 39-80)

Marcello Vitali-Rosati
«Les revues littéraires en ligne : entre éditorialisation et réseaux d’intelligences» (p. 83-104)

Benoît Melançon
«Éditer des revues savantes : le point de vue des presses universitaires» (p. 105-111)

Élisabeth Nardout-Lafarge
«Relais» (p. 113-119)

Le texte de l’Oreille tendue est en consultation libre ici.

Les abonnés de la plateforme Érudit peuvent y lire l’ensemble des textes.

La revue est également disponible en kiosque.

«Volume jubilaire», Études françaises, volume 50, numéro 3, 2014, 126 p. ISSN : 0014-2085 (imprimé); 1492-1405 (numérique). ISBN : 978-2-7606-3466-4.

Illustration de la couverture : François Desharnais, «Études françaises», 2014, acrylique, huile et collage sur toiles (101, 6 X 76, 2 cm)

Autopromotion 145

On n’est jamais si bien servi que par soi-même.

Ce jeudi, le 20 novembre, à midi (heure de Montréal), l’Oreille tendue parlera de l’Oreille tendue dans le cadre du séminaire «Écritures numériques et éditorialisation» de Marcello Vitali-Rosati. Plus précisément, elle essaiera de voir en quoi l’Oreille tendue est, ou pas, un blogue de recherche, le thème de la séance étant «Entre blogue et revue savante : hybridation des pratiques de recherche»

À Montréal : Université de Montréal, CITÉ, porte V-13-1 du pavillon Roger-Gaudry.

À Paris, en duplex, 18 h : Centre Georges-Pompidou, salle Triangle.

Sur le Web : http://www.polemictweet.com/.

Argumentaire du séminaire : En démultipliant les formes de lecture et d’écriture dans la société non savante, le numérique a favorisé l’émergence de pratiques nouvelles où se mêlent communication, collection, archivage, littérature, etc. Dans ce contexte de fluidification des formes d’écriture, les pratiques des chercheurs se sont elles aussi diversifiées, empruntant souvent à des formes de production de contenus jusqu’alors inexistantes dans les méthodologies de la recherche. Cette hybridation des pratiques que l’on observe depuis peu semble ouvrir la recherche et la communauté des chercheurs à de nouvelles formes de production de savoir, bouleversant le processus classique de légitimation et de certification des connaissances. Les intervenants de la première séance seront Benoît Melançon, Joëlle Le Marec et Celya Gruson-Daniel.

Pour en savoir plus sur cette séance, c’est ici.

Sur le séminaire, c’est .

 

[Complément du 8 décembre 2014]

Marcello Vitali-Rosati, le co-organisateur de «Écritures numériques et éditorialisation», a mis en ligne ses notes prises pendant le séminaire.

Pour voir les diapositives PowerPoint qu’a utilisées l’Oreille tendue, c’est de ce côté.

 

[Complément du 12 décembre 2014]

On peut revoir le séminaire en ligne.