Qu’elle durcisse !

Moustache molle

L’adolescence masculine peut être pilairement éprouvante.

Soit les deux phrases suivantes :

«Il pensait à la connerie de cet humain devant lui en particulier, qui devenait un archétype, qui devenait une typologie en soi, qui portait des souliers de toile en plein hiver, et des skinny jeans, et une moustache molle» (Malgré tout on rit à Saint-Henri, p. 214).

«Un adolescent à moustache molle, portant une casquette sur ses cheveux noirs retroussés sourit béatement» (les Sentiers de neige, p. 183).

Souhaitons à ces ados que leur moustache molle durcisse !

 

Références

Grenier, Daniel, Malgré tout on rit à Saint-Henri. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 07, 2012, 253 p.

Lambert, Kev, les Sentiers de neige. Conte d’hiver, Montréal, Héliotrope, 2024, 412 p.

Tropes orphelins

Raymond Queneau, les Œuvres complètes de Sally Mara, éd. de 1979, couverture

L’Oreille tendue, depuis 2011, propose un «Dictionnaire personnel de rhétorique».

Il lui arrive de se retrouver avec des phrases dont elle ne sait que faire. Deux exemples.

«Elle avait une maison à tenir et très peu de temps pour la douceur et jamais le matin» (Arvida, p. 130).

«Il continuait à pleuvoir et le gardien à m’interroger» (Journal intime de Sally Mara).

Ce sera tout pour l’instant.

 

Références

Archibald, Samuel, Arvida. Histoires, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 04, 2011, 314 p. Ill.

Queneau, Raymond, «Journal intime», dans les Œuvres complètes de Sally Mara, Paris, Gallimard, coll. «L’imaginaire», 48, 1979, 360 p., p. 11-190. Édition originale : 1962.

Facile à démêler

«Mêlant», dans une publicité de BMO

Soit les trois phrases suivantes :

«C’est pas mêlant, on dirait que tout le monde à Dallas occupe ses loisirs en tripotant des bambins» (Document 1, p. 15).

«C’est pas mêlant, ça me rend malade» («Le crime ne paie pas», p. 32).

«C’est pas mêlant, je l’aurais étampé» (le Chemin d’en haut, p. 115).

Pas mêlant, donc, dans le français populaire du Québec.

Définition d’Usito : «C’est certain, indiscutable; […] à l’évidence.»

À votre service.

P.-S.—Inversement : «on peut comprendre que ce soit mêlant, parfois» (À boutte, p. 56).

 

Références

Blais, François, Document 1. Roman, Québec, L’instant même, 2012, 179 p.

Chabot, J. P., le Chemin d’en haut. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 171, 2022, 224 p.

Chassay, Jean-François, «Le crime ne paie pas», dans les Lieux du combat. Nouvelles, Montréal, Leméac, 2019, 179 p., p. 25-33, p. 32.

Grenier, Véronique, À boutte. Une exploration de nos fatigues ordinaires, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 2022, 82 p. Ill.

Lançons-nous

Anne-Marie Beaudoin-Bégin, la Langue rapaillée, 2015, couverture

Le Petit Robert (édition numérique de 2018) connaît deux sens du mot garrocher, propre à la langue familière du Québec : lancer; se précipiter.

Lancer ? Exemple en titre de chronique : «De l’art de garrocher un livre» (le Romancier portatif, p. 89-92).

Se précipiter ? Exemple poétique chez Marie-Hélène Voyer ici. Exemple en prose : «on s’est tous garrochés» (Des histoires d’hiver, p. 10).

Ajoutons un troisième sens, proche du premier : jeter, voire se débarrasser de. Exemple romanesque : «Si j’avais deux cent mille de plus à garrocher en rénovations pis dix ans de ma vie à mettre là-dedans» (Arvida, p. 257).

Le mot a déjà cours au XIXe siècle, mais en un usage un brin différent : «Une gang s’est mise après moi et ils m’ont garoché avec des cailloux» (les Mystères de Montréal, p. 45).

À votre service.

P.-S.—Garocher ou garrocher ? Anne-Marie Beaudoin-Bégin propose une mise au point utile dans la Langue rapaillée (p. 60-62).

 

Références

Archibald, Samuel, Arvida. Histoires, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 04, 2011, 314 p. Ill.

Beaudoin-Bégin, Anne-Marie, la Langue rapaillée. Combattre l’insécurité linguistique des Québécois, Montréal, Somme toute, coll. «Identité», 2015, 115 p. Ill. Préface de Samuel Archibald. Postface de Ianik Marcil.

Berthelot, Hector, les Mystères de Montréal par M. Ladébauche. Roman de mœurs, Québec, Nota bene, coll. «Poche», 34, 2013, 292 p. Ill. Texte établi et annoté par Micheline Cambron. Préface de Gilles Marcotte.

Dickner, Nicolas, le Romancier portatif. 52 chroniques à emporter, Québec, Alto, 2011, 215 p.

Robitaille, Marc, Des histoires d’hiver avec encore plus de rues, d’écoles et de hockey. Roman, Montréal, VLB éditeur, 2013, 180 p. Ill.

Le zeugme du dimanche matin et de Bertrand Leclair

Surveillances, recueil collectif, 2016, couverture

«Un spectre sans identité ? Le parfait inconnu, je suis bien placé pour savoir que ça n’existe pas, un parfait inconnu — mais c’est une autre histoire, ça, on verra plus tard si j’ai le courage et encore de la mine, je n’ai plus l’habitude aussi, je finis par avoir des crampes à l’index.»

Bertrand Leclair, «Dimenticator», dans Surveillances, publie.net, 1996, 166 p., p. 83-97, p. 89.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)