Condensation linguistique

En titre, dans la Presse du 18 septembre, pour décrire Anne-Marie Losique : «L’agace de bonne famille» (cahier Arts et spectacles, p. 19).

Le même jour, dans le même journal, une pub, pour le film Tout pour un A, dans un autre cahier : on y voit la photo de l’actrice Emma Stone, accompagné des mots «Flirt», «Facile» et «Agace» (cahier Cinéma, p. 9).

Agace ? Le mot étonnera un lecteur qui ne serait pas de souche. Traduction : allumeuse.

Son origine ? Avant l’agace, il y eut l’agace-pissette. (On notera que cette pissette n’est pas l’«Appareil de laboratoire produisant un petit jet liquide» dont parle le Petit Robert, même si elle sert aussi à émettre des liquides.)

Achdé & Lapointe, dans leur album les Canayens de Monroyal. La ligue des joueurs extraordinaires (p. 29), n’avaient pas la pudeur de la Presse.

Les Canayens de Monroyal, p. 29

(Le s à pissettes laisse l’Oreille tendue songeuse.)

C’est également sous agace-pissette qu’on trouve le mot dans le Petit lexique de mots québécois […] d’Ephrem Desjardins :

Agace-pissette (n. f. et adj.) : La pissette étant le sexe masculin, c’est donc une allumeuse… On dit aussi une agace. Ou, comme adjectif : trop agace pour plaire aux garçons (ou aux filles). Il arrive qu’on utilise ce terme en s’adressant à un homme, mais le mot reste féminin : «Toé, Robert, t’es rien qu’une vraie agace…» À noter qu’en pareil cas — et ça va de soi — on ne dit pas agace-pissette… (p. 24-25).

Et pourquoi pas ? L’auteur a une conception bien restrictive de la séduction masculine.

 

[Complément du 15 février 2014]

Exemple romanesque, chez le Réjean Ducharme de l’Hiver de force (1973) :

Je veux partir toute seule dans ma petite Citroën, je veux arriver toute seule à mes rendez-vous, pas avec quarante-deux chaperons, comme Trudeau, Nixon, Mao, puis toutes les agace-pissette (p. 141).

 

[Complément du 20 février 2014]

Lisant les Déliaisons de Martin Robitaille (2008), l’Oreille découvre l’existence de «l’agace-chatte» (p. 87).

 

[Complément du 7 juin 2015]

Agace est surtout utilisé pour caractériser une personne. Plus rarement, on le voit associé à un inanimé : «C’était de nouveau un jour gris, sous une pluie fine, une pluie agace» (la Bête à ma mère, p. 203).

 

[Complément du 1er septembre 2016]

Que pratique l’agace-pissette ?

«Agace-pissettisme», tweet de Nicolas Guay, 31 août 2016

 

[Complément du 23 juin 2017]

Sur son blogue, J’ai rien compris, Sophie Bédard évoque, en bande dessinée, l’agace, la pute, la fille facile et la fille semi-facile. C’est ici.

 

[Complément du 15 août 2019]

Le Libertin est une pièce de théâtre d’Éric-Emmanuel Schmitt parue en 1997. Plusieurs scènes font dialoguer Denis Diderot et Anna Dorothea Therbouche, «portraitiste et escroc» (p. 9) d’origine «prusso-polonaise» (p. 12). La maîtrise du français de celle-ci est excellente et il lui arrive même de proposer des modifications lexicales de son cru à sa langue d’adoption. Qu’est-ce qu’une pyromane ? «Elle allume des feux qu’elle n’éteint pas. Dans une minute, lorsque vous auriez été fou de désir, elle se serait éclipsée pour une raison ou une autre. Petite vicieuse ! Ce qu’elle aime, c’est donner la fièvre» (p. 116). On parle toujours des mêmes «feux».

 

[Complément du 23 octobre 2020]

Un lecteur de l’Oreille tendue, cinéphile à ses heures, lui signale l’existence du personnage d’Agathe Pichette dans le film Elvis Gratton II. Miracle à Memphis de Pierre Falardeau (1999). Qu’il en soit remercié.

 

[Complément du 15 décembre 2022]

Lisant le roman Une femme extraordinaire (2022) de Catherine Éthier, l’Oreille tendue se demande si la «taquine saucisse» (p. 44) ne serait pas proche parente de l’agace.

 

[Complément du 25 mai 2023]

Elle peut être matière poétique, comme dans le poème «Dernière chose», de Patrice Desbiens (p. [70]) :

un petit vent
agace-pissette

 

[Complément du 25 octobre 2023]

En 1970, Jean Basile n’avait pas d’état d’âme linguistique : «agace-queue» (p. 13).

 

Références

Achdé & Lapointe, les Canayens de Monroyal. Saison 1. La ligue des joueurs extraordinaires, Boomerang éditeur jeunesse, 2009, 46 p. Couleur : Mel.

Basile, Jean, les Voyages d’Irkoutsk, Montréal, HMH, 1970, 1969. (La couverture indique Irkoutsk; la page de titre, Irkousz.)

Desbiens, Patrice, Fa que, Montréal, Mains libres, 2023, 69 p. Ill.

Desjardins, Ephrem, Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français (et autres francophones d’Europe) en vacances au Québec, Montréal, Éditions Vox Populi internationales, 2002, 155 p.

Ducharme, Réjean, l’Hiver de force. Récit, Paris, Gallimard, 1973, 282 p. Rééd. : Paris, Gallimard, coll. «Folio», 1622, 1984, 273 p.

Éthier, Catherine, Une femme extraordinaire, Montréal, Stanké, 2022, 302 p.

Goudreault, David, la Bête à sa mère, Montréal, Stanké, 2015, 231 p.

Robitaille, Martin, les Déliaisons. Roman, Montréal, Québec Amérique, coll. «Littérature d’Amérique», 2008, 240 p.

Schmitt, Éric-Emmanuel, le Libertin, Paris, Albin Michel, 1997, 172 p.

Tabarnak et tabarnaque

Simon Boudreault, Sauce brune, 2010, couverture

[Attention, Lecteur : entrée inhabituellement longue.]

L’Oreille tendue a aperçu avant-hier quelques ex-étudiants de son cours d’histoire de la littérature au théâtre Espace libre. Elle n’a pas eu l’occasion de leur demander ce qu’ils ont pensé de la conférence et de la pièce auxquelles nous venions d’assister. Elle se demande s’ils partagent une partie de son scepticisme.

Portrait d’Artiom Koulakov, Voir, 26 août 2010

Artiom Koulakov a 24 ans. Il a commencé à apprendre le français à l’âge de six ans. Il enseigne cette langue à l’Université d’État de Saratov, à 723 km au sud-est de Moscou. Et il s’intéresse aux jurons québécois, les sacres. (Sacres québécois est pléonastique, précise-t-il, ce qui est bien vu.)

Pourquoi ? Pour deux raisons. On se penche régulièrement dans son université, autour de Vassili Klokov, sur les variations régionales du français, dont le «français canadien». Depuis la chute de l’empire soviétique, on travaille beaucoup en Russie sur le juron : c’est le signe tangible d’un vent de libéralisation, langagière, mais pas seulement. Koulakov raconte cela sourire en coin, ponctuant son propos de icitte et de tabarouette (juron euphémisé), autour desquels on entend toujours des guillemets, malgré une bonne volonté évidente d’adaptation à son public local.

Quelles sont les particularités des jurons québécois suivant Koulakov, dont l’ampleur du répertoire mérite l’admiration ?

La première n’étonne pas : le gros des jurons, au Québec, provient du catholicisme (noms de personnes, objets du culte, etc.). L’identité nationale québécoise serait doublement religieuse : le catholicisme a marqué le développement de la nation (pratiques religieuses, institutions, etc.); il lui a donné ses sacres.

La seconde est que le sacre, qui est toujours, du moins à l’origine, une interjection, est, au Québec, l’objet d’une proliférante relexicalisation. Koulakov démontre cela avec le juron crisse (Christ); l’Oreille préfère tabarnak (tabernacle). On peut l’utiliser à plusieurs sauces : tabarnak, mon tabarnak, tabarnak de x, tabarnaker quelque chose, s’en tabarnaker, s’en contre-tabarnaker, s’en contre-saint-tabarnaker, etc. Cette relexicalisation est non seulement largement répandue au Québec, mais elle fonctionne aussi de façon particulière : à sa base, il y a l’interjection (câlice donne câlicer), alors qu’ailleurs c’est plutôt le substantif (emmerdement vient de merde substantif, pas de l’interjection).

Voilà des exemples de la «jurologie» qu’il expose ces jours-ci au théâtre Espace libre de Montréal, ainsi que dans plusieurs médias québécois — de Radio-Canada à Voir et à la Presse —, qui raffolent du sujet et de l’exotisme du chercheur. Un souhait nourrit sa position : puisque la société québécoise a un inventaire de jurons beaucoup plus étendu que d’autres, il est du devoir de chacun, au Québec, de maintenir vivant l’intérêt pour les sacres et de les utiliser. C’est un bien national. Au Mexique, ne surnomme-t-on pas les Québécois Los Tabarnacos (et non Los Poutinistas, en l’honneur de la poutine, plat quasi national) ?

Simon Boudreault, Sauce Brune, 2010, affiche

 

À Espace libre, on a organisé la visite de Koulakov pour qu’elle coïncide avec la reprise de Sauce brune (2009), une pièce écrite, mise en scène et produite par Simon Boudreault.

L’argument dramatique tient en quelques mots. Dans les cuisines d’une cantine scolaire, quatre femmes discutent en préparant les repas, en douze scènes, du lundi au vendredi, puis de nouveau le lundi. Armande, la plus vieille, est la «chef-cook» et tient à le rester. Sarah médit. Martine, l’ingénue, se fait violenter par son Charlot. Cindy raconte ses prouesses sexuelles. Le décor — tables métalliques, néons, ustensiles de cuisine — et les costumes — tabliers, filets pour les cheveux — sont réalistes. Et les quatre femmes sacrent à n’en plus finir. Ouvrons le texte de la pièce au hasard. C’est Armande qui parle :

Y aiment crissement ça, tabarnak. Si j’fais pas ça, stie d’tabarnak, quessé m’as faire, crisse ? C’est mon ostie d’job d’être la tabarnaque de chef-cook, câlisse. On sert à d’quoi, icitte, crisse de tabarnak. On pourrait pas m’laisser tranquille une crisse de fois d’estie d’tabarnak ? Ça s’pourrait tu ça, câlisse de crisse ? (p. 81)

C’est comme ça à toutes les pages — à toutes les répliques. (On notera que la graphie des jurons n’est pas fixée : tabarnak / tabarnaque.)

On aurait pourtant tort de lire (d’entendre) le texte de Boudreault comme une œuvre naturaliste. De la même façon que les comédiennes triturent d’un bout à l’autre de la pièce une curieuse matière brune (comme la sauce du titre) d’origine manifestement artificielle, elles parlent une langue inventée, où chacune a un registre clairement délimité (p. 6). Pareille accumulation de jurons n’a plus rien à voir avec une quelconque hiérarchie sociale des niveaux de langue : Simon Boudreault a lardé leurs répliques de tant de gros mots qu’on ne saurait croire à la «vérité» réaliste de ce qu’on entend dans leur bouche. «J’ai voulu créer une langue québécoise surréaliste où les sacres prennent toute la place» (p. 8), écrit-il. Armande, Sarah, Martine et Cindy sont d’une autre planète linguistique que le commun des mortels. C’est ce qui rend d’autant plus admirable le travail des comédiennes : leur capacité d’adaptation lexicale vaut le déplacement, particulièrement celle de Johanne Fontaine (son Armande éructe, et pas uniquement contre les «osties d’l’ostie d’comité d’osties d’parents» [p. 17]) et de Catherine Ruel (sa Martine a un fort monologue sur la violence qu’elle subit [p. 56-59]).

Au-delà de cette inventivité verbale, l’Oreille n’est pas convaincue par le texte de Boudreault. Le hasard fait que le soir où elle a assisté à la pièce Michel Tremblay se trouvait dans la salle, et son influence — en l’occurrence celle de ses premières pièces — est manifeste dans les situations dramatiques de Sauce brune (distribution féminine, enfermement, stratification sociale, violences et larmes, crudité). L’Oreille aurait aimé savoir ce qu’il pensait du travail de Boudreault, notamment de l’utilisation ponctuelle des monologues, si proche de son propre univers dramatique : à écouter les quatre cantinières, il est difficile de ne pas entendre ses personnages, par exemple ceux d’À toi, pour toujours, ta Marie-Lou (1971), mais des personnages beaucoup plus portés sur la scatologie que les siens.

Pour résumer, peut-être un peu injustement, sa pensée, l’Oreille tendue dirait les choses ainsi : chez Tremblay, on est dans la tragédie; chez Boudreault, dans le drame. Comment mesurer l’écart ? Par le fait, notamment, que la surenchère linguistique et scatologique de la pièce entraîne inévitablement les spectateurs vers le rire — il est difficile de ne pas rire dans Sauce brune — et qu’ils arrivent difficilement à en sortir. Le chapelet d’horreurs débité par les quatre personnages dérobe à ceux-ci leur aliénation, et par là leur humanité, réduites que sont les quatre femmes à empiler les bons mots — les mots cruels, les gros mots, les mots crus — les uns sur les autres, comme autant d’assiettes sales.

 

[Complément du 19 mars 2014]

Lisant l’admirable LTI, la langue du IIIe Reich de Victor Klemperer, l’Oreille tendue tombe sur le passage suivant : «tout ce qu’on imprimait et disait en Allemagne était entièrement normalisé par le Parti; ce qui, d’une manière quelconque, déviait de l’unique forme autorisée ne pouvait être rendu public; livres, journaux, courrier administratif et formulaires d’un service — tout nageait dans la même sauce brune, et par cette homogénéité absolue de la langue écrite s’expliquait aussi l’uniformité de la parole» (p. 36). Le mot brune n’a évidemment pas la même connotation dans l’Allemagne nazie et dans le Québec du XXIe siècle, mais cette image de la sauce brune comme incarnation de l’uniformité linguistique frappe qui a entendu la pièce de Simon Boudreault.

 

[Complément du 29 septembre 2014]

Le 4 octobre, de 17 h à 19 h, il sera question de Sauce brune au Off-festival de poésie de Trois-Rivières. Une table ronde sera alors consacrée au «Sacre québécois». Renseignements ici.

 

[Complément du 1er décembre 2014]

Artiom Koulakov vient de publier un article sur la pièce de Boudreault : «Le potentiel communicatif des sacres dans “Sauce brune” de Simon Boudreault», publif@rum, 21, 2014. On peut le lire ici.

 

Références

Boudreault, Simon, Sauce brune, Montréal, Dramaturges éditeurs, 2010, 137 p.

Klemperer, Victor, LTI, la langue du IIIe Reich. Carnets d’un philologue, Paris, Albin Michel, coll. «Agora», 202, 1996, 372 p. Traduit de l’allemand et annoté par Élisabeth Guillot. Présenté par Sonia Combe et Alain Brossat.

Koulakov, Artiom, «Le potentiel communicatif des sacres dans “Sauce brune” de Simon Boudreault», article électronique, publif@rum, 21, 2014. https://publifarum.farum.it/index.php/publifarum/article/view/480

Tremblay, Michel, À toi, pour toujours, ta Marie-Lou, Montréal, Leméac, coll. «Théâtre canadien», 21, 1971, 94 p. Introduction de Michel Bélair.

Cuisine québéco-russe

Sauce brune, Montréal, août-septembre 2010

L’Oreille tendue a déjà eu l’occasion de dire un mot d’Artiom Koulakov, cet universitaire russe fasciné par le juron — le sacre — tel qu’il se pratique au Québec.

On pourra l’entendre en conférence à Montréal, ce mardi, le 31 août, à compter de 18 h 30, au théâtre Espace libre, avant la présentation, à 20 h, de la reprise de la pièce Sauce brune, texte et mise en scène de Simon Boudreault, dans une production de Simoniaques Théâtre.

Pour avoir une idée de l’interprétation linguistique de Koulakov :

Les jurons forment une couche de lexique très importante dans chaque langue. Si dans la majorité des langues les jurons ont un caractère sexuel ou scatologique, au Québec les sacres ont, presque exclusivement, une origine religieuse. Cela reflète l’histoire des Québécois ainsi que leur vision du monde et leurs comportements quotidiens. Dans la conférence, il s’agira également de l’importance des sacres dans la qualification des Québécois comme nation distincte des Français, des sources de l’enrichissement de l’inventaire des jurons au Québec, du problème de la norme linguistique liée aux sacres, etc.

Pour avoir une idée de la langue de la pièce :

Sauce brune propose une langue québécoise où la majorité des mots sont remplacés par des sacres. Ceux-ci y deviennent adjectifs qualificatifs, adverbes, compléments, verbes et interjections. Dans un réel surdimensionné, les personnages tentent tant bien que mal de faire comprendre ce qu’ils ressentent avec une langue atrophiée où les mots sont devenus vides de sens.

Pour en savoir plus : le cahier pédagogique de la pièce (en PDF).

Pour payer moins : le tarif étudiant.

Chnoutte ? Vous avez dit schnoutte ?

Titre potentiellement sibyllin dans la Presse du 27 mars 2010 : «Le NTE dans la schnoutte» (cahier Arts et spectacles, p. 14). Mais qu’est-il donc arrivé au Nouveau théâtre expérimental ? Qu’est-ce que cette schnoutte ?

Première remarque : la graphie du mot n’est pas fixée. À côté de schnoutte, il y a, au moins, chnoutte.

Deuxième remarque : la chose désignée n’est pas unique, mais une caractéristique unit ses diverses incarnations : la viscosité (plus ou moins grande).

C’est clair dans le spectacle la Fin du NTE tel que décrit dans la Presse : Daniel Brière, le metteur en scène, use «d’une substance semi-liquide aux propriétés étonnantes : une matière malléable, presque vivante et extrêmement salissante que l’équipe de production a affectueusement baptisé la “schnoutte”. Durant le spectacle, il en coulera sur le décor, sur l’aire de jeu et… sur les acteurs.»

Composé d’un «mélange de fécule de maïs et d’eau, augmenté d’un additif utilisé pour conserver l’uniformité des mélanges de yogourt», ce «curieux coulis» a «quelque chose d’incontrôlable et d’organique».

«Incontrôlable» ? Cela vient du fait que la schnoutte est plus ou moins liquide. C’est la raison pour laquelle le mot est parfois utilisé en météorologie : «Aujourd’hui, il va tomber de la schnoutte» (radio de Radio-Canada).

«Organique» ? Voilà pourquoi on peut dire à quelqu’un de manger de la schnoutte, voire un char de schnoutte.

Vu sa polysémie, on utilisera le mot avec sobriété.

P.-S. — Comme le fait remarquer Ephrem Desjardins, chnoutte peut aussi être une interjection. Traduction libre : «Merde !»

 

[Complément du 5 février 2015]

Graphie rare : «schenoutte» (@_URBANIA).

 

[Complément du 10 avril 2019]

Le mot peut aussi servir de synonyme à pacotille : «En plus, c’était un magasin qui vendait juste d’la schnout !» (Centre d’achats, p. 68)

 

Références

Desjardins, Ephrem, Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français (et autres francophones d’Europe) en vacances au Québec, Montréal, Éditions Vox Populi internationales, 2002, 155 p.

Jimenez, Emmanuelle, Centre d’achats, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 18, 2019, 127 p. Ill. Suivi de David Robichaud, «Contrepoint. Chercher le bonheur, trouver une robe jaune à paillettes».

Le verbe de la connaissance

François Blais, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant, 2009, couverture

Fourrer, au Québec, a tous les sens qu’on lui donne en français hexagonal. De surcroît, un usage, jugé familier dans le Petit Robert, et un que ne décrit pas ce dictionnaire y sont fréquemment attestés, et les deux concernent une forme de connaissance.

Il y a se fourrer au sens de se tromper. Exemple tiré de la Vie d’Anne-Sophie Bonenfant, roman dont l’Oreille tendue parlait hier : «Bon, faut croire que c’est un souvenir fabriqué, ou plutôt des souvenirs superposés, genre que je me fourre entre deux gâteaux […]» (p. 67). La mémoire paraît confondre deux gâteaux. Sa connaissance n’est pas solide.

Et il y a le sens familier évoqué plus haut : fourrer est alors synonyme de la connaissance dite biblique (Gn 4:1).

Il ne faut pas confondre.

 

[Complément du 15 octobre 2016]

Les narratrices du recueil de nouvelles Des femmes savantes de Chloé Savoie-Bernard (2016) aiment beaucoup ce verbe en son deuxième sens. Elles emploient aussi un substantif que ne connaissait pas l’Oreille tendue pour désigner les occasions où on le pratique : «On jouissait comme des cochons. À la fin de nos fourres, on se donnait des high five, on se félicitait» (p. 37). C’est noté.

 

[Complément du 18 mars 2020]

Qui est digne de fourrer, ou de l’être, est évidemment fourrable — ou pas : «anyway je ne suis pas fourrable ces temps-ci, je ne suis pas sortable, je ne suis pas grand-chose» (la Morte, p. 13).

 

Références

Arsenault, Mathieu, la Morte, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 141, 2020, 131 p.

Blais, François, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant. Roman, Québec, L’instant même, 2009, 241 p.

Savoie-Bernard, Chloé, Des femmes savantes. Nouvelles, Montréal, Triptyque, 2016, 120 p.