L’oreille tendue de… Rosa Ventrella

Rosa Ventrella, Une famille comme il faut, 2019, couverture

«J’allais à la fenêtre, j’espionnais le silence de la nuit, cherchant entre les ombres les chiens enragés, les chaînes et les fantômes qui avaient troublé les tournées nocturnes de mon frère Vincenzo. Mais je ne voyais que des chats et quelques jeunes gens, cigarette à la bouche. Alors je me cachais derrière la porte de la chambre de papa et de maman, et quand il me semblait entendre un bruit, je tendais l’oreille et je retenais ma respiration.»

P.-S.—Avec un zeugme en prime.

Rosa Ventrella, Une famille comme il faut. Roman, Paris, Éditions Les escales, 2019, 282 p., p. 125. Traduction d’Anaïs Bouteille-Bokobza.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Prétérition du jour

Jean Echenoz, Vie de Gérard Fulmard, 2020, couverture

(Quand paraît un nouveau livre de Jean Echenoz, cela se célèbre. Vie de Gérard Fulmard venant de paraître, célébrons pendant quelques jours.)

Le narrateur appâte son lecteur :

Ne manquerait plus maintenant qu’une scène de sexe pour remplir tous les quotas — mais alors une vraie scène de sexe, bien sûr, savamment menée, moins déprimante et ratée que celle de Franck Terrail à Pigalle. Nous verrons cela plus tard. Gardons-la en réserve si l’occasion se présente (p. 192).

Se présentera-t-elle dès la page suivante ?

Une telle scène, d’ailleurs, aurait pu survenir dès maintenant car tout s’y prête dans la suite Honeymoon : l’ambiance et l’air conditionné sont doux, les couleurs apaisantes, des voilages vaporeux filtrent une lumière légère et le lit rond, surtout, de format sénatorial, revêtu de cuir de buffle et au pied duquel gît un plateau chargé de boissons fraîches, s’y accorderait parfaitement. Il conviendrait d’autant mieux qu’on ne distinguerait d’abord de cette séquence qu’un ébat de silhouettes floutées par l’écran des moustiquaires, ce n’en serait que plus efficace avant de se livrer à des plans rapprochés, de gros plans pour mieux suivre l’enchaînement des postures, harmonisées par le ressac de la mer de Flores en contrebas, le va-et-vient de ses vagues procurerait un excellent fond sonore, symétrique et synchrone à l’action (p. 193).

La scène a eu lieu sans avoir lieu. Vive la prétérition (et le pastiche).

 

Référence

Echenoz, Jean, Vie de Gérard Fulmard. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2020, 235 p.

Les zeugmes du dimanche matin et de Jean Echenoz

Jean Echenoz, Vie de Gérard Fulmard, 2020, couverture

«D’ici là, mes trois sous se compactant vers l’unité, béni soit le ciel mais surtout ce qui vient d’en tomber sur Auteuil, grâce à quoi se voir différé le paiement de mon terme» (p. 18).

«Les tapis et les meubles — guéridons stratifiés de livres d’art et de catalogues de salles des ventes, méridiennes, sofas, poufs — ainsi que la décoration — un Staël, un Klein, trois antiquités soclées — dénotent un goût et un matelas bancaire analogues» (p. 40).

«Je ne tombe que sur son répondeur ou sur des incapables» (p. 43-44).

«Louise est présente en tailleur gris foncé, non loin de Guillaume Flax et de Cédric Ballester tous deux en bleu marine avec Dorothée Lopez en retrait» (p. 65).

«On y accède sans difficulté ni physionomiste, il suffit de pousser la porte» (p. 131).

Jean Echenoz, Vie de Gérard Fulmard. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2020, 235 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Le zeugme du dimanche matin et de Robert Belleret

Robert Belleret, Paul Bocuse, 2019, couverture

«“Tu es monté jusqu’ici à vélo ? Tu n’es pas un feignant, je t’embauche !” lui glisse en substance la monumentale patronne (qui, à trente ans, pesait près de cent kilos), auréolée de gloire et de fins cheveux poivre et sel.»

Robert Belleret, Paul Bocuse. L’épopée d’un chef. Biographie, Paris, Éditions de l’Archipel, coll. «Biographie», 2019, 259 p., p. 38.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)