Sacré détail

Cierge pascal, 2011

Dans la Ligue nationale de hockey, il fut un temps où les séries éliminatoires — le détail, disent certains — ne se rendaient pas jusqu’au mois de juin. C’était le bon vieux temps.

En 1979, on l’a vu, Dominique Michel déplorait leur longueur indue : «Chez nous l’hiver c’comme le hockey / Y a des finales jusqu’au mois d’mai.»

Chez Renald Bérubé (les Caprices du sport, 2010), une autre chronologie se donne à lire :

Le but de Leswick en prolongation en 1954 : il l’avait braillé sans retenue aucune, il avait le rouge de la peine au front en se rendant ce printemps-là, servant de messe, aux cérémonies de la semaine sainte — car les éliminatoires de la coupe Stanley et ladite semaine advenaient alors au même moment, à peu près toujours, à son grand dam. Fallait participer aux cérémonies, il ratait donc les matches diffusés à la radio. Entre le cierge pascal et le hockey, ses croyances n’hésitaient même pas, sinon pour les apparences nécessaires du qu’en-dira-t’on de la rectitude religieuse d’alors (p. 68).

Hockey et semaine sainte (mars-avril) : il est vrai qu’au Québec hockey et religion ont souvent partie liée.

 

Illustration : «Cierge pascal», 2011, photo déposée sur Wikimedia Commons

 

Référence

Bérubé, Renald, les Caprices du sport. Roman fragmenté, Montréal, Lévesque éditeur, coll. «Réverbération», 2010, 159 p.

Accouplements 247

Canadiens de Montréal, Club 1909, «Unissons les fidèles», publicité

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Dans le dix-septième chapitre de son livre le CH et le peuple, Brendan Kelly se demande «Qui se souvient des Glorieux ?» (Les Glorieux est une des nombreuses façons de surnommer les Canadiens de Montréal — c’est du hockey et de la langue de puck.) Réponse : de moins en moins de gens.

Au même moment, la RBC, qui commandite les chandails des Canadiens, diffuse une publicité dans laquelle on peut entendre ceci, dans un bar : «Parce que faire du bruit en encourageant ton équipe, ça c’est glorieux.»

On est glorieux là où l’on peut.

 

Références

Kelly, Brendan, le CH et son peuple. Une province, une équipe, une histoire commune, Montréal, Éditions de l’Homme, 2024, 211 p. Ill. Préface de Claude Legault.

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey. Édition revue et augmentée, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 159 p. Préface d’Olivier Niquet. Illustrations de Julien Del Busso.

Melançon, Benoît, Langue de puck, édition revue et augmentée de 2024, couverture

Espoirs de saison

Almanach du peuple 86, couverture

La saison de la Ligue nationale de hockey vient de commencer. Les amateurs prient pour que leur équipe triomphe. C’était déjà vrai en 1986 (et bien avant), s’agissant des Canadiens de Montréal.

«La profession de foi
de la sainte famille»

Je crois en un seul club
Le Canadien tout-puissant
Créateur du hockey professionnel
Et en Jacques Lemaire son entraîneur
Qui a été conçu pour la victoire
Est né pour gagner
A souffert sous Scotty Bowman
Il s’est retiré, a appris son métier d’entraîneur
Il est descendu au vestiaire
Le troisième jour est monté dans le feu de l’action
Il est assis à la droite de Serge Savard
D’où il viendra juger les bons et les mauvais (Nordiques)
Je crois en Ronald Corey
À la sainte flanelle
À la communion des joueurs
À la rémission des erreurs
À la réussite du Canadien
Et à la coupe Stanley
Amen !

(Le Point, Montréal-Nord, reproduit dans Almanach du peuple 86, 117e année, p. 799)

P.-S.—Le hockey comme religion ? Certes.

Si jamais l’Oreille se sent peccable…

Andrée Lévesque, les Filles de Jeanne, 2024, couverture

L’éducation religieuse obligatoire de l’Oreille tendue est bien loin derrière elle. Elle ne comportait pas, sauf erreur de sa part, cette utile typologie, qu’elle découvre en lisant les Filles de Jeanne d’Andrée Lévesque :

Quand du haut de la chaire le curé condamne le vice, il s’agit le plus souvent de l’abus d’alcool. Est-ce de cette époque [le XIXe siècle] que date la catégorisation des fautes en péchés secs (le blasphème), péchés mouillés (alcool) et péchés poilus (sexe) ? (p. 144)

Sait-on jamais : ça peut peut-être servir un de ces jours.

P.-S.—Oui, certes, du blasphème, il a déjà été question ici.

 

Référence

Lévesque, Andrée, les Filles de Jeanne. Histoires de vies anonymes, 1658-1915, Montréal, Édition du remue-ménage, 2024, 246 p. Ill.

Accouplements 203

Benne de camion, chemin-de-la-Côte-Saint-Antoine, Montréal, 4 novembre 2012

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Debray, Régis, Introduction à la médiologie, Paris, Presses universitaires de France, coll. «Premier cycle», 2000, 223 p.

«L’Éternel est un sujet très jeune, qui n’a guère plus que trois mille ans d’âge. Le Très-Haut continue de trôner au sommet des croyances symboliques, et ses abords sont réservés au théologie, au métaphysicien, à l’historien des religions. Le médiologue peut ajouter son mot à ces acquis considérables, sans remettre en cause, loin s’en faut, leur validité. Comment ? En se tournant vers la logistique du monothéisme, cette prodigieuse échappée que fut la “naissance de Dieu”» (p. 73-74)s.

Bouchard, Serge, la Prière de l’épinette noire, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2022, 222 p. Préface de Jean-Philippe Pleau.

«Il en a fallu des démarches pour propager la foi et rendre le nom de Jésus familier, c’est-à-dire connu au-delà des horizons de la Palestine. Il en a fallu du temps à Jésus pour devenir célèbre, des siècles et des siècles. Les illustrateurs ont dû peindre son image, les artisans ont reproduit des milliers et des milliers de crucifix, en bois, en paille, en fer, des martyrs sont morts en son nom, des missionnaires se sont épuisés à parcourir le monde à pied, bref, un immense réservoir de volonté prosélyte fut nécessaire pour mettre Jésus dans la tête du monde» (p. 120).

Créer une religion, c’est de l’ouvrage.