La clinique des phrases (t)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Jean-Martin Aussant, la Fin des exils, 2017, couverture

Soit le début de phrase suivant, tiré de la Fin des exils de Jean-Martin Aussant (2017) : «La professeure Marie Bouchard, de l’UQAM […]» (p. 69).

L’auteur, jusque-là, avait été pédagogique, en expliquant ce que c’est que l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), puis un OBNL (Organisme à but non lucratif) et enfin l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain). Il invente même un sigle pour désigner les trois piliers de l’indépendance politique, LIT (Lois, Impôts, Traités).

Mais «UQAM» ? Non, tout le monde sur la planète devrait savoir ce que désigne ce sigle. Corrigeons : «La professeure Marie Bouchard, de l’Université du Québec à Montréal […].»

Quand elle parle de rédaction scientifique à des doctorants, l’Oreille tendue appelle cela la «connivence inexistante» : l’idée, dont il faut toujours se méfier, selon laquelle vos lecteurs partagent nécessairement le même bagage que vous (sigle, terminologie, etc.). Elle appelle aussi cela le «syndrome UQAM» : l’UQAM n’est pas concernée en elle-même, mais plutôt ces gens qui utilisent ce sigle dans leurs textes sans l’expliciter. (On pourrait parler de syndrome FLQ ou FTQ ou CSN ou etc. Vous faites comme vous voulez.)

Voilà un autre exemple pour sa collection.

P.-S.—Ce n’est pas le seul exemple de cette «connivence inexistante» chez Aussant (p. 12 n. 1, p. 84).

 

Référence

Aussant, Jean-Martin, la Fin des exils. Résister à l’imposture des peurs, avec des œuvres de Marc Séguin, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 12, 2017, 102 p.

De l’économie avant toute chose

«On oublie trop souvent de respecter son lecteur.»

Pour le bénéfice (?) de ses étudiants, il arrive à l’Oreille tendue de pontifier en pinaillant (exemples ici).

Un de ses chevaux de bataille est la lutte, toujours perdue, contre l’abus des mots de transition. Elle est donc contente quand elle se trouve des alliés, par exemple Henri Bescherelle jeune, l’auteur de l’Art de la correspondance, nouveau manuel complet, théorique et pratique du style épistolaire et des divers genres de correspondance, suivi de modèles de lettres familières pour tous les usages de la correspondance. Premier volume — préceptes (Paris, E. Dentu, 1838).

Méditons-le :

Il faut faire une attention particulière à l’emploi des mots qui servent à lier soit les phrases, soit les membres de phrases; tels que mais, si, donc, car, et, etc. Ces mots, et d’autres semblables, reviennent souvent; ils déterminent la tournure d’un grand nombre de phrases, les joignent ensemble et marquent l’enchaînement et la suite des raisonnements. Il faut n’employer ces mots qu’au besoin, ne pas les multiplier, et en faire toujours un usage conforme à leur véritable destination (p. 49-50, cité par Sybille Grosse, p. 225 et p. 287).

P.-S.—L’épigraphe est aussi de ce Bescherelle-là (p. 203, cité par Sybille Grosse, p. 287).

 

Référence

Grosse, Sybille, les Manuels épistolographiques français entre traditions et normes, Paris, Honoré Champion, coll. «Linguistique historique», 8, 2017, 417 p.

Service public

Il arrive que l’Oreille tendue se définisse comme un service public : n’existe-t-elle pas pour aider ses bénéficiaires ?

C’est dans le cadre de cette mission qu’elle leur propose parfois des générateurs de textes, ces formes de RAO (rédaction assistée par ordinateur). Voir à cet égard la rubrique qui vient d’être créée ici.

Ajouts du jour.

Vous vous sentez la fibre patriotique ? Le Canlit Premise Generator vous attend.

C’est l’économie qui vous intéresse ? Plus besoin de vous casser la tête à inventer de nouvelles mesures d’austérité : allez .

Créer son emploi, c’est bien. Inventer sa catégorie d’emploi, c’est mieux — surtout dans la Silicon Valley.

Vous êtes journaliste ? On fait (presque) tout le travail pour vous de ce côté.

Les artistes contemporains qui ont besoin d’aide pour leur titre d’exposition sauront où s’adresser.

Yapadkoi.

Petit bougonnement du mercredi matin

L’Oreille tendue lit et édite des livres; c’est son travail. Elle est souvent étonnée du provincialisme de certains auteurs, qui n’écrivent que pour leurs voisins, leurs contemporains, voire leurs proches.

Exemples.

Un auteur québécois qui parle de l’UQAM ou de la STM, sans imaginer qu’il y ait des lecteurs sur la planète qui ne connaissent ni l’Université du Québec à Montréal ni la Société de transport de Montréal.

Un auteur français qui parle du scandale du sang contaminé, du procès d’Outreau ou de l’affaire du Sofitel, ou qui fait une allusion à Cloclo et à Johnny, sans la moindre explication, comme si la connaissance de ces événements et de ces personnes était la chose du monde la mieux partagée.

Ça vous embêterait de penser à vos lecteurs, actuels et futurs ? Vous êtes capables de faire la différence entre un article de journal et son obsolescence programmée, et un livre et sa pérennité ?

(Merci. Ça va mieux.)