Lectures sous contrainte

Page de garde avec la signature de Benoît Melançon, juillet 1980

La retraite permet de se livrer à des expériences imprévues. Au cours des dernières semaines, l’Oreille tendue, par exemple, a décidé de ne lire que des livres de sa bibliothèque achetés il y a plus de quarante ans et jamais lus / achevés, ou complètement oubliés. (Elle en possède quelques-uns.)

Bilan d’étape.

Beaucoup de ces livres procurent des bonheurs de lecture, indûment reportés : Gustave Flaubert, la Tentation de saint Antoine (1874); Alain-Fournier, le Grand Meaulnes (1913); Blaise Cendrars, Bourlinguer (1948); Gabrielle Roy, Rue Deschambault (1955 — mais le premier texte choque fort aujourd’hui, bikôse le mot en n-); Franz Kafka, la Métamorphose (1955); Samuel Beckett, Fin de partie (1957); Claude Roy, Défense de la littérature (1968); Nathalie Sarraute, Entre la vie et la mort (1968); Jacques Ferron, le Saint-Élias (1972).

Certains se laissent lire, sans plus, aussitôt refermés aussitôt presque oubliés : Honoré de Balzac, Une fille d’Ève (1839); Alain Robbe-Grillet, Dans le labyrinthe (1959); Heinrich Böll, l’Honneur perdu de Katharine Blum ou Comment peut naître la violence et où elle peut conduire (1975); Peter Handke, la Femme gauchère (1976).

Mais il y a aussi des daubes : Raymond Radiguet, le Diable au corps (1923); André Malraux, la Voie royale (1930, le pire de tous).

À suivre ?

Modérer ou ménager ?

Philipe Vyvial, «Ménage tes transports», 1987, disque 45 tours

Dans une aventure antérieure, nous avons croisé l’expression modérer ses transports.

On la trouvait au XVIIIe siècle, par exemple sous la plume de madame de Villeneuve («le père, plus prudent, les pria de modérer leurs transports», la Belle et la Bête, p. 24) et de Chamfort («Modérez vos transports», Mustapha et Zéangir, p. 240).

Dans le français de référence, elle paraît assez peu utilisée aujourd’hui. En revanche, elle paraît encore assez commune dans le français populaire du Québec.

En 1987, la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal (STCUM) proposait une variation sur le même thème : «Ménage tes transports», chanson de Philipe Vyvial.

 

 

P.-S.—Merci à Alexandre Sheldon pour le lien.

 

Références

Chamfort, Mustapha et Zéangir, dans Théâtre de Chamfort, édition présentée par Martial Poirson, établie, annotée et commentée par Martial Poirson et Jacqueline Razgonnikoff, Beaulieu, Lampsaque, coll. «Le Studiolo théâtre», 2009, p. 168-321 et 361-365, II, 4, p. 240. Édition originale : 1776.

Madame de Villeneuve, la Belle et la Bête, Paris, Gallimard, coll. «Folio 2 €», série «Femmes de lettres», 5068, 2010, 141 p. Édition établie et présentée par Martine Reid. Édition originale : 1740.

Le zeugme du dimanche matin et de Camille Giguère-Côté

Camille Giguère-Côté, le Show beige, 2024, couverture

«Moi, je travaille de neuf à cinq à mon compte comme comptable agréé, j’ai un tunnel carpien, pis la mémoire tellement saturée de chiffres que je passe tous les prénoms des actrices qui ont joué Virginie avant de tomber sur le nom de mes enfants.»

Camille Giguère-Côté, le Show beige, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 40, 2024, 131 p., p. 70. Précédé d’un «Mot de l’autrice». Suivi de «Contrepoint. Une anthropologue colorée au pays du beige», par Jean-Philippe Pleau.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)