La clinique des phrases (zz)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante :

Du point de vue de notre avenir politique, deux leçons peuvent être tirées de l’actuelle pandémie. Nous avons pu constater que, presque partout, les populations plongées dans l’insécurité se sont tournées vers leur nation pour se protéger.

S’il est vrai que des institutions supra-étatiques, par exemple l’Union européenne, ont été critiquées pour leur (non-)gestion de la crise du coronavirus, l’Oreille tendue n’a vu nulle part d’appel à remplacer ces institutions par la «nation». Personne, il lui semble, n’a fait appel à la «nation québécoise», à la «nation canadienne», à la «nation française», etc.

Essayons ceci :

Du point de vue de notre avenir politique, deux leçons peuvent être tirées de l’actuelle pandémie. Nous avons pu constater que, presque partout, les populations plongées dans l’insécurité se sont tournées vers leur État pour se protéger.

À votre service.

La clinique des phrases (ww)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante :

Ce texte présente quelques défis et pistes d’action liés au contexte d’enseignement à distance en milieu universitaire. Il embrasse différentes perspectives, soit celle de l’étudiant et celle de la ressource professorale.

L’Oreille a déjà eu l’occasion de le dire : elle ne raffole guère de la ressource, fût-elle professorale.

Corrigeons :

Ce texte présente quelques défis et pistes d’action liés au contexte d’enseignement à distance en milieu universitaire. Il embrasse différentes perspectives, soit celle de l’étudiant et celle du professeur.

À votre service.

Autopromotion 509

Studio vidéo maison, Montréal, 30 mai 2020

Les Rencontres internationales de Genève, qui existent depuis 1946, sont actuellement présidées par l’historien Michel Porret. Celui-ci a proposé à l’Oreille tendue de prononcer la conférence inaugurales des RIG 2020. Honorée, elle a accepté.

Ça s’appelle «Un intellectuel en temps de pandémie» et ça dure 45 minutes.

Extrait de l’introduction : «Que fait un intellectuel en temps de pandémie ? Il écoute. Il lit. Il écrit. Il enseigne dans certains cas (c’est le mien). Il essaie de donner du sens à ce qui l’entoure. Il ne peut pas se transformer du jour au lendemain en épidémiologiste, en spécialiste de médecine publique, en sociodémographe, en soignant, pour reprendre un terme à la mode — en expert, bref. Il peut faire le travail qui est le sien, son travail d’intellectuel. Il verra des choses qui l’amusent, des choses qui l’enchantent, mais aussi des choses qui l’inquiètent.»

Merci, pour leur soutien technique, à Michel Dumais, à Théo Malo Melançon et à Laurent Turcot. Merci surtout à Charles Malo Melançon pour la mise en place, le tournage et le montage. S’il arrive que la mise au point défaille, ce n’est pas sa faute à lui, mais à celle de l’appareil utilisé pour filmer la vidéo, qui, parfois, n’en faisait qu’à sa tête.

 

P.-S.—L’Oreille a sa chaîne vidéo. On y trouve aussi cette conférence.

P.-P.-S.—Vous préférez une version audio ?

Gestes barrières au XVIIIe siècle

Denis Diderot, la Religieuse, éd. de 1983, couverture

«Nos corridors sont étroits; deux personnes ont en quelques endroits de la peine à passer de front. Si j’allais et qu’une religieuse vînt à moi, ou elle retournait sur ses pas, ou elle se collait contre le mur, tenant son voile et son vêtement, de crainte qu’il ne frottât contre le mien. Si l’on avait quelque chose à recevoir de moi, je le posais à terre et on le prenait avec un linge. Si l’on avait quelque chose à me donner, on me le jetait. Si l’on avait eu le malheur de me toucher, l’on se croyait souillée […].

[…]

Je fus privée de tous les emplois. À l’église, on laissait une stalle vide à chaque côté de celle que j’occupais. J’étais seule à table au réfectoire. On ne m’y servait pas. J’étais obligée d’aller dans la cuisine demander ma portion.»

Denis Diderot, la Religieuse, Paris, Librairie générale française, coll. «Le livre de poche», 2077, 1983, 314 p., p. 82-83. Préface de Henry de Montherlant. Édition établie et commentée par Jacques et Anne-Marie Chouillet.

Ma vie en lapsus

Diderot, Jacques le fataliste, éd. de 1983, couverture

L’Oreille tendue, pandémie oblige, enseigne actuellement à distance (PDF) et cela ne l’enchante pas, pour toutes sortes de raisons. Parmi ces raisons, il y a le fait que l’Oreille, en classe, multiplie les lapsus. Or, à distance, il lui est impossible de corriger ses lapsus aussi rapidement qu’«en présentiel» (pour le dire en français didactique). C’est un vrai problème : elle confond allègrement la gauche et la droite, Sade et Sartre, la gaine et la graine, etc.

Pourquoi confondrait-elle la gaine et la graine ? Relisons Jacques le fataliste :

C’est la fable de la Gaine et du Coutelet. Un jour la Gaine et le Coutelet se prirent de querelle; le Coutelet dit à la Gaine : «Gaine, ma mie, vous êtes une friponne, car tous les jours, vous recevez de nouveaux coutelets… La Gaine répondit au Coutelet : Mon ami Coutelet, vous êtes un fripon, car tous les jours vous changez de gaine. — Gaine, ce n’est pas là ce que vous m’avez promis. — Coutelet, vous m’avez trompée le premier…» Ce débat s’était élevé à table; cil, qui était assis entre la Gaine et le Coutelet prit la parole et leur dit : «Vous, Gaine, et vous, Coutelet, vous fîtes bien de changer, puisque changement vous duisait, mais vous eûtes tort de vous promettre que vous ne changeriez pas. Coutelet, ne voyais-tu pas que Dieu te fit pour aller à plusieurs gaines; et toi, Gaine, pour recevoir plus d’un coutelet ? Vous regardiez comme fous certains coutelets qui faisaient vœu de se passer à forfait de gaines, et comme folles certaines gaines qui faisaient vœu de se fermer pour tout coutelet; et vous ne pensiez pas que vous étiez presque aussi fous lorsque vous juriez, toi Gaine, de t’en tenir à un seul coutelet; toi Coutelet, de t’en tenir à une seule gaine…» (éd. de 1983, p. 133-134)

Qui connaît un des sens québécois du mot graine verra qu’appeler une gaine une graine rend ce texte bien difficile à suivre. Cela arrive fréquemment aux étudiants de l’Oreille.

 

Référence

Diderot, Denis, Jacques le fataliste, Paris, Librairie générale française, coll. «Le livre de poche», 403, 1983, 377 p. Préface et commentaires de Jacques et Anne-Marie Chouillet.