Prétérition du jour

Jean Echenoz, Vie de Gérard Fulmard, 2020, couverture

(Quand paraît un nouveau livre de Jean Echenoz, cela se célèbre. Vie de Gérard Fulmard venant de paraître, célébrons pendant quelques jours.)

Le narrateur appâte son lecteur :

Ne manquerait plus maintenant qu’une scène de sexe pour remplir tous les quotas — mais alors une vraie scène de sexe, bien sûr, savamment menée, moins déprimante et ratée que celle de Franck Terrail à Pigalle. Nous verrons cela plus tard. Gardons-la en réserve si l’occasion se présente (p. 192).

Se présentera-t-elle dès la page suivante ?

Une telle scène, d’ailleurs, aurait pu survenir dès maintenant car tout s’y prête dans la suite Honeymoon : l’ambiance et l’air conditionné sont doux, les couleurs apaisantes, des voilages vaporeux filtrent une lumière légère et le lit rond, surtout, de format sénatorial, revêtu de cuir de buffle et au pied duquel gît un plateau chargé de boissons fraîches, s’y accorderait parfaitement. Il conviendrait d’autant mieux qu’on ne distinguerait d’abord de cette séquence qu’un ébat de silhouettes floutées par l’écran des moustiquaires, ce n’en serait que plus efficace avant de se livrer à des plans rapprochés, de gros plans pour mieux suivre l’enchaînement des postures, harmonisées par le ressac de la mer de Flores en contrebas, le va-et-vient de ses vagues procurerait un excellent fond sonore, symétrique et synchrone à l’action (p. 193).

La scène a eu lieu sans avoir lieu. Vive la prétérition (et le pastiche).

 

Référence

Echenoz, Jean, Vie de Gérard Fulmard. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2020, 235 p.

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