Traces

Antoine Brea, l’Enfer de Dante mis en vulgaire parlure, 2021, couverture

L’Oreille tendue — c’est une de ses nombreuses batailles perdues d’avance — n’aime pas l’emploi du verbe quitter sans complément. C’est comme ça et ça dure depuis sa naissance en 2009.

Elle s’en plaignait déjà, par exemple, le 7 juillet 2009. François Bon lui avait alors signalé l’existence de «on trace», en France, dans un sens similaire.

Depuis, elle a repéré quelques occurrences de ce verbe.

«— Je croyais que tu avais tracé, dit Mikael.
— J’ai fait demi-tour à Uppsala» (Millénium 1, p. 497).

«Un expert trace à Samothrace […]» (Salut, mon pope !, p. 22).

Nouveau repérage dans le prodigieux Enfer de Dante mis en vulgaire parlure d’Antoine Brea :

«après nous ils vont tracer plus féroces
qu’un dogue ayant le garenne aux babines…» (p. 209)

La chasse continue.

 

[Complément du 24 septembre 2021]

L’Oreille, lisant le «Glossaire» du livre d’Antoine Brea, trouve cette définition de tracer : «Ne pas s’arrêter, marcher vite, filer» (p. 387).

 

Références

Brea, Antoine, l’Enfer de Dante mis en vulgaire parlure. Poème, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 160, 2021, 390 p.

Larsson, Stieg, les Hommes qui n’aimaient pas les femmes. Millénium 1, Arles, Actes Sud, coll. «Actes noirs», 2006, 574 p. Traduction de Lena Grumbach et Marc de Gouvenain. Édition originale : 2005.

San-Antonio, Salut, mon pope ! Roman spécial-police, Paris, Fleuve noir, coll. «S.A.», 25, 1974, 254 p. Édition originale : 1966.

Divergences transatlantiques 060

Image de la série télévisée le Bureau des légendes, 1re saison, 4e épisode

Il y a quelques années, l’Oreille tendue citait cette phrase : «La marde va frapper la fan tantôt, Monsieur le Premier Ministre» (le Devoir, 30 janvier 2014, p. A1).

Elle rappelait alors que La marde va frapper la fan est un calque de l’anglais The shit will hit the fan.

Regardant récemment le quatrième épisode de la première saison de la série le Bureau des légendes, elle a découvert un équivalent hexagonal : «Ça chie dans l’ventilo» (article du Wiktionnaire ici).

En ces temps de pandémie, ne pourrait-on pas aussi dire que la merde est aéroportée ?

 

[Complément du 13 mai 2021]

En images :

Fil de presse 034

Logo, Charles Malo Melançon, mars 2021

La langue ? Des publications !

Schnedecker, Catherine, les Chaînes de référence en français, Paris, Ophrys, coll. «L’essentiel français», 2021, 284 p.

Roig, Audrey et Catherine Schnedecker (édit.), la Connexion corrélative. De la phrase au discours, Paris, Classiques Garnier, coll. «Rencontres», 475, série «Linguistique», 4, 2021, 212 p.

Rey, Christophe, Dictionnaire et société, Paris, Honoré Champion, coll. «Lexica. Mots et dictionnaires», 35, 2020, 258 p.

Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme, 43, 2, 2020. Numéro «Transformative Translations in Early Modern Britain and France».

Racicot, André, Plaidoyer pour une réforme du français, Québec, Marcel Broquet Éditeur, coll. «Crescendo !», 2020, 171 p.

Pruvost, Jean et Micheline Guilpain-Giraud (édit.), Pierre Larousse : deux siècles et plus…, Paris, Honoré Champion, coll. «Lexica. Mots et dictionnaires», 37, 2020, 146 p.

Pruvost, Jean, la Story de la langue française. Ce que le français doit à l’anglais et vice-versa, Paris, Tallandier, 2020, 368 p.

Pruvost, Jean, l’École et ses mots. C’était comment avant les déconfinements ? Assorti d’un cortège de citations, Paris, Honoré Champion, coll. «Champion Les dictionnaires», 22, 2021, 326 p.

Nore, Françoise, Appelons un chat un chat ! Mauvais usage des mots, ça suffit !, Éditions de l’opportun, 2021, 250 p.

Neveux, Julie, Je parle comme je suis. Ce que nos mots disent de nous, Paris, Grasset, 2020, 304 p.

Minorités linguistiques et société, 14, 2020. Numéro «Politiques, représentations et pratiques en matière d’inclusion dans les communautés francophones en situation minoritaire».

McLaughlin, Mairi, la Presse française historique. Histoire d’un genre et histoire de la langue, Paris, Classiques Garnier, coll. «Histoire et évolution du français», 7, 2021, 407 p.

Martineau, France et Wim Remysen (édit.), la Parole écrite, des peu-lettrés aux mieux-lettrés : études en sociolinguistique historique, Strasbourg, EliPhi, coll. «Oralité et scripturalité», 2020, vi/272 p.

Lo Vecchio, Nicholas, Dictionnaire historique du lexique de l’homosexualité. Transferts linguistiques et culturels entre français, italien, espagnol, anglais et allemand, Strasbourg, Éditions de linguistique et de philologie, coll. «Lexicologie, onomastique, lexicographie», 2021, xiv/516 p.

Les Cahiers du dictionnaire, 12, 2020, 414 p. Dossiers «Dictionnaire et démocratie. Dictionnaire et enfer».

Le Français préclassique, 22, 2020, 206 p.

Langage et société, 171, 2020, 238 p. Numéro «Diglossie. Une notion toujours en débat».

Laforest, Marty, États d’âme, états de langue. Essai sur le français parlé au Québec, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Essais classiques du Québec», 2021, 112 p. Édition revue et augmentée. Préface de Louis Cornellier. Édition originale : 1997.

La pensée, 403, 2020, 152 p. Dossier «Le devenir du français».

Hoedt, Arnaud et Jérôme Piron, Le français n’existe pas, Paris, Le Robert, 2020, 158 p. Préface d’Alex Vizorek. Illustrations de Xavier Gorce.

Commentaire de l’ouvrage par l’Oreille tendue .

Gosselin, Laurent, Aspect et formes verbales en français, Paris, Classiques Garnier, coll. «Domaines linguistiques», 17, série «Grammaires et représentations de la langue», 10, 2021, 280 p.

François, Jacques, Johann Christoph Adelung. Linguiste des Lumières à la cour de Saxe, Paris, L’Harmattan, coll. «Histoire des sciences humaines», 2020, 255 p.

Fonteneau, Anne, 365 jours, 1000 fautes, Montréal, JFD éditions, 2021.

Faure, Pascaline (édit.), les Langues de la médecine. Analyse comparative interlingue, Bruxelles, Berlin, Berne, New York, Oxford, Varsovie et Vienne, Peter Lang, 2021, 136 p.

European Journal of Language Policy, 12, 2, 2020.

Études créoles, XXVII, 1 et 2, 2020. Dossier «Études des constructions comparatives», sous la direction de Paula Prescod et Béatrice Jeannot-Fourcaud.

Des mots aux actes, 9, 2020, 259 p. Numéro «Traductologie et discours : approches théoriques et pragmatiques».

Circula. Revue d’idéologies linguistiques, 11, printemps 2020.

Cerquiglini, Bernard, Un participe qui ne passe pas, Paris, Points, coll. «Le goût des mots», 2021, 224 p.

Cahiers de lexicologie, 117, 2021, 215 p. Dossier «Varia».

Bigot, Davy, Denis Liakin, Robert A. Papen, Adel Jebali et Mireille Tremblay (édit.), les Français d’ici en perspective, Québec, Université Laval, coll. «Les voies du français», 2020, 194 p.

Barret, Julien, les Nouveaux mots du dico, Paris, First éditions, 2020, 160 p.

Barbeau, Bernard, Franz Meier et Sabine Schwarze (édit.), Conflits sur/dans la langue : perspectives linguistiques, argumentatives et discursives, Berlin, Berne, Bruxelles, New York, Oxford, Varsovie et Vienne, Peter Lang, coll. «Sprache – Identität – Kultur», 2021, 232 p. Ill.

Barbaut, Jacques, C’est du propre. Traité d’onomastique amusante, Caen, Nous, 2020, 208 p.

Avanzi, Mathieu, avec la complicité d’Alain Rey et Aurore Vincenti, Comme on dit chez nous. Le grand livre du français de nos régions, Paris, Le Robert, 2020, 240 p.

Auroy, Olivier, Dicorona. Pour que l’humour ait le dernier mot, Paris, Intervalles, 2020, 128 p.

Ambrogi, Pascal-Raphaël, Dictionnaire culturel du christianisme. Le sens chrétien des mots, Paris, Honoré Champion, coll. «Champion Les dictionnaires», 2021, 1040 p. Préface de Pascal Wintzer.

Follower, ou pas, l’Académie française

Académie française, rubrique «Dire, ne pas dire», logo

Samedi dernier, le correspondant californien de l’Oreille tendue attire son attention sur un nouveau texte de la rubrique «Dire, ne pas dire» de l’Académie française. Il s’agit, sous «Néologismes & anglicismes», en date du 7 mai 2020, de l’article «Followers».

(Depuis des années, l’Oreille rêve de rebaptiser cette rubrique «Disez, ne dites pas.» Il n’est pas sûr que ça se fasse bientôt.)

Résumons le propos.

Les quatre premières lignes se tiennent : que veut dire follower en anglais ?

Les quatre lignes suivantes témoignent d’une assez spectaculaire méconnaissance du fonctionnement des réseaux sociaux : on peut évidemment y suivre quelqu’un sans «adhérer» à sa «pensée» ou à ses «actions».

Suivent une anecdote imprécise («il y a peu») sur une discussion entre une journaliste et un philosophe, et une allusion à Staline («le petit père des peuples»).

Le paragraphe suivant porte sur le mot acolyte, avec Sainte-Beuve en renfort.

Fort étonnée de sa lecture, l’Oreille écrit ceci sur Twitter, en citant la fin du deuxième paragraphe :

 

Les réactions ont été nombreuses et courroucées.

La linguiste Maria Candea évoque, à juste titre, l’auto-gorafisation de l’Académie. Certains accusent les Académiciens d’avoir un problème de consommation (alcool ou drogue). D’autres, plus généreux, essaient de lire le texte au deuxième degré : et s’il était ironique ? Ils sont peu entendus : ce n’est pas le genre de la maison.

Plusieurs notent qu’il existe déjà abonné pour rendre follower, à la recommandation notamment de l’Office québécois de la langue française. Or abonné est absent de la liste qui ouvre le texte de l’Académie. (Comme il n’y a pas un mot de linguistique dans le texte, ce n’est guère étonnant.)

Les paris sont ouverts : ce texte sera-t-il bientôt modifié ? Les followers de l’Oreille tendue le souhaitent avec passion.

De la nécessité des sous-titres en France

On dit souvent que les Français ont besoin de sous-titres pour comprendre les films québécois. Il semble qu’ils aient d’autres problèmes de langue. C’est du moins ce que donnent à croire ces deux traductions appelées par l’astérisque.

Mauvaise traduction de l’anglais
Mauvaise traduction de l’anglais
L’Oreille tendue n’est pas du genre à tirer de profondes conclusions de ces exemples. Encore que…