Ne pas visualiser svp, ter

Marie-Hélène Voyer, Précieux sang, 2025, couverture

Le 23 juillet 2025, l’Oreille tendue participait à une discussion radiophonique sur les régionalismes québécois. (Deux mois plus tard, malgré des demandes répétées, elle n’a toujours pas été payée pour cette intervention de plus de vingt minutes. Ça vous paraît normal, Radio-Canada ?)

Elle connaît plusieurs expressions avec le mot marde, mais, ce jour-là, elle a entendu pour la première fois en onde avoir le cordon du cœur qui traîne dans la marde.

Elle la retrouve dans un excellent recueil de poésie de Marie-Hélène Voyer, Précieux sang (2025).

hier Flanc-Mou a menacé
de se pendre à un crochet
écœuré de se faire traiter
de pas vite-vite
de traîne-savate
de tarlais
plus capable
de se faire dire
que le cordon du cœur
lui traîne dans la marde

le boss l’a remercié

une manière polie
d’abattre un homme (p. 123)

Son sens ? Paresser.

Dans Comme des sentinelles (2012), Jean-Philippe Martel offrait autre chose, en parlant de corde au lieu de cordon : «ce qui signifie à peu près qu’une personne est assez lâche et dépourvue d’humanité pour ne pas assister aux funérailles de sa grand-mère» (p. 55).

À votre service.

P.-S.—«Ter» ? À cause de ceci et de cela.

 

Références

Martel, Jean-Philippe, Comme des sentinelles. Roman, Montréal, La mèche, 2012, 177 p.

Voyer, Marie-Hélène, Précieux sang suivi de Voir avec des yeux de chair, Saguenay, La Peuplade, coll. «Poésie», 2022, 196 p.

L’autre fanal

Photo d’Olivier Rioux

Nous avons déjà croisé un fanal accompagné de sa brique.

Dans le français populaire du Québec, il est cependant un autre fanal, la personne de haute taille.

Exemple : «Après celles de Connor Clifton et de Robby Fabbri lundi, c’était au tour de Cade Webber, un grand fanal de 6 pi 7 po, de frapper avec force le joyau du Canadien» (la Presse+, 26 septembre 2025).

À votre service.

P.-S.—En effet, le grand fanal peut aussi être un grand jack, tel Olivier Rioux.

Égalitarisme animal

Panneau «Attention chien bizarre», avenue Oxford, Montréal, 2013

Au Québec, dans la langue populaire, le pitou est un chien. (La pitoune, c’est une autre affaire.) Comme ailleurs, le minou est un chat. (La minoune, c’est une autre affaire.)

Certains préfèrent le canidé au félin, et vice versa.

Il est cependant des situations où l’un et l’autre ne doivent pas être distingués. Un proverbe de souche le dit clairement : «Ce qui vaut pour pitou vaut pour minou.» Ne l’oubliez jamais.

À votre service.

P.-S.—L’Oreille tendue a redécouvert récemment cette expression chez Yves-François Blanchet.

La maison du hockey

Publicité de Réno Dépôt et des Canadiens de Montréal, 2013

Plusieurs équipes de la Ligue nationale de hockey sont en reconstruction. La chose est plus complexe qu’il n’y paraît.

Pareille reconstruction suppose de travailler sur des bases solides. Or que faire si ces bases se dérobent ? Écoutons l’entraîneur des Canadiens de Montréal, cité dans la Presse+ du 16 septembre 2025 :

«La chose la plus difficile pour un jeune, a ajouté l’entraîneur-chef Martin St-Louis, c’est d’aller chercher de la constance. Cette année, c’est ça qu’il faut améliorer. Notre “bon” est “très bon”. On sait que ça ne sera pas comme ça tous les matchs. Mais peut-on monter notre plancher avec [une meilleure] constance ?»

Au-dessus, ça se passe comment ? Prenons une autre équipe, les Penguins de Pittsburgh :

Trois des meilleurs espoirs de l’organisation avant le repêchage de 2025, Rutger McGroarty, Ville Koivunen et Harrison Brunicke, n’ont pas un grand plafond, eux non plus (la Presse +, 6 septembre 2025).

Un plancher qui bouge. Un plafond trop petit. L’Oreille tendue ne confierait pas ses travaux de rénovation à des «hommes de hockey».

P.-S.—Oui, c’est de la langue de puck.

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey. Édition revue et augmentée, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 159 p. Préface d’Olivier Niquet. Illustrations de Julien Del Busso.

Melançon, Benoît, Langue de puck, édition revue et augmentée de 2024, couverture

Nature morte

Benoit Bordeleau, Rosettes, 2025, couverture

Soit cette «nature morte» (p. 130), tirée de Rosettes (2025), de Benoit Bordeleau :

Une fois le seuil franchi, nous déposons les trouvailles dans un tas de brindilles lâchement assemblé sur le plancher de la cuisine pour former une sorte de nid : des fleurs de tapis, des pattes d’oie, un tout petit flacon de sang de cochon et un autre rempli d’huile de coude. J’observe Pomme qui se tient, perplexe, dans la lumière crue. Elle ouvre les bras et j’y vois deux mains pleines de pouces, au moins un pouce vert et des doigts croches. Elle a les pieds de celles ayant perdu pied (p. 129).

Certaines expressions, en français de référence, n’ont pas besoin d’explication : «pattes d’oie», «huile de coude», «ayant perdu pied».

D’autres, familières au Québec, demandent peut-être à être définies.

Nous avons déjà croisé les «fleurs de tapis», le «sang de cochon» et le «pouce vert». Les «mains pleines de pouces» désignent la maladresse : un par main, ce devrait être assez. Les «doigts croches» sont tordus.

À votre service.

P.-S.—«Rosettes» ? Il y a notamment celle-ci.

 

Référence

Bordeleau, Benoit, Rosettes, Montréal, Les éditions de la maison en feu, 2025, 159 p.