Retard du blogueur non tatoué

Toute contente, hier, de découvrir, à l’émission de radio Citoyen numérique de Michel Dumais, l’expression «tatouage des fichiers», dans la bouche de Gilles Herman des Éditions du Septentrion. Quelle jolie expression !

Par acquit de conscience, l’Oreille tendue jette un coup d’œil au Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française. Déception : elle y est.

Tatouage numérique : «Technique de marquage qui consiste à insérer une signature invisible et permanente à l’intérieur des images numériques transitant par les réseaux, tel Internet, afin de lutter contre la fraude et le piratage et d’assurer la protection des droits de propriété intellectuelle.»

Le mot existe en ce sens depuis… 1999.

Selon le GDT, le tatouage numérique, ou filigranage numérique, ou marquage numérique, est seulement affaire d’image ou de «document audiovisuel numérique». En fait, désormais, on l’emploie aussi pour les fichiers textuels; il faudrait le préciser.

Maigre consolation.

Le message ne passait plus

Motif fréquent de congédiement d’entraîneur dans le sport professionnel. Ne s’emploie que dans un sens : du haut vers le bas, du chef vers ses employés. Exemple : «Il semble que le message n’ait pas passé, comme ils disent dans les arénas» (la Presse, 8 juillet 2009, Sports, p. 6).

Du temps où il était entraîneur, on a pu utiliser ce motif pour expliquer le sort réservé à Jacques Demers. Ça ne risque pas de lui arriver au Sénat, où il a un contrat garanti (pour rester dans le jargon sportif) de dix ans.

Surveillez votre langue

Un créateur québécois, Claude Robinson, vient de gagner un procès contre plusieurs sociétés cinématographiques qui l’ont plagié (récit ici). Gros procès : quatorze ans, 20 765 pages de documents. Long jugement : 240 pages, signées Claude Auclair.

Parmi les preuves, celle-ci, répétée quatre fois : «Il faut savoir que Mirleau a copié la faute d’orthographe que le demandeur a commise dans le mot “pachyderme” en l’écrivant avec un “i” au lieu d’un “y”. Et ensuite, il a le culot de venir déclarer sous serment qu’il n’a jamais eu connaissance des documents du demandeur» (par. 358); «Qui plus est, Mirleau reproduit la faute d’orthographe commise par le demandeur au mot “pachyderme” en écrivant la lettre “i” plutôt que “y”. Pure coïncidence ? Et il a l’audace de jurer devant le Tribunal ne jamais avoir eu accès aux documents du demandeur» (par. 573); «Il ne faut pas oublier non plus que Mirleau a reproduit dans son synopsis la même faute d’orthographe que celle commise par le demandeur dans le mot “pachyderme” en l’écrivant avec un “i”» (par. 817); «Izard, Davin et France Animation sont tout aussi responsables et seront également condamnés aux dommages exemplaires pour leur participation à l’acte de contrefaçon et pour avoir adopté, tout au long de l’instance, une conduite mensongère. De plus, ils n’ont pas dit la vérité en déclarant ne pas avoir eu accès à l’œuvre du demandeur, ayant même été jusqu’à reproduire la faute d’orthographe au mot pachyderme, l’écrivant avec un “i” au lieu d’un “y”» (par. 1054).

Voilà pourquoi il faut toujours soigner son orthographe.

L’économie du signe

Untel travaille «trois jours semaine». La bataille des plaines d’Abraham a eu lieu en «dix-sept cinquante-neuf». L’autobus passe «à sept». L’établissement est géré par «l’équipe-école».

La preuve, linguistique cette fois, qu’il n’y a pas de petites économies.

 

[Complément du 18 septembre]

À la radio ce matin : «expérience terrain».

Y a pus d’enfant

Le modèle québécois, cette façon distincte de gérer la vie sociale, a accouché d’un nouvel enfant, à côté de l’enfant régulier : l’enfant sporadique.

Cette créature fréquente les services de garde des écoles du Québec, mais de façon irrégulière. D’où des propos comme ceux-ci, lisibles sur plusieurs sites : «Tel que défini par le ministère de l’Éducation du Québec, un enfant sporadique est un enfant fréquentant le service de garde deux jours et moins par semaine et au moins 2 h 30 par jour»; «Le sporadique est l’enfant qui est inscrit une journée ou deux par semaine, cet enfant ne reçoit pas la subvention.» Voilà, c’est clair : «Enfant sporadique (non subventionné par le gouvernement).»

L’enfant sporadique est-il un enfant occasionnel ? Pour certains, ce dernier est un «enfant gardé aux journées pédagogiques seulement», ce qui le distingue radicalement du premier. Chez d’autres, c’est moins clair : on voit des «enfants sporadiques ou occasionnels», voire un «enfant sporadique occasionnel». Le débat est ouvert.

Quoi qu’il en soit de son issue, une chose est sûre : un enfant sporadique ou un enfant occasionnel, c’est bien peu de chose.