Langue de puck — Premiers compléments

Il y a quelques semaines, l’Oreille tendue publiait Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), recueil des textes publiés ici dans la rubrique «Dictionnaire des séries». À la fin de l’«Avant-propos», elle écrivait ceci : «Manque-t-il des choses ? Probablement.» La preuve ci-dessous.

Vous faites une passe sans vous soucier de sa réception ? On parle alors de passe à l’aveuglette. (L’Oreille s’est aperçue de ce monumental oubli deux jours après l’envoi du texte à l’imprimeur. Elle est maintenant complètement chauve.)

Le temps de glace se décline de deux façons. Il peut s’agir de réserver un aréna; ce temps de glace est rare (et coûteux). Il peut s’agir du temps de jeu dont bénéficie un joueur; ce temps de glace, constitué, dans le meilleur des cas, de minutes de qualité, est précieux.

Michaël Bournival, des Canadiens de Montréal, patine «comme le vent» (la Presse+, 18 avril 2014). Voilà quelqu’un qui est vite sur ses patins. Généralement, on ne s’attend pas à ce genre de performance quand quelqu’un patine en solitaire.

Le gardien de but, le cerbère, peut commettre des erreurs parfois coûteuses. Deux exemples. Il peut donner un retour juteux au lieu d’immobiliser le disque. Étendu sur la glace, plutôt que de contrôler ses gestes, il peut se battre avec la rondelle, voire nager (se déplacer sans direction précise). Si cela se produit, ses adversaires risquent de lui faire payer le prix en marquant contre lui. Il avait peut-être un coussin (une bonne avance); il risque de le perdre. En ces circonstances, un but peut faire mal; c’est alors un gros but.

Le hockey est un jeu d’erreurs, un sport de pouces (centimètres, dans ce contexte, fait un peu snob). Ce serait particulièrement vrai en séries éliminatoires. Les bonds capricieux ont des conséquences graves. Ce n’est pas le temps de se lancer dans un festival offensif. Il faut éviter les punitions stupides; c’est bien connu, dans le détail, on gagne ou on perd grâce à ses unités spéciales. Soulever la coupe demande des efforts de tous les instants. Voilà pourquoi il faut jouer du hockey inspiré, si possible avec l’énergie du désespoir. Mieux encore : on mouille ses culottes. Lever le pied ? Jouer sur les talons ou du bout de la palette ? Surtout pas. Ce n’est pas le temps de perdre son momentum (à prononcer momentoum, comme le fait remarquer à juste titre @oniquet).

Manque-t-il toujours des choses à ce vocabulaire du hockey ? Sûrement. Vous savez où trouver l’Oreille.

 

[Complément du 30 novembre 2021]

Laveuglette était au Centre Bell hier. @mcgilles l’y a croisé.

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

 

L’économie du hockey

Soit les phrases suivantes, toutes les deux tirées de la Presse+ du 19 avril 2014 :

«J’ai aimé la façon dont on a géré la rondelle autant que la façon dont on s’est défendus» (Michel Therrien).

«On savait qu’ils sortiraient en force, et il a fallu gérer la tempête au début» (Carey Price).

Le hockey est devenu affaire de gestion. Le phénomène est récent : on n’aurait pas parlé ainsi il y a quinze ou vingt ans.

C’est particulièrement clair dans le vocabulaire du joueurnaliste Marc Denis au Réseau des sports (RDS). Un de ses verbes favoris est gérer (la rondelle, le «traffic» devant le filet, l’attaque à cinq) et il n’hésite pas à parler du mandat confié à l’entraîneur des gardiens (match du 20 avril 2014).

Dans une société où l’économie occupe autant de place, cela ne devrait pas étonner les spectateurs.

P.-S. — Exemple romanesque, dans Chanson française (2013) de Sophie Létourneau, qui montre bien l’ampleur de la pénétration du vocabulaire de la gestion dans l’ensemble du langage : «La classe était dissipée, il y avait du chahut, mais tu gérais jusqu’à ce que Julien ouvre la porte» (p. 130).

 

[Complément du 27 avril 2014]

Que doivent faire les Canadiens de Montréal, selon le propriétaire de l’équipe, Geoff Molson ? «Il faut gérer les attentes» (la Presse, 11 avril 2014, cahier Sports, p. 3).

 

[Complément du 28 mai 2014]

Trois autres exemples du vocabulaire de la gestion appliqué au hockey.

Il fut un temps où chaque équipe avait des entraîneurs adjoints; ils ont été remplacés par des entraîneurs associés. Ils sont devenus des partenaires. Comme dans les grandes surfaces de rénovation, le personnel hockeyistique a changé de statut.

On ne parle plus de la responsabilité des joueurs, mais de leur imputabilité.

Une équipe doit générer des occasions de marquer ou générer de l’attaque, comme d’autres génèrent des revenus.

 

[Complément du 3 juillet 2018]

Entendu hier, au Réseau des sports, le joueurnalyste Patrick Leduc parler du «capital de chance» des joueurs japonais dans leur huitième de finale à la Coupe du monde de football 2018 : de la langue de puck à la langue de ballon rond.

 

[Complément du 3 juillet 2018]

La mémoire est la faculté qui va oublier. L’Oreille tendue reparlera de ceci… le 19 juillet 2016.

 

[Complément du 2 juin 2019]

L’autre jour, Marc Denis était interrogé par la Presse+ sur les raisons de la faible présence des anciens gardiens de but parmi les entraîneurs de la Ligue nationale de hockey. Sa réponse :

«C’est vrai que notre tempérament est plus proche de celui d’un gestionnaire», ajoute Marc Denis. Actionnaire des Saguenéens de Chicoutimi, il n’a pas l’intention de devenir entraîneur-chef. Mais un poste dans les opérations hockey ? «Ce n’est pas impossible que je me dirige de ce côté-là un jour. La gestion, ça m’intéresse. C’est drôle, quand tu y penses, parce que sur la glace, le gardien est un des seuls joueurs qui peut gérer le match. Il peut décider d’arrêter l’action, par exemple. Ou décider de quel côté ira la mise en jeu. Il est capable de prendre du recul face au jeu et de l’analyser.» (L’Oreille souligne.)

Ceci (le passé du joueur) expliquerait-il cela (le choix d’un mot) ?

 

Références

Létourneau, Sophie, Chanson française. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 70, 2013, 178 p.

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

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L’Oreille tendue sera, vers 8 h 20, à l’émission C’est pas trop tôt ! de la radio de Radio-Canada pour parler de son Langue de puck. Abécédaire du hockey.

 

[Complément du 21 avril 2014]

On peut (ré)entendre l’entretien avec Marie-France Bazzo ici.

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

Certaines défaites sont pires que d’autres

Roy MacGregor, Attaque à la tour de Londres, 2014, couverture

Soit la phrase suivante, tirée du roman pour la jeunesse Attaque à la tour de Londres de Roy MacGregor (2014) : «On va se faire crémer ! lança Karine, furieuse, en jetant son bâton par terre à son retour au banc» (p. 36).

Au Québec, une équipe sportive qui se fait crémer subit une défaite humiliante.

On ne souhaite cela à personne, surtout pas maintenant que le détail a commencé.

 

Référence

MacGregor, Roy, Attaque à la tour de Londres, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 18, 2014, 159 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 2004.

Le détail

Les premiers matchs des séries éliminatoires de la Ligue nationale de hockey ont lieu aujourd’hui. On les désigne de diverses façons : les séries, la vraie saison, les éliminatoires, les playoffs, les finales. Jadis, on disait le détail.

À la même époque l’an dernier, l’Oreille tendue commençait à publier les entrées de son «Dictionnaire des séries». Il y en eut 57, du 30 avril au 25 juin.

Depuis, elle en a tiré un livre, Langue de puck. Abécédaire du hockey (2014).

Les barbes des séries sont donc de nouveau à l’honneur.

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture