En avril 2022, l’Oreille tendue publiait une sotie, la Vie et l’œuvre du professeur P., À l’enseigne de l’Oreille tendue. Il s’agit d’une plaquette de 56 pages, de format 10,8 cm par 17,7 cm (4,5 po par 7 po). Le texte est bref : 3700 mots. Un second tirage vient d’en paraître.
Cet opuscule n’a pas été trop mal reçu; voyez ici.
Si vous souhaitez l’acheter (au Canada : 10 $; ailleurs : 15 $), c’est par là.
Le 7 avril 2016, l’Oreille tendue proposait une «Chronique nécrologique». Elle l’a récemment développée et elle en a tiré une plaquette :
Melançon, Benoît, la Vie et l’œuvre du professeur P. Sotie, Montréal, À l’enseigne de l’Oreille tendue, 2022, 56 p. ISBN : 978-2-9820826-1-8.
C’est une publication hors commerce. On peut néanmoins se la procurer ici. Le tirage initial est de cent exemplaires.
Commentaires (judicieusement) choisis
«J’ai vraiment beaucoup ri. Dans le contexte actuel, avec les disparitions de toute une génération et les départs à la retraite d’une autre, ça résonne (entre le glas et un son grinçant)…» (un collègue content mais inquiet)
«J’ai aimé l’humour, l’ironie et la causticité (certains diraient voltairiens) de ce texte, tout autant que la pénétration et la lucidité du regard que vous y déployez» (un collègue d’un tout autre milieu).
«Flaubert, sors de ce corps. Ou pas. Merci de donner un peu de travail à mes muscles zygomatiques (ça faisait longtemps qu’ils n’avaient pas servi)» (un collègue en manque).
«Tu te moques des universitaires… tu es vilain !» (une non-universitaire)
«Je l’ai lu avec plaisir et tristesse» (un Italien).
«Déjà lu, le sourire aux lèvres du début à la fin» (un Québécois).
«Beaucoup ri, souvent jaune» (un voisin de bureau).
«Amusant et désolant à la fois… La satire des colloques est délicieuse !» (un États-Unien)
«Reçu et lu. Avec grand plaisir !» (un jeune, façon de parler, collègue)
«Je suis tombé sur ton petit joyau de sotie académique, et j’ai eu un “fun noir”, comme dirait Ducharme» (un voisin de bureau, mais de l’autre côté du corridor).
«Il ne faut jamais abuser des bonnes choses, mais pourquoi bouder son plaisir : j’en aurais pris encore un peu» (une professeure de cégep).
«Je me suis délectée de cette lecture, j’ai ri beaucoup, et franchement !» (une ancienne étudiante)
«Jamais rien lu d’aussi drôle et d’aussi vraisemblable sur le milieu universitaire. Jouissif. Et on y rencontre même un tintinophile technophobe» (un collègue gatinois).
«Lecture délicieusement déprimante» (un collègue ontarien [d’adoption]).
«Le plombier est finalement plus sympathique que son maître à pas penser» (bis).
«C’est presque la vie de Charles Bovary, qui aurait lu Oblomov» (un flaubertien).
«Après une journée passée à évaluer des demandes de subvention, c’était la soupape parfaite ! J’en rigole encore» (un voisin du dessus).
«Et merci pour ta sotie qui m’a bien fait rire !» (une professeure émérite)
«Mais comment as-tu, de là où tu es, pu observer ton modèle ? Car P. vit (ou vivait) (ou vécut) ici, dans mon université, évidemment; et je l’ai mollement connu, même si ma mémoire ne garde de lui qu’un souvenir qui s’estompe au fur et à mesure que passent les années de retraite. Même de son nom, je ne suis plus très sûr. Sauf que je suis sûr de ceci : son nom est Légion…» (un émérite professeur, et belge)
«Sotie de Maistre @benoitmelancon pour servir à l’édification publique et particulière du bon peuple des universités. À recommander contre les multiples maux de l’Alma Mater» (un belge professeur, et émérite).
«J’ai lu ta sotie sur le professeur P. Elle m’a fait sourire, rire franchement et rire jaune» (une voisine d’étage).
«À mon arrivée dans le monde universitaire, on m’a parlé du PPO (Petit Prof Ordinaire) — une mise en garde ? Longtemps je l’ai cherché. Mais comment le reconnaître ? Toutes les réponses sont (enfin) dans ce livre de @benoitmelancon. Le PPO est un PSS (Prof-sans-Souci)» (une collègue qui ne cherche plus).
«Le professeur P. est un raté, un médiocre, et toute l’ironie de Benoît Melançon trouve dans ce portrait l’occasion de s’exprimer avec talent» (un zeugmaticien rouennais).
«lucidité et minimalisme, grandeur et misères académiques, tristesse (flaubertienne ?) aussi» (un Suisse).
«J’en profite pour vous dire que j’ai adoré votre sotie. Vous êtes le Flaubert dont le milieu universitaire avait besoin. On en veut encore !» (une cliente satisfaite)
«J’ai lu le Professeur P et j’ai ri aux larmes. C’est super drôle» (une coséminariste).
«J’ai passé un très bon moment en lisant ces témoignages des âneries de nos collègues dont les noms me sont inconnus, mais dont les agissements me rappellent maints colloques auxquels j’ai assisté par le passé» (un professeur d’expérience).
«J’ai lu votre sotie avec grand plaisir. On vous lit avec un sourire en coin de la première à la dernière page : sourire parfois malicieux, voire cruel, sourire parfois un peu plus près de l’autodérision. […] Je dois dire aussi que ma lecture me ramène à l’amertume que je sens monter (je sais : il faut la combattre, car elle est mauvaise conseillère) quand je prends conscience que des P. parviennent parfois à obtenir des postes universitaires» (un postdoctorant à la recherche d’un poste).
[Complément du 29 novembre 2022]
Un second tirage de cinquante exemplaires vient de paraître. Comme l’adjectif l’indique, ce sera le dernier.
«Bélanger salua d’un geste de la main,
enleva sa bougrine et son bonnet, puis s’assit devant son assiette.
Les épaules larges et hautes, le cheveu anarchique poivre et sel,
il parlait peu. On avait du mal à deviner son expression
tellement sa barbe envahissait tout son visage.» L’Aventurier du hasard
Ces jours derniers, l’Oreille tendue travaillait sur l’œuvre de Louis-Antoine de Bougainville. Elle relisait alors des travaux de son collègue et ami Réal Ouellet. Au même moment, elle apprend sa mort, le 20 février.
Réal Ouellet était un des spécialistes les plus réputés du récit de voyage; d’abord centrées sur le XVIIIe siècle en Nouvelle-France, ses recherches s’étaient progressivement étendues historiquement — vers les XVIe et XVIIe siècles — et géographiquement — vers les Antilles. Sa bibliographie comporte autant des éditions de texte (Champlain, Sagard, Leclercq, Exquemelin, Pelleprat, Bouton, Saugrain, Lahontan, etc.) que des travaux critiques fondamentaux. Il laisse aussi des manuels sur l’étude du roman et du théâtre, des œuvres de fiction (poèmes, nouvelles, romans) et une anthologie de Nouvelles françaises du XVIIIe siècle.
Premier président de notre société (1971-1972), organisateur du congrès de 1975 (Québec), Réal Ouellet a fait une fructueuse carrière au Département des littératures de l’Université Laval et enseigné à titre de professeur invité à Ferrare, en Martinique de même qu’en Colombie-Britannique. Spécialiste du roman classique, du théâtre, de la relation de voyage, des écrits missionnaires, de la représentation littéraire de la Nouvelle-France et des Antilles, en passant par les figures de l’Amérindien et du flibustier, Réal Ouellet a produit une œuvre critique sensible à toutes les formes d’altérité culturelle et géographique. Il s’est également illustré dans le domaine de l’édition critique (Lahontan, Sagard et Champlain, entre autres auteurs) et de la création littéraire (nouvelles, romans). Fondateur de la revue Études littéraires, membre actif du Centre interuniversitaire d’études sur les lettres, les arts et les traditions (CELAT), M. Ouellet a vu son travail récompensé par la prestigieuse bourse Killam du Conseil des arts du Canada (1988-1989).
L’Oreille avait fait connaissance avec Réal Ouellet à la fin des années 1980, quand il était venu présenter une conférence à l’Université de Montréal devant la Société montréalaise du XVIIIe siècle. Au début des années 1990, il avait accepté de diriger ses recherches postdoctorales, à l’Université Laval et à l’Université Paris X-Nanterre, justement sur Bougainville. Au fil des ans, leurs chemins ont continué à se croiser, pour des conférences, dans des colloques, par courriel, au téléphone, avec des échanges de publications. La curiosité et la générosité de Réal Ouellet ne se sont jamais démenties, de même que sa faculté d’indignation («Voltaire a toujours déclenché chez moi une agressivité que j’ai du mal à contrôler», écrivait-il dans un courriel de février 2015; «Lui, c’est un insignifiant», disait-il de tel collègue peu apprécié, nonobstant son prestige).
«Alice. — Pourquoi, quand [Nelly Arcan] était vivante, personne parlait de sa souffrance ? De toute la souffrance terrifiante qu’y a dans ses livres ? Pourquoi tout le monde parlait de toute sauf de ça ? Toi, tes étudiantes, tu leur parles-tu de sa souffrance ?
Isabelle. — Un peu. Je parle de son apport à la forme autofictionnelle dans une perspective de réappropriation de l’intime en tant que terrain politique.
Alice. — OK. Fait que tu parles pas de ça pantoute» (p. 61).
Deuxième scène
«Isabelle. — Moi je pense [que les prostituées / travailleuses du sexe] méritent d’être écoutées dans leur connaissance intime du milieu. Pis respectées dans leur agentivité.
Alice. — C’est quoi c’t’estie de mot là ? Tout le monde dit ça, ça me gosse» (p. 77).
Référence
Côté, Véronique, la Paix des femmes, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 28, 2021, 129 p. Ill. «Contrepoint» par Francine Pelletier, «Le corps d’une femme».