Dictionnaire des séries 39

Patin

 

«Baptême ! Je vais voir les Canadiens
de Montréal en chair et en patins !»
(Roch Carrier, Il est par là, le soleil, 1970)

«Celui que j’avais si souvent observé à la télévision
allait s’exécuter devant moi en chair et en patins.»
(Claude Dionne, Sainte Flanelle, gagnez pour nous !, 2012)

 

Pour jouer au hockey, il est indispensable de chausser les patins. (Un jour, il faut malheureusement les accrocher.)

Les habitués de l’Oreille tendue le savent : au sens littéral, elle n’est pas vite sur ses patins. Au contraire, le professionnel doit l’être.

Il ne peut pas patiner sur la bottine; ses lames sont faites pour ça.

Patinez-vous sur la bottine
Comme madame Églantine ?
(Commission des écoles catholiques de Montréal, École Saint-François d’Assise, 4e année, «Le hockey, c’est la santé», chanson, 1979)

Seuls trois ou quatre joueurs étaient aussi à l’aise que les Carcajous sur la glace. Quelques-uns patinaient complètement sur la bottine […] (Dragons en danger, p. 33).

S’il n’a pas un bon coup de patin, il lui faut travailler plus que les autres, notamment dans les coins.

Quand ils sont v’nus l’contrat d’ins mains
J’jouais pour les juniors de Rouyn
J’avais pas l’meilleur coup d’patin
Mais j’travaillais fort dans les coins
J’tais jeune pis j’avais peur de rien
J’ai signé pour les Canadiens
(Pierre Bertrand, «Hockey», chanson, dans Beau dommage, Passagers, 1978)

Qu’il soit rapide ou pas, que son style soit, ou non, élégant, il doit toujours patiner la tête haute. Sinon, il peut finir à l’hôpital.

Faut jamais baisser la tête, faut toujours jouer la tête haute. Comme dans la vie. Tu comprends ce que je dis, mon homme ? La tête haute, toujours la tête haute ! (Mais qu’est-ce que tu fais là, tout seul ?, p. 91)

Le hockey est un sport de contact.

 

[Complément du 11 octobre 2017]

Joli titre dans le Devoir du jour : «Parler français sur la bottine» (p. A1-A8). L’article porte sur le récent livre d’Olivier Niquet, Dans mon livre à moi (Montréal, Duchesne et du Rêve, 2017, 296 p.), dans lequel l’auteur s’amuse à recenser les fautes de langue des sportifs et joueurnalistes. Mal parler, ce serait parler sur la bottine.

 

[Complément du 25 décembre 2021]

Par conséquent, il existe une catégorie d’humains qu’on appellera, à la suite de Maxime Raymond Bock, le «patineur sur la bottine» (Morel, 2021, p. 249).

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Références

Carrier, Roch, Il est par là, le soleil. Roman, Montréal, Éditions du jour, coll. «Romanciers du jour», R-65, 1970, 142 p. Rééditions : Montréal, Stanké, coll. «10/10», 35, 1981, 160 p.; dans Presque tout Roch Carrier, Montréal, Stanké, 1996, 431 p.; Montréal, Éditions internationales Alain Stanké, coll. «10/10», 206, 2009, 89 p.

Dionne, Claude, Sainte Flanelle, gagnez pour nous ! Roman, Montréal, VLB éditeur, 2012, 271 p.

MacGregor, Roy, Dragons en danger, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 14, 2010, 159 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 2001.

Raymond Bock, Maxime, Morel. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2021, 325 p.

Szalowski, Pierre, Mais qu’est-ce que tu fais là, tout seul ?, Montréal, Hurtubise, 2012, 360 p.

Chargé (de sens)

Pierre Szalowski, Mais qu’est-ce que tu fais là, tout seul ?, 2012, couverture

La mère de l’Oreille tendue n’est pas très souvent présente en ces lieux. Elle n’a guère été évoquée que pour l’expression «rare comme de la marde de pape».

Corrigeons cela.

Elle aime le mot barda. Pas «L’équipement du soldat» dont parle le Petit Robert, mais plutôt un «Chargement encombrant, [un] bagage» (édition numérique de 2010), les choses, en assez grand nombre, que quelqu’un porte.

Et Sim, pourquoi ne courait-il pas ? Peut-être parce qu’il ne pouvait tout simplement pas aller plus vite, avec tout son barda sur le dos ? (l’Enfant du cimetière, p. 133)

L’Oreille a pensé à elle en lisant l’étude que vient de consacrer Jonathan Livernois à l’essayiste Pierre Vadeboncoeur (2012). L’auteur y utilise le mot barda de façon inattendue :

Il reste à savoir si Vadeboncoeur est conscient du poids de son barda moderne dans son périple au cœur du passé […] (p. 130).

Parce qu’ils sont des explorateurs qui transportent un barda nécessaire, […] Miron et Lévesque sont plus grands qu’eux-mêmes; c’est en ce sens qu’ils sont extraordinaires (p. 206).

Chose certaine, quoi qu’il fasse, il traînera toujours avec lui son barda moderne, même en jouant avec son fils (p. 257).

Ni l’Oreille ni sa mère ne connaissaient cet usage métaphorique de barda. C’est chose faite.

P.-S. — Dans Mais qu’est-ce que tu fais là, tout seul ?, Pierre Szalowski fait dire ceci à un de ses personnages : «Je vous laisse tout seul dans mon hôtel et je reviens, pis c’est le barda» (p. 316). On se demande si ce personnage n’a pas confondu barda et bordel, ou euphémisé le second en ayant recours au premier.

 

Références

Livernois, Jonathan, Un moderne à rebours. Biographie intellectuelle et artistique de Pierre Vadeboncoeur, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. «Cultures québécoises», 2012, x/355 p. Ill.

MacGregor, Roy, l’Enfant du cimetière, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 13, 2009, 164 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 2001.

Szalowski, Pierre, Mais qu’est-ce que tu fais là, tout seul ?, Montréal, Hurtubise, 2012, 360 p.

L’art du titre sans poulet

Les révélations entendues à la Commission (québécoise) d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction, la Commission Charbonneau, du nom de la juge qui la préside, ont coûté son poste à Gilles Vaillancourt, le maire, que l’on croyait inamovible, de Laval.

Rebelote, en quelque sorte, avec son remplaçant, Alexandre Duplessis, qui vient de demander au gouvernement du Québec de mettre sa ville en tutelle.

Le 31 mai, au moment où l’on a appris la nouvelle, le journaliste Patrick Lagacé twittait ceci :

Alexandre Duplessis, chicken

Dans son journal, la Presse, le lendemain, il écrivait plutôt : «Alexandre Duplessis, dégonflé» (p. A5). Dans le corps de l’article que coiffe ce titre, il y a aussi «pissou».

Alexandre Duplessis serait donc un «chicken», un «dégonflé» ou un «pissou»; ça veut dire la même chose.

La Presse a choisi un mot au lieu des deux autres. Quelqu’un y serait-il chicken linguistiquement ?

 

[Complément du 26 décembre 2021]

Exemple littéraire, tiré des Noyades secondaires (2017) de Maxime Raymond Bock :

— À l’odeur, doit y avoir un animal mort là-dedans, certain.
— Chicken (p. 223).

 

Référence

Raymond Bock, Maxime, les Noyades secondaires. Histoires, Montréal, Le Cheval d’août, 2017, 369 p.

L’art du portrait en miniature

Jean Echenoz, les Grandes Blondes, 1995, couverture

«Béliard est un petit brun maigrelet, long d’une trentaine de centimètres et présentant un début de calvitie, une raie sur le côté, une lèvre supérieure et des paupières tombantes, un teint brouillé. Il est vêtu d’un complet de coton brun, cravate violet foncé, petits souliers marron glacé cirés à la salive. Visage veule assez disgracieux quoique expression déterminée. Bras croisés, ses doigts dépassant de manches un peu trop longues pianotent sur ses coudes.»

Jean Echenoz, les Grandes Blondes. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1995, 250 p., p. 36.