Ne pas déranger svp

François Blais, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant, 2009, couverture

Qu’est-ce que le peuple, au Québec ? Une masse qu’il ne faut pas écœurer, c’est-à-dire déranger.

Au Danemark, les producteurs de porc n’écœurent pas le peuple comme ici (la Presse, 20 octobre 2002).

Plus radicalement, on dira qu’il ne faut pas le faire chier.

Une autre à sa place en aurait fait un fromage, hein, se la serait jouée Phèdre, tout m’afflige et me nuit, et conspire à me nuire, et blablabla, aurait fait chier le peuple avec ça pendant des mois, mais pas elle (Vie d’Anne-Sophie Bonenfant, p. 196).

La radicalité, ici avec ses accents raciniens, ne manque pas d’attrait.

 

[Complément du 1er mai 2024]

Autre exemple de la première forme chez François Hébert en 1986 : «La seconde [cause] fut mon attaque au gaz, qui écœura passablement le peuple» (p. 68).

 

Références

Blais, François, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant. Roman, Québec, L’instant même, 2009, 241 p.

Hébert, François, l’Homme aux maringouins, Québec, Éditions du Beffroi, 1986, 130 p.

Dictionnaire des séries 50

Bill Stern, «The Man They Call the Rocket… Maurice Richard», World’s Greatest True Sports Stories. Bill Stern’s Sports Book, 1952, case

«Elle adore tous ses champions
D’la rondelle et du bâton
Pour le hockey, elle peut rester trois jours sans manger»
(Léo LeSieur, «Ah ! le hockey», chanson, 1930)

 

Le bâton est un outil essentiel à tous les joueurs pour tirer, passer ou arrêter la rondelle, voire pour frapper les joueurs adverses.

Vous auriez dû voir les fameux coups d’bâton
(Oscar Thiffault, «Le Rocket Richard», chanson, 1955)

Parmi les fabricants de bâtons, Sherwood a longtemps tenu le haut du pavé, du moins dans la langue du hockey.

Love & Bennett Limited ! Tu parles d’un nom pour un bâton de hockey ! Maurice Richard jouait avec un Love & Bennett, pas un Easton ni un Sherwood. Je n’arrive pas à le croire. Et t’as vu ? Droit comme un «i». Comment pouvait-on lancer avec ça ? (le Vol de la coupe Stanley, p. 63).

On entend donc dire, par exemple, jouer du Sherwood. Autre occurrence, avec allusion culturelle à la clé :

La rondelle réussit à se frayer un chemin à travers une forêt de Sherwood (Sainte Flanelle, gagnez pour nous !, p. 78).

Plus généralement, le mot hockey désigne à la fois le sport et le bâton.

Ces merveilleux joueurs
Glissant sur leurs patins
Le hockey à la main
(Les jeunes du Mont Saint-Antoine, «Nos Canadiens», chanson, années 1960)

En France, on dit crosse. (Pas au Québec.) En Suisse, canne.

N.B. : ne jamais dire gouret, sauf si on cherche une rime avec goret, comme Jocelyn Bérubé en 2003 («Rocket», p. 34).

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Références

Bérubé, Jocelyn, «Rocket», dans Portraits en blues de travail, Montréal, Planète rebelle, coll. «Paroles», 2003, p. 25-36. Préface de Jean-Marc Massie. Accompagné d’un cédérom.

Dionne, Claude, Sainte Flanelle, gagnez pour nous ! Roman, Montréal, VLB éditeur, 2012, 271 p.

MacGregor, Roy, le Vol de la coupe Stanley, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 2, 2005, 140 p. Traduction de Jean-Pierre Davidts. Édition originale : 1995.

Puisque vous le dites

Samuel Cantin, Phobies des moments seuls, 2011, p. 147

Soit les deux échanges suivants, sur Twitter.

1.

@oniquet : «Fred n’est plus très jeune, mais il est une force de la nature.»

@kick1972 : «Fred a à peu près mon âge donc IL EST TRÈS JEUNE TU SAURAS.»

2.

@TigrouMalin : «S’asseoir sur la banquette du passager un pied sur le gaz en plus.»

@kick1972 : «J’étais passager vous saurez !».

Donc : l’expression tu sauras / vous saurez.

Écartons d’abord une chose : ce n’est pas un lagacisme, même si elle est utilisée dans les deux exemples ci-dessus par la même personne, Patrick Lagacé (@kick1972).

Il s’agit d’une expression commune. Elle marque la contradiction, et une contradiction forte. Traduction libre : Vous croyez cela ? Eh bien, vous vous trompez pas à peu près.

C’est toujours bon à savoir.

 

[Complément du 16 juillet 2013]

Existe aussi sous la forme si tu veux savoir. Exemple, tiré d’Alexis, plonge et compte ! d’Yvon Brochu (1989) : «…je suis plus fort que tu penses, si tu veux savoir !» (p. 26).

 

[Complément du 17 juillet 2023]

Exemple romanesque, dans Kukum (2019), de Michel Jean : «Tu crois qu’on se tourne les pouces au campement ? On travaille autant que vous autres, tu sauras» (p. 65).

 

Illustration : Samuel Cantin, Phobies des moments seuls. Les carnets du docteur Marcus Pigeon, Montréal, Éditions Pow Pow, 2011, 157 p., p. 147.

 

Références

Brochu, Yvon, Alexis, plonge et compte !, Saint-Laurent, Pierre Tisseyre, 1989, 145 p. Illustrations de Daniel Sylvestre.

Jean, Michel, Kukum, Montréal, Libre expression 2019, 222 p.

Dictionnaire des séries 42

Bâton et ruban gommé

Un passe bien réussie doit se retrouver sur la palette du bâton de celui qui la reçoit.

Osti qu’c’est beau passe su’a palette
(Les Dales Hawerchuk, «Dale Hawerchuk», chanson, 2005).

Mieux encore : drette sur la palette.

Un gardien alerte
Des bonnes mises en échec
Des passes drette sur la palette
Pis des lancers précis et secs
(Loco Locass, «Le but», chanson, 2008)

 

[Complément du 20 décembre 2022]

L’expression peut être utilisée métaphoriquement : «Ma mère n’a jamais attendu que la vie lui fasse une passe sur la palette. Elle s’est toujours créé l’opportunité de scorer sans bâton ni rondelle» (Montréal-Nord, p. 139).

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Référence

Mazza, Mariana, Montréal-Nord, Montréal, Québec Amérique, coll. «QA récit», 2022, 204 p.