L’oreille tendue de… Marcel Proust

Marcel Proust, Du côté de chez Swann, éd. de 1976, couverture

«Exposés sur ce silence qui n’en absorbait rien, les bruits les plus éloignés, ceux qui devaient venir de jardins situés à l’autre bout de la ville, se percevaient détaillés avec un tel “fini” qu’ils semblaient ne devoir cet effet de lointain qu’à leur pianissimo, comme ces motifs en sourdine si bien exécutés par l’orchestre du Conservatoire que, quoiqu’on n’en perde pas une note, on croit les entendre cependant loin de la salle du concert, et que tous les vieux abonnés — les sœurs de ma grand’mère aussi quand Swann leur avait donné ses places — tendaient l’oreille comme s’ils avaient écouté les progrès lointains d’une armée en marche qui n’aurait pas encore tourné la rue de Trévise.»

Marcel Proust, Du côté de chez Swann, édition de Pierre Clarac et André Ferré, Paris, Gallimard, coll. «Folio», 821, 1976, 504 p., p. 46.

L’oreille tendue de… Plume Latraverse

Plume Latraverse, Métamorphoses. Tome 1, 1982, pochette

«Écoutez tous avec élan
Ce que j’vous raconte à l’instant
J’crierai pas fort, j’vas mordre personne
J’essaye quèqu’ chose jus’ pour le fun
J’vous arrach’rai pas les tympas
Tendez vot’ oreille en avant
J’vas dire quèqu’ chose de pas mal laid
Faudrait pas qu’ma mère m’entendrait…»

Plume Latraverse, «Les humains» (1982), dans Tout Plume (…ou presque), Montréal, Typo, 2014, 448 p. Édition numérique.

L’oreille tendue de… Tahar Ben Jelloun

Tahar Ben Jelloun, l’Insomnie, 2019, couverture

«L’hypnotiseur, la quarantaine, bien enveloppé, type maghrébin, calme et assez satisfait de lui, m’a parlé d’une prairie où je serais en paix… Il m’a parlé à voix basse comme si nous échangions des confidences. J’ai dû tendre l’oreille, je faisais des efforts. J’étais confortablement installé dans un fauteuil relaxant. J’ai eu tout de suite envie d’acheter le même, je l’installerais au milieu de mon salon et là je m’endormirais.»

Tahar Ben Jelloun, l’Insomnie. Roman, Paris, Gallimard, 2019, 272 p. Édition numérique.

L’oreille tendue de… Rosa Ventrella

Rosa Ventrella, Une famille comme il faut, 2019, couverture

«J’allais à la fenêtre, j’espionnais le silence de la nuit, cherchant entre les ombres les chiens enragés, les chaînes et les fantômes qui avaient troublé les tournées nocturnes de mon frère Vincenzo. Mais je ne voyais que des chats et quelques jeunes gens, cigarette à la bouche. Alors je me cachais derrière la porte de la chambre de papa et de maman, et quand il me semblait entendre un bruit, je tendais l’oreille et je retenais ma respiration.»

P.-S.—Avec un zeugme en prime.

Rosa Ventrella, Une famille comme il faut. Roman, Paris, Éditions Les escales, 2019, 282 p., p. 125. Traduction d’Anaïs Bouteille-Bokobza.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)