Québécasie

François Barcelo, J’haïs le hockey, 2011, couverture

On l’a dit à maintes reprises : le Québec aime les capitales. (Voyez la catégorie du même nom, en bas, à droite.) Encore ce samedi, dans le cahier Vacances voyage de la Presse, en titre : «Lanaudière / Saint-Zénon. La capitale mondiale de la mouchetée» (p. 13). (Il s’agit de truite, bien sûr.)

Il était dès lors prévisible que les romanciers s’emparent de cette obsession provinciale.

Exemple tiré du roman J’haïs le hockey, mi-polar ni-humour noir, de François Barcelo (2011) : «C’en est rendu que Saint-Zéphyrin se qualifie maintenant, sur un grand panneau que vous pouvez voir à l’entrée de la ville, de “capitale québécoise de la cuisine exotique”» (p. 15). Cela s’explique facilement : il y a une forte population «québécasienne» (p. 17) dans cette ville (fictive), en l’occurrence des Vietnamiens ou des enfants de familles dont un des parents est vietnamien.

P.-S. — Le narrateur s’appelle «Vachon» sur la quatrième de couverture et à la p. 6, puis «Groleau» dans le reste du roman. Ça fait désordre.

 

Référence

Barcelo, François, J’haïs le hockey. Roman, Montréal, Coups de tête, coll. «Roman noir», 45, 2011, 111 p.

L’art du portrait (de soi)

Éric Chevillard, Dino Egger, 2011, couverture

«Ma vie sentimentale est un cimetière sis dans un désert, au-delà de la mer de glace. Je n’ouvre plus un livre à l’exception des rébarbatifs registres de l’état civil. Les voyages que j’entreprends, tournés vers l’unique objet de mes recherches, ne me laissent aucun loisir pour le tourisme : je n’ai rien vu d’Amsterdam, de Lisbonne, de Chicago, d’Oulan-Bator. Je n’ai rien vu de Prague que les treize logements de Kafka auxquels me conduisit — donc — une fausse piste. On me dit qu’il y a des canaux à Venise, ah bon ? Mon toucher subtil m’attirait des compliments au tennis et au piano, j’ai dû renoncer à les pratiquer, aujourd’hui je les confonds un peu.»

Éric Chevillard, Dino Egger. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2011, 153 p., p. 90.

Ballon polysémique

Michael Connelly, The Fifth Witness, 2011, couverture

(ATTENTION : si vous vous apprêtez à lire le dernier Michael Connelly, ou si vous êtes en train de le lire, ce qui suit pourrait flinguer votre lecture.)

Dans ses polars, Michael Connelly aime semer de discrets indices, puis les reprendre au moment opportun. The Fifth Witness (2011), son plus récent roman, ne fait pas exception.

Au plaisir de la révélation découlant de ces indices s’ajoute celui de la langue, quand on voit des «balloons» — ces «ballons» qu’on gonfle — se mêler à des «balloon payments» — le roman porte sur la crise hypothécaire états-unienne, où ces paiements existent.

D’un ballon l’autre.

P.-S. — En français, dit le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue français, un «balloon payment» serait un «paiement gonflé» ou un «paiement ultime gonflé». Ce n’est pas aussi aérien.

 

Référence

Connelly, Michael, The Fifth Witness. A Lincoln Lawyer Novel, New York, Little, Brown and Company, 2011. Édition numérique.

Il est interdit d’y penser

Sandra Gordon, les Corpuscules de Krause, 2010, couverture

Soit l’objurgation suivante, tirée des Corpuscules de Krause (2010) de Sandra Gordon : «Lucie l’avait flingué des yeux : — Penses-y même pas» (p. 21). Au Québec, l’expression Penses-y même pas a une fonction nette : étouffer dans l’œuf.

Elle vient de l’anglais «Don’t even think about it». Exemple ci-dessous, photographié récemment sur un trottoir de Manhattan.

Interdiction de stationner, panneau, New York, 2011

On se réjouit du sens de l’humour de la régie des transports new-yorkaise («Dept of Transportation»).

 

Référence

Gordon, Sandra, les Corpuscules de Krause. Roman, Montréal, Leméac, 2010, 237 p.