L’oreille (très) tendue de… Simenon

Georges Simenon, l’Inspecteur Cadavre, édition de 1948, dans Lisez-moi (43, 61), couverture

«Sa montre, qu’il avait posée sur la table de nuit, marquait cinq heures et demie. Il tendit l’oreille et eut l’impression que la pluie avait cessé ou alors, s’il pleuvait encore, c’était une pluie fine et silencieuse» (p. 478).

«Couché comme il l’était, il ne pouvait même pas la regarder en face. Elle semblait attendre un instant l’effet de ses paroles, puis elle se levait, tendait l’oreille et, au moment de sortir de la chambre, ajoutait : — Faites ce que vous voudrez. Je m’en remets à vous» (p. 478-479).

«Puis elle redressait le buste, tendait l’oreille» (p. 516).

«— D’ailleurs… (Elle tendit l’oreille.)» (p. 517).

«Pourtant, Maigret n’écoutait pas. Louis le Grêlé, qui croyait avoir découvert la cause de son immobilité, tendait consciencieusement l’oreille» (p. 530).

«Maigret ne bougeait plus, tendait l’oreille» (p. 533).

«Sa femme, là-haut, ne devait pas dormir, mais tendre l’oreille, inquiète de ne pas entendre monter les deux hommes» (p. 543).

«Qui aurait pu deviner, en voyant Maigret, lourd et buté, qu’il avait aussi chaud que sa victime ? La chemise lui collait au dos. Il tendant l’oreille. Et, la vérité, c’est qu’il avait peur» (p. 555).

Georges Simenon, l’Inspecteur Cadavre, dans Tout Simenon 24, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1992, p. 465-562. Édition originale : 1944.

Simenon et (les bustes de) Voltaire

Voltaire, buste

Depuis plusieurs années, l’Oreille tendue — croyez-le ou non — se constitue une collection d’évocations de bustes de Voltaire. Cela lui permet de réfléchir aux mécanismes de la célébrité au XVIIIe siècle. En 2021, elle a même publié un texte sur le sujet, «Voltaire, “tête pensante”».

Sur quoi tombe-t-elle en lisant l’Inspecteur Cadavre, le roman de 1944 de Georges Simenon ? «Ainsi, c’était là cette Clémentine Bréjon, née La Noue, que tout le monde appelait familièrement Tine. Petite et vive, avec un visage grimaçant qui faisait penser aux bustes de Voltaire, elle se levait et questionnait d’une étrange voix de fausset […]» (éd. de 1992, p. 510).

C’est noté.

 

Références

Melançon, Benoît, «Voltaire, “tête pensante”», dans Fabrice Brandli et Marco Cicchini (édit.), Pages d’histoire. Autour de Michel Porret, Chêne-Bourg (Suisse), Georg éditeur, 2021, p. 73-89. https://doi.org/1866/28557

Simenon, Georges, l’Inspecteur Cadavre, dans Tout Simenon 24, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1992, p. 465-562. Édition originale : 1944.

Ivrogne toponymique

Georges Simenon, Signé Picpus, 1944, couverture

Au début de Signé Picpus (1944), de Georges Simenon, le commissaire Maigret et son équipe sont rassemblés dans l’attente d’un crime : on le lui a annoncé. Cela commence par une série de fausses alertes. Parmi celles-ci : «Un Bercy ! Ce qui, en terme de métier, signifie un ivrogne» (éd. de 1992, p. 379). Plus tard, quand un deuxième cas se manifeste, on apprend que le Bercy sévit à l’envi le samedi (p. 381).

Pourquoi avoir choisi ce toponyme ? «Les entrepôts de Bercy étaient un ensemble réservé aux négociants en vin situé dans le quartier de Bercy en périphérie du 12e arrondissement. Situé le long de la Seine, cette zone recevait, stockait et redistribuait vins et spiritueux» (Wikipédia, 25 mars 2023).

À votre service.

P.-S.—Cela relève indubitablement du vocabulaire de l’imbibition, mais pas de celui du Québec.

 

Référence

Simenon, Georges, Signé Picpus, dans Tout Simenon 24, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1992, p. 377-464. Édition originale : 1944.

Le zeugme du dimanche matin et de Tristan Saule

Tristan Saule, Jour encore, nuit à nouveau, 2023, couverture

«OK, comme tu veux, dit Fabian, laissant Loïc avec son mensonge et son sandwich, dont on se demande bien où il va le manger.»

Tristan Saule [pseudonyme de Grégoire Courtois], Jour encore, nuit à nouveau. Roman. Chroniques de la place carrée. III, Montréal, Le Quartanier, coll. «Parallèle», 04, 2023, 293 p., p. 84.

P.-S.—L’Oreille tendue apprécie fort le travail de cet auteur. Voir ceci, par exemple.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Tristan Saule

Tristan Saule, Jour encore, nuit à nouveau, 2023, couverture

«Au feu rouge, il s’assied sur le banc, dos au massif de fleurs et au parterre de gazon qui embellissent ce carrefour passant où des semi-remorques freinent et redémarrent dans un grondement assourdissant. Loïc n’y prête pas attention. Les voix ne s’arrêtent pas. Il lui suffit de tendre l’oreille et d’écrire» (p. 63).

«Loïc gare sa Golf dans la cour des parents. Le bruit des roues dans les gravillons l’apaise. Quand il sort de l’habitacle, il sent l’odeur des vaches, de leur bouse, qui fait enrager les Parisiens, et que ceux qui vivent ici ne sentent même plus. Il tend l’oreille machinalement. Quand il était enfant, le grésillement de la trayeuse était comme une horloge. Quand il se taisait, c’était l’heure de rentrer. Aujourd’hui, si la trayeuse ne fait plus de bruit, c’est parce que les voisins ont cessé d’élever des vaches laitières. Ils avaient une cinquantaine de têtes, pas assez pour que ce soit rentable, avec le cours des prix du lait. Ils se contentent des céréales» (p. 145-146).

«Plusieurs fois, Loïc a demandé au docteur Somard et à Nini s’ils avaient des nouvelles de Cloque. Ils n’en avaient pas. Tous deux lui conseillaient de cesser de penser à cet individu, de se concentrer sur lui-même, sur sa propre guérison. Loïc a dit : “Oui.” Loïc a dit : “D’accord.” Mais le soir, dans sa chambre, Loïc tend l’oreille, il pose sa main bien à plat sur la cloison et écoute. Peut-être qu’on lui ment» (p. 293).

Tristan Saule [pseudonyme de Grégoire Courtois], Jour encore, nuit à nouveau. Roman. Chroniques de la place carrée. III, Montréal, Le Quartanier, coll. «Parallèle», 04, 2023, 293 p.

 

P.-S.—L’Oreille tendue apprécie fort le travail de cet auteur. Voir ceci, par exemple.