Traduction (quasi) simultanée

Tomson Highway, Dry Lips Oughta Move to Kapuskasing, 1989, couverture

Quand elle était petite — ça ne date pas d’hier —, l’Oreille tendue a souvent entendu l’expression «shit la marde». C’était un bel exemple de traduction (quasi) simultanée : le passage de «shit» à «marde» était presque instantané (et inutile, non ?).

Cela lui est revenu à la lecture de Dry Lips Oughta Move to Kapuskasing, une pièce de théâtre, en anglais, en cree et en ojibway, de Tomson Highway (1989). On y trouve en effet «shit la marde» décliné de plusieurs façons : sans point d’exclamation (p. 29), ou avec (p. 81, p. 103), sans «holy» (p. 34), ou avec (p. 29, p. 81, p. 103), parfois ramené à «shit la ma…» (p. 122). On déplorera cependant un «shit la merde» (p. 95) du plus mauvais goût.

Voilà l’Oreille retombée en enfance.

 

Référence

Highway, Tomson, Dry Lips Oughta Move to Kapuskasing, Saskatoon, Fifth House, 1989, 134 p.

9 œuvres pour le numéro 9

Murale de Maurice Richard, rue Fleury, Montréal, 27 novembre 2024

Il peut arriver — à l’occasion — que l’Oreille tendue s’intéresse à Maurice Richard, le plus célèbre joueur des Canadiens de Montréal — c’est du hockey. Pour commémorer le 25e anniversaire de la mort du Rocket, elle vous propose ci-dessous neuf œuvres le concernant et particulièrement dignes d’intérêt.

Roman

Deux romans des années 1950 font une place particulière à l’émeute du 17 mars 1955 au Forum de Montréal, à la suite de la suspension de Richard par le président de la Ligue nationale de hockey, Clarence Campbell. En 1956, Eugène Cloutier, dans les Inutiles, dit du joueur des Canadiens qu’il est un «mythe» (p. 196). Trois ans plus tard, Pierre Gélinas (les Vivants, les morts et les autres) décrit l’émeute comme s’il s’agissait d’une guerre. Une place dans la mythologie québécoise est déjà faite à Richard, alors qu’il n’a pas encore prise sa retraite.

Théâtre

En 1976, dans sa pièce Un pays dont la devise est je m’oublie, Jean-Claude Germain imagine le dialogue entre Louis Cyr (mort en 1912) et Maurice Richard (né en 1921). Cyr a parfaitement compris ce que Richard va représenter : «T’es Mau-ri-ce Ri-chard !… Ç’avait jamais été… pis ça sra jamais !… Çé !… Pis çé là astheure pour tout ltemps !» (p. 136)

Journalisme

Louis Chantigny était à la fois un journaliste sportif et un amateur de littérature. Le style ronflant ne lui faisait pas peur. Voyez «Une fin tragique pour le Rocket», dans Le Petit Journal, en 1959. Richard devient un personnage de la mythologie grecque et il est comparé à… Icare ! «Il est des hommes sur lesquels pèse dès leur naissance la malédiction de la grandeur…»

Poésie

«Homage to Ree-shard», le meilleur poème sur Maurice Richard, a paru, en anglais, en 1976. On y trouve, sous la plume d’Al Purdy, cet étonnant vers : «[he] made Quebec Canadian» (p. 39). Le Numéro 9 est évidemment un mythe québécois; il est aussi un héros canadien.

Chanson

Quelle chanson sur Le Rocket choisir ? La première, celle de Jeanne d’Arc Charlebois en 1951 ? La plus célèbre, celle de Pierre Létourneau, en 1970 ? Allons-y avec «Rocket Rock and Roll» de Denise Filiatrault (1957) et ces magnifiques rimes : «Monsieur l’placier, quel bonheur / J’ai retrouvé mon ticket / Il était là sur mon cœur / Je vais voir mon Rocket.»

Roman pour la jeunesse

La littérature pour la jeunesse, depuis des décennies, a voulu faire de Maurice Richard un modèle à imiter. François Gravel a plutôt choisi la voie du mystère, voire du fantastique. Son roman le Match des étoiles (1996) est un des textes les plus fins sur Richard, qui en signe la préface.

Peinture

En 1990, la Presse organise une rencontre entre le Rocket et Jean-Paul Riopelle. Le peintre met alors la touche finale à «Hommage à Maurice Richard». Des patins, une rondelle, des bâtons, une raquette, des mains : Riopelle représente l’esprit de Richard comme il ne l’avait jamais été, dans une œuvre en bleu, blanc et… rose.

Cinéma

Animation, fiction, documentaire : tous les genres cinématographiques ont été utilisés pour représenter Maurice Richard. Histoires d’hiver, réalisé par François Bouvier en 1998, rappelle combien l’image du plus célèbre joueur des Canadiens de Montréal est, au Québec, une affaire de famille : «Heye, Mononc’, raconte-moi l’histoire du Rocket.»

Des années 1940 à aujourd’hui, la culture québécoise n’a jamais fini de raconter cette histoire.

 

Références

Chantigny, Louis, «Une fin tragique pour le Rocket», le Petit Journal, du 18 octobre au 25 octobre 1959, p. 132.

Cloutier, Eugène, les Inutiles, Montréal, Cercle du livre de France, 1956, 202 p.

Gélinas, Pierre, les Vivants, les morts et les autres, Montréal, Cercle du livre de France, 1959, 314 p. Rééd. : Notre-Dame-des-Neiges, Éditions Trois-Pistoles, 2010, 324 p. Préface de Jacques Pelletier.

Germain, Jean-Claude, Un pays dont la devise est je m’oublie. Théâtre, Montréal, VLB éditeur, 1976, 138 p.

Gravel, François, le Match des étoiles, Montréal, Québec/Amérique jeunesse, coll. «Gulliver», 66, 1996, 93 p. Préface de Maurice Richard.

Purdy, Al, «Homage to Ree-shard», dans Sundance at Dusk, Toronto, McClelland and Stewart, 1976, p. 36-39.

In memoriam. Jean-Claude Germain (1939-2025)

Jean-Claude Germain, Un pays dont la devise est je m’oublie, 1976, couverture

En 1976, dans sa pièce Un pays dont la devise est je m’oublie, Jean-Claude Germain imagine le dialogue entre un homme fort, Louis Cyr (mort en 1912), et un hockeyeur, Maurice Richard (né en 1921). Cyr a parfaitement compris ce que Richard va représenter : «T’es Mau-ri-ce Ri-chard !… Ç’avait jamais été… pis ça sra jamais !… Çé !… Pis çé là astheure pour tout ltemps !» Cyr, c’est de l’historique; Richard, c’est du mythique.

Jean-Claude Germain est mort le 24 avril.

 

Référence

Germain, Jean-Claude, Un pays dont la devise est je m’oublie. Théâtre, Montréal, VLB éditeur, 1976, 138 p.

Autopromotion 812

Publicité de la pièce Oh ! Canada — Chapitre 1 : L’Est du pays, de Danielle Le Saux-Farmer et Noémie F. Savoie, février 2025

La salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier présente actuellement la pièce Oh ! Canada — Chapitre 1 : L’Est du pays, de Danielle Le Saux-Farmer et Noémie F. Savoie.

En voici le résumé :

Le français au Canada est-il sur le respirateur artificiel ? Premier chapitre d’un vaste projet documentaire qui sonde l’état du fait français sur le territoire canadien, Oh ! Canada plonge au cœur de l’explosive question linguistique à travers une enquête dans les provinces maritimes et l’Ontario, en passant par la nation québécoise, là où loge la majorité francophone.

Avec humour et lucidité, se déploient un état des lieux statistique et une cartographie des terrains les plus minés, parmi lesquels la francisation, l’immigration et la montée de l’anti-bilinguisme.

Avec ce Chapitre 1 : L’Est du pays, le Théâtre Catapulte (Avant l’archipel) tente de saisir l’insaisissable : au-delà des spécificités culturelles et éminemment émotives de chaque territoire, sommes-nous vraiment dans l’expectative d’une assimilation linguistique ?

L’Oreille tendue interviendra à la suite de la pièce ce jeudi, le 20 février.

Renseignements ici.

Accouplements 248

Marivaux et Steeman, couvertures, montage

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Marivaux, la Double Inconstance, dans Théâtre complet. Tome premier, Paris, Bordas, coll. «Classiques Garnier», 1989, p. 237-315 et 1053-1059. Texte établi, avec introduction, chronologie, commentaire, index et glossaire par Frédéric Deloffre. Nouvelle édition, revue et mise à jour avec la collaboration de Françoise Rubellin. Édition originale : 1723.

«Lisette. — Pourquoi me demandez-vous cela ?
Arlequin. — Eh pour le savoir» (acte I, scène VI, p. 268).

Steeman, Stanislas-André, L’assassin habite au 21, Paris, Le livre de poche, coll. «Le livre de poche policier», 1965, 192 p. Ill. Édition originale : 1939.

«— Pour… Pourquoi me de… demandez-vous cela ?
— Pour le savoir ! répondit Strickland, imperturbable» (p. 77).