«Je roule et vide les réservoirs
De ma bagnole et de ma mémoire»
Daniel Bélanger, «Dormir dans l’auto», Mercure en mai, 2023
(Une définition du zeugme ? Par là.)
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
«Je roule et vide les réservoirs
De ma bagnole et de ma mémoire»
Daniel Bélanger, «Dormir dans l’auto», Mercure en mai, 2023
(Une définition du zeugme ? Par là.)
Quoi qu’on en pense et quoi qu’on en dise, l’Oreille tendue a déjà été jeune. À cette époque, il lui arrivait relativement souvent de fréquenter le restaurant montréalais Bens, aujourd’hui disparu. L’endroit lui manque.
Quelle ne fut pas sa joie de voir Bens évoqué par François Hébert, dans son livre Homo plasticus, en 1987, dans le «Chant dixième» :
Bon patron, au restaurant j’invite tous mes employés.
Comme c’est eux qui paient l’addition (ainsi que mon loyer),
Ils choisissent un établissement pas cher : chez Ben.
Pour ceux qui ne le savent, c’est un délicatessen.
[…]
J’entame mon smokède-méate ainsi que le débat, sans ambages. (p. 19)
Ces vers appellent trois commentaires.
Pour la rime («Ben» / «délicatessen»), l’auteur a sacrifié une lettre finale : Bens est devenu Ben (et restera Ben; voir p. 30).
Le «smokède-méate» est, bien sûr, un smoked meat, spécialité montréalaise (et de Bens).
Le dernier vers contient un zeugme.
Bon appétit !
P.-S.—Vous avez entièrement raison : l’Oreille a déjà reconnu cette nostalgie.
P.-P.-S.—Dans ses archives, l’Oreille retrouve cette note, vieille de… 35 ans : «Chez Bens, parmi les photos dédicacées de sportifs et autres vedettes montréalaises, il y a un “Coin des poètes / Poets’ Corner”. Le mercredi 23 août 1989, on y trouvait, au milieu de quelques anglophones (Louis Dudek, A.M. Klein, etc.), des poètes francophones : Gaston Miron, Paul Chamberland (profil pharaonique), Jean Éthier-Blais (!), Sylvie Sicotte et… Nicole Brossard ! Comment imaginer Nicole Brossard mangeant un Bens Special ?»
Illustration : Montréal Signs Project
Référence
Hébert, François, Homo plasticus, Québec, Éditions du Beffroi, 1987, 130 p.
«Les semaines qui précèdent l’opération, je pars souvent seul après l’école avec rien d’autre que mon Discman et ma mauvaise humeur. Je marche longtemps. Je tente de chasser des pensées obsédantes : toutes les façons dont j’aurais pu mourir.»
William S. Messier, le Miraculé. Récit, Montréal, Le Quartanier, série «QR», 187, 2024, 162 p., p. 111.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
«Son expression est si changeante et toujours égale. C’est avec la même voix qu’elle m’appelle au meurtre, au stupre, ou à table.»
Cécile Portier, «Inter(faces)», dans Surveillances, publie.net, 1996, 166 p., p. 117-130, p. 121.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
«Ses cheveux proprement tressés formaient un nœud derrière sa tête, et un léger soupçon de poudre leur laissait leur couleur naturelle. Ce simple accommodage ne présentait point une pyramide plâtrée de pommade et d’orgueil, ni ces ailes maussades qui donnent un air effaré, ni ces boucles immobiles qui, loin de retracer une chevelure flottante, n’ont d’autre mérite que celui d’une roideur sans expression, comme sans grâces.»
Louis Sébastien Mercier, l’An deux mille quatre cent quarante. Rêve s’il en fut jamais, édition, introduction et notes par Raymond Trousson, Bordeaux, Ducros, 1971, 426 p., p. 94-95. Édition originale : 1770-1771.
P.-S.—Il y a peu, l’Oreille tendue a écrit un texte sur ce roman.
(Une définition du zeugme ? Par là.)