Citation de classe du jour

Emmanuel Carrère, D’autres vies que la mienne, 2009, couverture

C’est «une qualité qu’on doit reconnaître aux bourgeois à l’ancienne de ne pas recourir à cette langue de bois et de dire qu’on est mort, pas décédé ou parti».

Emmanuel Carrère, D’autres vies que la mienne, Paris, P.O.L, 2009, 309 p., p. 95.

 

[Complément du 26 novembre 2025]

Belote :

Carrère, Emmanuel, D’autres vies que la mienne, Paris, P.O.L, 2009, 309 p.

«Étienne : “Ça l’a mis en colère, se rappelle-t-il, qu’elle le réveille et surtout qu’elle dise ’Juliette est partie’ au lieu de ’Juliette est morte’”» (p. 293).

Et rebelote :

Carrère, Emmanuel, Kolkhoze, Paris, P.O.L, 2025, 558 p.

«Un des nombreux motifs d’impatience de ma mère face à la bêtise contemporaine était l’euphémisation ou, pour employer un vocabulaire qui n’était pas le sien, l’occultation de la mort. Elle ne supportait pas qu’on dise de quelqu’un qu’il était “décédé” (style de croque-mort) ou, pire encore, “parti” (style mièvre, petit-bourgeois). On était mort, on était mort. Cela n’empêchait pas de ressusciter, au contraire : pour ressusciter il fallait être mort, pas décédé» (p. 505).

Citation à méditer du jour

Walter Benjamin, Écrits autobiographiques, éd. de 2011, couverture

«Si j’écris un meilleur allemand que la plupart des écrivains de ma génération, je le dois en grande partie à une seule petite règle que j’observe depuis vingt ans. C’est la suivante : ne jamais utiliser le mot “je”, sauf dans les lettres» (Walter Benjamin, Écrits autobiographiques, 1990).

 

[Complément du 25 novembre 2025]

Hélène Carrère d’Encausse, raconte son fils dans Kolkhoze (2025), ne semblait pas penser autrement :

Ma mère a toujours trouvé le «je» haïssable — et l’usage que j’en ai fait par la suite n’a, c’est le moins qu’on puisse dire, rien arrangé. Elle en tenait pour la troisième personne, objective et académique, qui était le dogme absolu des Sciences Po — la marge de choix possible se situant entre le «on» et le «nous». «On pourrait dire…» «Nous n’en disconviendrons pas…» (p. 229-230).

 

Références

Benjamin, Walter, Écrits autobiographiques, Paris, Christian Bourgois éditeur, coll. «Titres», 137, 2011, 434 p. Édition originale : 1990. Traduction de Christophe Jouanlanne et Jean-François Poirier. Édition allemande établie et annotée par le professeur Schweppenhäuser et le docteur Rolf Tiedemann.

Carrère, Emmanuel, Kolkhoze, Paris, P.O.L, 2025, 558 p.