Les zeugmes du dimanche matin et de Françoise Giroud

Françoise Giroud, On ne peut pas être heureux tout le temps, 2001, couverture

«Je suis partie gonflée d’importance et de documentation, avec un questionnaire bien préparé» (p. 43).

«Mais enfin, fût-ce avec des larmes et des emplois perdus, ce pays s’est rénové et tourné vers l’extérieur […]» (p. 74).

«[…] j’ai déjà écrit quelque part que les hommes ont de grands pieds et des petites lâchetés, ce par quoi ils se distinguent des femmes» (p. 117).

Françoise Giroud, On ne peut pas être heureux tout le temps. Récit, Paris, Fayard, coll. «Le livre de poche», 15329, 2001, 220 p. Ill. Édition originale : 2000.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Les zeugmes du dimanche matin et de Tristan Saule

Tristan Saule, les Sept Robes, 2025, couverture

«En plus de son chien, il est accompagné par la réputation de violence et d’absence totale de pitié qu’il s’est taillée ces dernières années» (p. 25).

«Il y a eu d’autres combats après celui-là, et aucune victoire, juste une avalanche de coups, assénés sur son corps, sa fierté et ses espoirs» (p. 113).

«Après leur violente rencontre qui l’a laissé avec une arcade fendue et un orgueil blessé, Lounès n’a cessé de ressasser cette nuit et d’espérer le jour où viendrait sa vengeance» (p. 335).

Tristan Saule [pseudonyme de Grégoire Courtois], les Sept Robes. Roman. Chroniques de la place carrée. V, Montréal, Le Quartanier, coll. «Parallèle», 06, 2025, 361 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Les zeugmes du dimanche matin et de Jean Echenoz

Jean Echenoz, Bristol, 2025, couverture

«Bristol cherche un interrupteur puis à se rappeler où il est, ce qu’il fait là, quelle heure est-il et qui est est-il au juste : six heures dix et ce n’est que moi» (p. 38).

«Bien qu’il soit encore tôt, la rosée tropicale s’est vite évaporée, le soleil grimpe dans le ciel à toute allure et déjà l’on transpire sous les séquoias, les chapeaux de toile, les effets des vaccins, du décalage horaire et du traitement antipaludéen» (p. 90).

«Ne nous étendons pas sur la mélancolie qui, face à cet échec, s’est emparée de Bristol, évitons de détailler ce tableau, préférons l’ellipse à l’hypotypose. Observons seulement qu’il sort très peu de chez lui, ne reçoit pas plus de visites qu’il n’en fait, mais aussi — la méthode elliptique n’exclut pas de recourir à l’image — que de longues ombres muettes, brunes, malpropres et malodorantes s’étirent à toute heure du jour dans son esprit, dans sa mémoire et son appartement qui s’empoussière à vue d’œil» (p. 123-124).

Jean Echenoz, Bristol. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2025, 205 p.

 

P.-S.—La dernière citation vous dit quelque chose ? On ne peut rien vous cacher.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Tropes echenoziens

Jean Echenoz, Bristol, 2025, couverture

Le savoir de Jean Echenoz connaît-il des limites ? Dans Bristol, son plus récent roman (2025), on apprend des choses sur toutes sortes de sujets : topographie (France, Botswana), pharmacie (notamment sur l’«apozème d’harpagophyton», p. 97), cinéma (surtout américain, français et germanique), voitures (Daimler Sovereign, Citroën Aircross, Dyna Panhard, Simca 1000, taxi-brousse, 4X4, jeeps de milice, command-car, pick-up hybdride), etc.

Quelques passages sont aussi consacrés aux figures de rhétorique. Exemples.

«Car ainsi va le cinématographe où le moins doit faire imaginer le plus. C’est le règne de la partie pour le tout, l’empire de la synecdoque où rien n’arrive à l’extérieur du cadre : hors de son rectangle où se déroule une guerre sans merci, riche en clameurs sauvages, corps démantelés et sang giclant un peu partout, il n’y a que deux types dont l’un tient une perche et l’autre un réflecteur, l’un regarde sa montre et l’autre s’éponge le front» (p. 93).

«Cela ne s’était jamais produit, du moins jamais de cette façon car ce regard se prolonge : un échange muet associant la distance à la proximité, la confiance à la suspicion, le hasard à la nécessité, l’inquiétude à la certitude et quelques autres oxymores du même tabac» (p. 98).

«Là, le Lavomatic jouxte un imposant immeuble qui était, dans le temps, un grand et beau cinéma populaire avant qu’on le transforme en magasin de surgelés — Bristol se demande encore, pas très longtemps non plus, si ce ne serait pas une métaphore de sa vie» (p. 115).

«Ne nous étendons pas sur la mélancolie qui, face à cet échec, s’est emparée de Bristol, évitons de détailler ce tableau, préférons l’ellipse à l’hypotypose. Observons seulement qu’il sort très peu de chez lui, ne reçoit pas plus de visites qu’il n’en fait, mais aussi — la méthode elliptique n’exclut pas de recourir à l’image — que de longues ombres muettes, brunes, malpropres et malodorantes s’étirent à toute heure du jour dans son esprit, dans sa mémoire et son appartement qui s’empoussière à vue d’œil» (p. 123-124).

Merci pour tout.

 

Référence

Echenoz, Jean, Bristol. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2025, 205 p.

Portrait prétéritionnel du jour

Jean Echenoz, Bristol, 2025, couverture

«Corps longiligne et thorax trapézoïdal, lèvres lascives et lunettes noires polarisantes sur nez grec, Jacky Pasternac serait assez facile à décrire mais on n’en a pas tellement envie. Notons seulement qu’il n’est pas mal de sa personne. On s’attardera d’autant moins sur son physique qu’il s’en occupe lui-même, magnétisé par le premier miroir venu. Passons donc sur Pasternac qui ôte déjà ses lunettes pour s’admirer dans leurs verres à revêtement réfléchissant, s’y examine longuement, lisse l’arc d’un sourcil, corrige l’angle d’une mèche et se presse un bouton, passons.»

Jean Echenoz, Bristol. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2025, 205 p., p. 95.

P.-S.—«Prétérétionnel» ? Comme dans «prétérition».