À l’aide !

Il était question avant-hier de Frédéric Lord. Rebelote.

Le 25 juin, pendant un match de l’Euro, Lord a évoqué un barbier, sans être sûr de savoir de qui ledit barbier avait coupé les cheveux. «On va mettre un homme là-dessus», conclut-il.

Dans le français populaire du Québec, qui dit vouloir mettre un homme là-dessus annonce, sur le mode plaisant, qu’il a besoin d’aide.

L’expression a donné son titre à une chanson de Richard Desjardins en 1993, «M’as mettre un homme là-dessus». Extrait :

Pour moi y s’est faite manger par la souffleuse
Ou par le gars d’l’autre bord de la rue.
Toute cette affaire est nébuleuse.
M’as mettre un homme
M’as mettre un homme
M’as mettre un homme là-dessus.

À votre service.

 

Il faudrait vous en rapprocher

Deux flèches pour marquer le profit ou son absence

Quand il n’est pas en train de parler de roubignoles, l’excellent descripteur sportif Frédéric Lord est friand de l’expression loin de son profit. Il en fait souvent usage durant l’actuel Euro.

Dans le français populaire du Québec, loin de son profit marque l’insuffisance, l’objectif non atteint, la performance qui n’est pas à la hauteur, le manque de résultats.

Exemple tiré du journal la Voix de l’Est du 1er décembre 2022 :

Après avoir raté les séries éliminatoires la saison dernière, le Métal Pless de Plessisville s’est fixé des objectifs élevés en 2022-2023 : finir parmi les trois premiers au classement de la Ligue de hockey senior AAA.
Granby — Mais voilà, un coup d’œil au classement du circuit permet de constater que le Métal Pless est loin de son profit, lui qui est installé au sixième rang en vertu d’une fiche de quatre victoires et six défaites

À votre service.

Proses sportives de la semaine

Rondelle à l’effigie de Patrice Bergeron

Depuis plusieurs lustres, l’Oreille tendue ne cesse de contredire ceux qui disent que la lettre est disparue avec l’apparition du numérique. À partir du moment où de nouveaux modes de communication sont devenus disponibles, la lettre, elle, a commencé à jouer un rôle particulier. Pour aller vite : on l’utilise évidemment moins, mais, quand on la choisit, cela donne un poids considérable à la forme épistolaire. (L’Oreille cause de cela, par exemple, dans cet entretien.)

C’est notamment vrai dans le domaine du sport. En 2015, le joueur de baseball Alex Rodriguez diffuse une lettre d’excuse — manuscrite ! : oui, il s’est dopé. En 2020, Willian Borges da Silva quitte le club de foot de Chelsea et rédige une lettre d’adieu. En 2021, le hockeyeur Mike Bossy écrit une lettre à ses partisans pour commenter ses problèmes de santé.

Plus tôt cette semaine, le joueur de centre des Bruins de Boston Patrice Bergeron a annoncé sa retraite. Comment ? En rédigeant deux longues lettres, l’une en anglais, l’autre en français. Pourquoi cette façon de faire ? Il a expliqué à Simon-Olivier Lorange de la Presse+ comment «ce médium […] s’est imposé à lui à ce moment névralgique de sa vie», même si l’écriture n’a jamais été une «force» chez lui :

Je savais que d’écrire mes pensées et mes états d’âme, c’était probablement la meilleure façon pour moi d’exprimer ce que je ressentais, ce que je voulais dire aux gens qui m’ont tant aidé, qui ont eu une influence immense sur ma carrière, a-t-il poursuivi. C’était la meilleure solution.

Une conférence de presse a suivi, mais le principal intéressé s’en serait passé. La lettre, cette forme qui reste, lui aurait suffi.

P.-S.—Oui, bien sûr, l’Oreille a écrit sur les lettres des sportifs : voir ici, ou là encore. Ci-dessous, une autre référence.

 

Référence

Melançon, Benoît, «Le cabinet des curiosités épistolaires. Le courrier des sportifs», Épistolaire. Revue de l’AIRE (Association interdisciplinaire de recherche sur l’épistolaire, Paris), 33, 2007, p. 279-283; repris, sous le titre «Sportifs épistolaires», dans Écrire au pape et au Père Noël. Cabinet de curiosités épistolaires, Montréal, Del Busso éditeur, 2011, p. 81-89.

Benoît Melançon, Écrire au pape et au Père Noël, 2011, couverture

Tendre le bras et l’oreille

Trophée Heisman, football universitaire, États-Unis

Il arrive qu’un sportif, notamment au football (américain, donc canadien) ou au soccer, repousse un adversaire en tendant le bras pour le frapper. En anglais, on parle de stiff-arm fend. Comment désigner cela en français ?

À la télévision québécoise, dans le vocabulaire du football (canadien, donc américain), on a longtemps entendu technique du bras tendu.

Depuis peu, raffut a fait son apparition, au grand étonnement de l’Oreille, elle aussi tendue. D’où le mot vient-il ?

Du vocabulaire du rugby, avance le Wiktionnaire : «Technique utilisée par le porteur du ballon pour repousser, de sa main libre ouverte ou du bras, le haut du corps d’un adversaire cherchant à le plaquer.»

Merci, le Wiktionnaire.

P.-S.—Non, ce n’est pas (encore ?) de la langue de puck.

Fil de presse 041

Charles Malo Melançon, logo, mars 2021

Des publications sur la langue ? À votre service.

Abbiateci, Jean et Loris Grillet, le Dico des mots extraordinaires, Publier, Bulletin, 2022, 132 p.

Abbou, Julie, Tenir sa langue. Le langage, lieu de lutte féministe, Paris, Éditions Les Pérégrines, coll. «Genre !», 2022, 280 p.

Berthomieu, Gérard, Florence Leca-Mercier et Françoise Rullier-Theuret (édit.), Jean Échenoz : la fiction, la langue, Paris, Honoré Champion, coll. «Bibliothèque de grammaire et de linguistique», 69, 2022, 370 p.

Biasoni, Sami (édit.), Malaise dans la langue française, Paris, Cerf, 2022, 264 p. Préface d’Annie Genevard.

Blanchet, Philippe, A la descuberto dóu prouvençau, lengo óuriginalo, lengo amenaçado. À la découverte du provençal, langue originale, langue menacée, Cheval-blanc, Éditions de l’Observatoire de la langue et de la culture provençales, 2022, 95 p.

Canut, Cécile, Langue, Paris, Anamosa, coll. «Le mot est faible», 2021, 96 p.

Cassin, Barbara, Ce que peuvent les mots, Paris, Bouquins, «La collection», 2022, 1056 p.

Collège de ’Pataphysique, les 101 Mots de la Pataphysique, Paris, Presses universitaires de France, coll. «Que sais-je ?», 4039, 2022, 128 p.

Costa, Albert, le Cerveau bilingue. Et ce qu’il nous dit de la science du langage, Paris, Odile Jacob, 2022, 216 p.

Crépon, Marc, l’Héritage des langues. Séminaire 2020-2021, Paris, Fayard, coll. «Ouvertures», 2022, 320 p.

Crevoisier, Michaël et Aurélien Galateau (édit.), Langage et Idéologie. Penser le devenir de la langue avec Klemperer, Nice, Éditions Unes, 2022, 184 p.

Denisot, Michel, Médéric Gasquet-Cyrus et Arnaud Richard, En plein dans la lucarne ! 200 expressions, mots et anecdotes de légende sur le foot, Paris, Le Robert, 2022.

Dorey, Alicia, Louise Pierga et Marcelle Ratafia, Parlons VIN parlons BIEN !, Paris, Le Robert, 2022.

Elchacar, Mireille, Délier la langue. Pour un nouveau discours sur le français au Québec, Montréal, Éditions Alias, 2022, 160 p. Ill.

Le compte rendu de l’Oreille tendue se trouve ici.

Les Expressions françaises expliquées aux enfants, Niort, Les éditions Bonhomme de chemin, 2022, 96 p.

Feltin-Palas, Michel, Sauvons les langues régionales !, Paris, Éditions Héliopoles, 2022, 192 p.

Gaudin, François (édit.), Charles de Foucauld. Lexicographe et missionnaire, Rouen, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2022, 178 p.

Itinéraires. Littérature textes cultures, 3, 2021. Dossier «Race et discours 2 : Représentations et formes langagières», sous la direction de Marie-Anne Paveau.

Jaillard, Pierre (édit.), les Noms de lieux, un patrimoine en mouvement, Paris, Honoré Champion, coll. «Lexica — Mots et dictionnaires», 40, 2022, 234 p.

Lacroix, Jacques, les Irréductibles Mots gaulois, Chamalières, Lemme edit, 2022 (deuxième édition revue et corrigée), 180 p. Préface de Michael Edwards.

Lefebvre, Julie, la Note de bas de page dans les imprimés contemporains, Limoges, Éditions Lambert-Lucas, coll. «Recherches linguistiques et textuelles», 2022, 280 p.

Linguistique de l’écrit, 2, 2021. Dossier «Écrits préparants, paroles préparées», sous la direction de Rudolf Mahrer. ISSN : 2515-3102.

Loriga, Sabina et Jacques Revel, Une histoire inquiète. Les historiens et le tournant linguistique, Paris, ÉHÉSS, Gallimard et Seuil, coll. «Hautes études», 2022, 392 p.

Montpetit, Caroline, Bonjour ! Kwe ! À la rencontre des langues autochtones du Québec, Montréal, Boréal, 2022, 112 p.

Morgentaler, Simone, Nos gros mots, Ùnseri Schìmpfwerter, Bernardswiller, I.D. l’Édition, 2022, 208 p. Illustration de Lucille Uhlrich.

Neveux, Julie, le Langage de l’amour. De la rencontre à la rupture, comment les mots révèlent nos sentiments, Paris, Grasset, 2022, 416 p.

Nocus, Isabelle, Bilinguismes des enfants en contextes multilingues, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. «Psychologie(s)», 2022, 238 p. Préface d’Agnès Florin.

Pruvost, Jean, Marcel Proust, «psychologue original» dans les dictionnaires (1920-1960), Paris, Honoré Champion, coll. «Champion essais», 59, 2022, 200 p. Préface de Thierry Laget.

Rey, Alain (édit.), Dictionnaire historique de la langue française. L’édition ultime, Paris, Dictionnaires le Robert, 2022, 2 vol. Édition originale : 1992.

Soutet, Olivier, le Sens sous tension. Psychomécanique et sémantique grammaticale, Paris, Honoré Champion, coll. «Bibliothèque de grammaire et de linguistique», 70, 2022, 326 p.

Swamy, Vinay et Louisa Mackenzie (édit.), Devenir non-binaire en français contemporain, Paris, Éditions Le Manuscrit, coll. «Genre(s) et création», 2022, 288 p.

Vandevelde-Rougale, Agnès, Mots & illusions : quand la langue du management nous gouverne, Paris, 10-18, coll. «Amorce», 2022, 112 p.

Walter, Henriette, Deux mille mots pour dire le monde, Paris, Bouquins, coll. «Essai», 2022, 384 p. Préface de Hector Obalk.