9 œuvres pour le numéro 9

Murale de Maurice Richard, rue Fleury, Montréal, 27 novembre 2024

Il peut arriver — à l’occasion — que l’Oreille tendue s’intéresse à Maurice Richard, le plus célèbre joueur des Canadiens de Montréal — c’est du hockey. Pour commémorer le 25e anniversaire de la mort du Rocket, elle vous propose ci-dessous neuf œuvres le concernant et particulièrement dignes d’intérêt.

Roman

Deux romans des années 1950 font une place particulière à l’émeute du 17 mars 1955 au Forum de Montréal, à la suite de la suspension de Richard par le président de la Ligue nationale de hockey, Clarence Campbell. En 1956, Eugène Cloutier, dans les Inutiles, dit du joueur des Canadiens qu’il est un «mythe» (p. 196). Trois ans plus tard, Pierre Gélinas (les Vivants, les morts et les autres) décrit l’émeute comme s’il s’agissait d’une guerre. Une place dans la mythologie québécoise est déjà faite à Richard, alors qu’il n’a pas encore prise sa retraite.

Théâtre

En 1976, dans sa pièce Un pays dont la devise est je m’oublie, Jean-Claude Germain imagine le dialogue entre Louis Cyr (mort en 1912) et Maurice Richard (né en 1921). Cyr a parfaitement compris ce que Richard va représenter : «T’es Mau-ri-ce Ri-chard !… Ç’avait jamais été… pis ça sra jamais !… Çé !… Pis çé là astheure pour tout ltemps !» (p. 136)

Journalisme

Louis Chantigny était à la fois un journaliste sportif et un amateur de littérature. Le style ronflant ne lui faisait pas peur. Voyez «Une fin tragique pour le Rocket», dans Le Petit Journal, en 1959. Richard devient un personnage de la mythologie grecque et il est comparé à… Icare ! «Il est des hommes sur lesquels pèse dès leur naissance la malédiction de la grandeur…»

Poésie

«Homage to Ree-shard», le meilleur poème sur Maurice Richard, a paru, en anglais, en 1976. On y trouve, sous la plume d’Al Purdy, cet étonnant vers : «[he] made Quebec Canadian» (p. 39). Le Numéro 9 est évidemment un mythe québécois; il est aussi un héros canadien.

Chanson

Quelle chanson sur Le Rocket choisir ? La première, celle de Jeanne d’Arc Charlebois en 1951 ? La plus célèbre, celle de Pierre Létourneau, en 1970 ? Allons-y avec «Rocket Rock and Roll» de Denise Filiatrault (1957) et ces magnifiques rimes : «Monsieur l’placier, quel bonheur / J’ai retrouvé mon ticket / Il était là sur mon cœur / Je vais voir mon Rocket.»

Roman pour la jeunesse

La littérature pour la jeunesse, depuis des décennies, a voulu faire de Maurice Richard un modèle à imiter. François Gravel a plutôt choisi la voie du mystère, voire du fantastique. Son roman le Match des étoiles (1996) est un des textes les plus fins sur Richard, qui en signe la préface.

Peinture

En 1990, la Presse organise une rencontre entre le Rocket et Jean-Paul Riopelle. Le peintre met alors la touche finale à «Hommage à Maurice Richard». Des patins, une rondelle, des bâtons, une raquette, des mains : Riopelle représente l’esprit de Richard comme il ne l’avait jamais été, dans une œuvre en bleu, blanc et… rose.

Cinéma

Animation, fiction, documentaire : tous les genres cinématographiques ont été utilisés pour représenter Maurice Richard. Histoires d’hiver, réalisé par François Bouvier en 1998, rappelle combien l’image du plus célèbre joueur des Canadiens de Montréal est, au Québec, une affaire de famille : «Heye, Mononc’, raconte-moi l’histoire du Rocket.»

Des années 1940 à aujourd’hui, la culture québécoise n’a jamais fini de raconter cette histoire.

 

Références

Chantigny, Louis, «Une fin tragique pour le Rocket», le Petit Journal, du 18 octobre au 25 octobre 1959, p. 132.

Cloutier, Eugène, les Inutiles, Montréal, Cercle du livre de France, 1956, 202 p.

Gélinas, Pierre, les Vivants, les morts et les autres, Montréal, Cercle du livre de France, 1959, 314 p. Rééd. : Notre-Dame-des-Neiges, Éditions Trois-Pistoles, 2010, 324 p. Préface de Jacques Pelletier.

Germain, Jean-Claude, Un pays dont la devise est je m’oublie. Théâtre, Montréal, VLB éditeur, 1976, 138 p.

Gravel, François, le Match des étoiles, Montréal, Québec/Amérique jeunesse, coll. «Gulliver», 66, 1996, 93 p. Préface de Maurice Richard.

Purdy, Al, «Homage to Ree-shard», dans Sundance at Dusk, Toronto, McClelland and Stewart, 1976, p. 36-39.

Chantons le hockey avec Jérôme Charlebois, Annie Roy et Pierre Houde

Image tirée de la vidéo de la chanson «On va jouer au hockey», 2023

(Le hockey est partout dans la culture québécoise et canadienne. Les chansons sur ce sport ne manquent pas, plusieurs faisant usage de la langue de puck. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Jérôme Charlebois, avec Annie Roy et la participation de Pierre Houde, «On va jouer au hockey», Petits mots pour grands enfants, 2023

 

On va jouer au hockey
Amène toute ton quartier
On va se prendre pour les meilleurs
Sidney Crosby ou Guy Lafleur
On va scorer l’gros but
Celui du fameux septième match
On f’ra l’défilé dans la rue
On va s’faire pousser la moustache
On va gagner la coupe Stanley
Pis on va s’faire ben des amis
C’est ça qui compte
C’est pas l’trophée
Mais c’qu’on va dev’nir dans la vie
On va jouer au hockey
A’ec nos bottines dans la ruelle
On invitera les filles
Sophie, Josée pis Isabelle
On va s’imaginer-er
Qu’on joue cont’ les Bruins de Boston
On va pouvoir se mélanger
Entre les filles et les garçons
On va gagner la coupe Stanley
Pis on va s’faire ben des amis
C’est ça qui compte
C’est pas l’trophée
Mais c’qu’on va dev’nir dans la vie
[Pierre Houde]
C’est Guy Lafleur dans son territoire
Lafleur qui aperçoit Maurice Richard
Lui refile le disque
À Jean Béliveau maintenant
Béliveau vers Marie-Philip Poulin
Ô superbe passe vers Cole Caufield
Qui s’échappe seul devant l’gardien
Le tir et le buuuuuuuuuuuuuut
[Jérôme Charlebois]
On va gagner la coupe Stanley
Pis on va s’faire ben des amis
C’est ça qui compte
C’est pas l’trophée
Mais c’qu’on va dev’nir dans la vie

 

 

Références

Melançon, Benoît, «Chanter les Canadiens de Montréal», dans Jean-François Diana (édit.), Spectacles sportifs, dispositifs d’écriture, Nancy, Questions de communication, série «Actes», 19, 2013, p. 81-92. https://doi.org/1866/28751

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey. Édition revue et augmentée, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 159 p. Préface d’Olivier Niquet. Illustrations de Julien Del Busso. ISBN : 978-2-925079-71-2.

Melançon, Benoît, Langue de puck, édition revue et augmentée de 2024, couverture

Accouplements 261

François Gravel, le Match des étoiles, 1996, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Gravel, François, le Match des étoiles, Montréal, Québec/Amérique jeunesse, coll. «Gulliver», 66, 1996, 93 p. Préface de Maurice Richard.

«S’il avait eu cinquante ans de moins, Maurice Richard aurait fait à ces jeunes blancs-becs de retentissantes mises en échec, il se serait ensuite emparé de la rondelle et personne n’aurait pu la lui enlever. Il aurait filé tout droit vers le but, comme une locomotive…» (p. 9-10).

L’ancien arbitre Red Storey déclare au réseau de télévision CTV, le 15 mars 1996, que Maurice Richard était «a runaway train with black headlights» (un train fou avec des phares noirs).

Maurice Richard ? À votre service.

Chantons le hockey avec Mes Aïeux

Mes Aïeux, la Ligne orange, album, 2008, pochette

(Le hockey est partout dans la culture québécoise et canadienne. Les chansons sur ce sport ne manquent pas, plusieurs faisant usage de la langue de puck. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Mes Aïeux, «Le fantôme du Forum», la Ligne orange, 2008

 

[Bruit de glas]

Le mois de janvier 1937
Marqua la fin d’une grande carrière
Howie Morenz le fameux numéro sept
Quitta le match sur une civière

Consternation dans les gradins
Branle-bas d’combat dans la chambre des joueurs
«C’est une fracture», dit le médecin
«App’lez l’ambulance», dit le ramancheur

À l’hôpital Saint-Luc
Un peu avant minuit
La jambe dans l’plâtre
L’œil un peu triste
Le Lightning Man déclare aux journalistes
«I will be back for the series»

Mais la vie réservait un autre sort
À la superstar du tricolore
Une embolie cérébrale fatale
Mort d’un héros deuil national

Un cercueil au centre de la glace
Le Forum converti en cathédrale
Tous les éléments étaient en place
Pour un phénomène paranormal

L’esprit de Morenz en son tombeau glorieux
Sentait l’odeur reconnaissait les lieux
Il entendait dans un lointain écho
Comme une clameur qui criait «Go Habs go»

Go Habs go
Go Habs go-o-o-o-o
Go Habs go
Go Habs go-o-o-o-o

Pendant qu’son corps partait au cimetière
Pour le grand repos éternel
Son âme retraitait au vestiaire
Pour enfiler la sainte flanelle

Le spectre revêtit l’uniforme
Et sauta par-dessus la bande
Planta ses lames dans la légende
Celle du fantôme du Forum

Howie ! On a un septième homme su’a glace
Howie ! Un vrai de vrai d’l’époque pas d’casque
Howie ! L’adversaire shake dans ces culottes
Howie ! Tout le monde a peur de sa méchante garnotte

De coupe Stanley en dynastie
Le fantôme a bien su jouer son rôle
Le cœur gros comme la Zamboni
Il transportait l’équipe sur ses épaules

Le bras de Morenz et le flambeau glorieux
Guidaient les joueurs investissaient les lieux
Motivé par sa [sic] lointain écho
Toujours cette clameur qui criait «Go Habs go»

Go Habs go
Go Habs go-o-o-o-o
Go Habs go
Go Habs go-o-o-o-o

Le feu dans les yeux du Rocket
Les feintes savantes du Gros Bill
Toute la fougue du Pocket Rocket
Jacques Plante et son p’tit nez fragile
La grâce artistique de Ti-Guy
Dryden, le gardien du Barreau
La force tranquille du Big Three
Casseau qui jase avec ses poteaux

Les mauvais bonds, les buts chanceux
Quand la puck roulait pour nous autres
Pis quand l’arbitre fermait les yeux
C’était Howie Morenz qui d’autre

Howie ! On a un septième homme su’a glace
Howie ! Un vrai de vrai d’l’époque pas d’casque
C’t’un gros facteur parapsychologique
De jouer en avantage ésotérique

Au nom du dollar tout-puissant
Au nom de la modernité
Le deuxième étage tramait des plans
Pour déménager le temple du hockey

Puis vint la descente aux enfers
Mais peut-on blâmer la malchance
Quand du vieux Forum au Centre Bell
Pour un fantôme c’est un longue-distance

Combien de temps sera-t-il condamné
À hanter le Cinéplex Pepsi AMC
How many season [sic] before it ends
The curse of the Lightning Man, Howie Morenz

Howie Morenz

Howie ! Y a une rumeur qui flotte dans l’air
Howie ! Il aurait quitté son repaire
Paraît qu’y’aurait erré une couple d’hiver
Avant de trouver la rue de la Gauchetière

Howie ! Le hockey c’est not’religion
Howie ! Prions allumons des lampions
Howie ! Peuple à genoux dans nos salons
Pour que le Saint-Graal revienne à la maison

Attends ta délivrance

Morenz ! Morenz !

 

 

Références

Melançon, Benoît, «Chanter les Canadiens de Montréal», dans Jean-François Diana (édit.), Spectacles sportifs, dispositifs d’écriture, Nancy, Questions de communication, série «Actes», 19, 2013, p. 81-92. https://doi.org/1866/28751

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey. Édition revue et augmentée, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 159 p. Préface d’Olivier Niquet. Illustrations de Julien Del Busso. ISBN : 978-2-925079-71-2.

Melançon, Benoît, Langue de puck, édition revue et augmentée de 2024, couverture

Autopromotion 830

Photographie de Maurice Richard par David Bier, The Gazette, Montréal, années 1950, détail

À l’occasion, il arrive à l’Oreille tendue d’écrire de petites choses sur Maurice Richard, le plus célèbre joueur des Canadiens de Montréal — c’est du hockey.

Rebelote dans le quotidien montréalais le Devoir du jour (merci à Dave Noël pour l’invitation). Sous le titre «Maurice Richard n’est pas mort», l’Oreille réfléchit à la place du Rocket dans la société québécoise aujourd’hui.

Pourquoi ce texte ? Le 27 mai, il y aura 25 ans que Richard est mort.

Ça se lit ici.