Le zeugme du dimanche matin et de Fanny Britt et Alexia Bürger

Fanny Britt et Alexia Bürger, Lysis, 2020, couverture

«Je te le demande à toi qui as abandonné
Qui as laissé l’eau remplir entièrement
ce que tu contenais
Qui as laissé le fleuve te porter des
kilomètres plus loin pour t’assurer
Que ce serait pas moi
Pas ta fille
Qui trouverait ton corps boursoufflé
rempli d’algues et de larmes»

Fanny Britt et Alexia Bürger, Lysis, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 22, 2020, 141 p., p. 112-113.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

En bas du pont

Fanny Britt et Alexia Bürger, Lysis, 2020, couverture

On le sait : pour prendre langue, il suffit parfois de se tirer une bûche.

Dans un registre plus sombre, on peut se tirer en bas du pont.

«il vient de me dire que / quand je vais être grosse pis laitte je vas me tirer / en bas du pont !» (le Guide des bars et pubs de Saguenay, p. 11)

«Ils allaient pas arrêter d’en vendre parce / que ça mène des femmes à se tirer en bas / des ponts» (Lysis, p. 33).

Qui se jette en bas du pont cherche donc la mort volontaire.

P.-S.—Se tirer (une balle) a le même sens.

P.-P.-S.—Il est aussi possible de se crisser en bas du pont.

P.-P.-P.-S.—L’Oreille tendue a présenté le Guide des bars et pubs de Saguenay le 16 mai 2016.

 

Références

Arsenault, Mathieu, le Guide des bars et pubs de Saguenay. Essai • Poèmes, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 97, 2016, 51 p.

Britt, Fanny et Alexia Bürger, Lysis, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 22, 2020, 141 p.

Mais

Dany Boudreault, Corps célestes, 2020, couverture

Elle s’appelle Hélène, mais elle a choisi le prénom de Lili, comme dans un des romans pour enfants écrits par sa mère, la Petite Lili.

Elle a été actrice, mais elle est devenue réalisatrice — dans la pornographie, son film le plus populaire s’intitulant Corps célestes (p. 207).

Elle n’a pas vu sa sœur, Flo, depuis quinze ans, mais les circonstances familiales forcent leur rencontre.

Elle a manifestement de mauvaises relations avec sa mère, Anita, mais elle doit en prendre soin («il arrive ce moment où nous devons laver le sexe de nos mères», p. 223) et elles finiront par enfin se parler.

Elle a couché une fois, il y a longtemps, avec James, le compagnon de sa sœur, mais ces deux-là forment dorénavant un couple.

Elle est la tante d’Isaac, le fils de James et Flo, mais leur rapprochement n’aura pas les effets escomptés.

Isaac est né avant le 11-septembre, mais pas ses parents.

James est revenu de la guerre, mais ce ranger n’est pas intact.

Flo, James, Isaac et Anita vivent dans la nature, mais une nature dont certains animaux avaient disparu, par exemple les orignaux.

Ils se croyaient seuls, mais ils ne le sont pas («il arrivera ce moment où les gens sortiront de la forêt, James / il faudra un fusil», p. 219).

James et Hélène / Lili prépareront le café, mais cela vaudra pour autre chose.

Ça se déroule au Canada, mais dans un Canada dystopique, en guerre («le nord du Canada / demeure le théâtre des affrontements / front sino-russe», p. 34).

C’est du théâtre, mais l’univers du cinéma est partout présent, notamment dans les apartés d’Hélène / Lili («de concombres / gros plan mains sales / terre sous les ongles», p. 148).

C’est en français, mais il y a plusieurs répliques, parfois longues, en anglais, dites par James (et traduites en fin d’ouvrage).

C’est une histoire de famille, donc ça va mal se finir.

 

Référence

Boudreault, Dany, Corps célestes. Théâtre, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 140, 2020, 264 p.

L’oreille tendue de… Laurence Dauphinais

Aalaapi, 2019, couverture

«Je vous remercie de prendre le temps à votre tour de vous pencher sur ces voix trop peu entendues dans l’étendue de leur complexité. Et je vous invite à ne jamais vous lasser de tendre l’oreille. Ce projet m’aura appris que c’est en écoutant les autres que l’on apprend à vivre autrement» (Laurence Dauphinais, p. 11).

Le collectif Aalaapi, Aalaapi. Faire silence pour entendre quelque chose de beau, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 21, 2019, 103 p. Ill. Précédé d’un «Mot de la metteuse en scène», Laurence Dauphinais. Suivi de «Contrepoint. Un désir de voix», par Marie-Laurence Rancourt. D’après une idée originale de Laurence Dauphinais et Marie-Laurence Rancourt.

110 %

Guillaume Corbeil, le Meilleur des mondes, 2019, couverture

Il est évidemment arrivé à l’Oreille tendue d’évoquer l’expression «110 %» : c’était le 1er décembre 2010 («Tout juste s’il ne nous dit pas qu’il a donné son 110 %, qu’il travaillait fort dans les coins et que la puck roulait pas pour lui», Voir, 29 mars 2001) et le 4 juin 2013 («J’donne mon 110 %», Zéphyr Artillerie, «Scotty Bowman», chanson, Chicago, 2008).

On le voit : cette expression venue de la langue de puck a migré dans la langue courante. La personne qui donne son 110 % n’économise pas ses efforts, bien au contraire.

Guillaume Corbeil l’utilise à trois occasions dans le Meilleur des mondes, son allègre adaptation théâtrale du roman Brave New World d’Aldous Huxley (1932).

Elle apparaît dans une des capsules de l’«Hypnopédie», cette machine qui vise à conditionner les humains de la dystopie d’Huxley / Corbeil : «Au travail, je donne toujours / mon cent dix pour cent» (p. 88). Le message est bien reçu par Bernard, qui, pour se défendre des accusations portées contre lui, reprend deux fois l’expression à son compte (p. 92, p. 195).

Avoir donné son 110 % lui suffira-t-il pour éviter l’exil ? (Le dramaturge, lui, a donné le sien.)

P.-S.—Oui, une célèbre émission de télévision a eu 110 % pour titre.

P.-P.-S.—Oui, l’Oreille avait apprécié une pièce précédente de Guillaume Corbeil, Unité modèle.

 

Références

Corbeil, Guillaume, le Meilleur des mondes. D’après Aldous Huxley. Théâtre, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 139, 2019, 238 p.

Corbeil, Guillaume, Unité modèle, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 07, 2016, 109 p. Ill.

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture