Ne plus travailler au Centre Bell

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Les Canadiens de Montréal — c’est du hockey — ont changé d’entraîneur hier. Dominique Ducharme a été forcé, bien malgré lui, de passer le flambeau.

Pour quels motifs l’a-t-on congédié ? En langue de puck, les possibilités ne manquent pas.

Peut-être avait-il perdu sa chambre / son vestiaire ?

Peut-être que son message ne passait plus ?

Peut-être a-t-il été viré «en raison de divergences philosophiques» ?

Peut-être n’était-il pas, tout simplement, dans la bonne chaise ?

Tant de questions, si peu d’heures.

P.-S.—On le sait : les congédiements, au Centre Bell, ce n’est jamais simple.

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 125 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Benoît Melançon, Langue de puck. Abécédaire du hockey, 2014, couverture

D’Olivier Niquet et du motté

Samuel Archibald, Quinze pour cent, 2013, couverture

Dans l’édition du 1er février de Tourniquet, son infolettre, Olivier Niquet — oui, celui-là — fait un aveu : il souhaite populariser le mot motté.

Motté ?

Nous l’avons croisé sous la plume de Samuel Archibald, en 2013, dans Quinze pour cent : les mottés (p. 43) y étaient associés à la «race désargentée et bannie» (p. 55) dont il était beaucoup question dans le livre.

Les définitions qu’a pu rassembler l’Oreille tendue vont toutes dans le même sens : il ne fait pas bon être motté.

«Personne à l’allure négligée, qui ne paie pas de mine, qui semble (ou est) droguée, qui ne paraît pas entièrement présente d’esprit»; «Synonyme : pouilleux» (Wiktionnaire);

«Selon la culture policière, se dit d’un individu aux apparences criminelles. Syn : Bum, voyou, face à menottes»; «Quelqu’un qui fait preuve de mauvais jugement, cela dû à son manque de culture, sans doute aussi d’un manque d’intelligence» (la Parlure);

«Se dit d’une personne pas très allumée, plutôt niaiseuse sur les bords» (le Journal de Québec, 16 décembre 2014);

«Imbécile. Nono» (Léandre Bergeron, 1981, p. 123).

Le motté a une existence musicale. En 2011, Turbo distorsion lance l’album King Motté. Deux ans plus tard, Bleu Jeans Bleu enregistre «Motel motté» (clip).

Il existe, à Ivry-sur-le-Lac, une baie Motté et, aux Escoumins, une anse à Motté. La Commission de toponymie du Québec ne cache pas son ignorance : «L’origine de ce nom et, le cas échéant, sa signification n’ont pu être déterminées jusqu’à maintenant.»

Quelle est l’origine du mot ? Il paraît surtout d’un emploi régional, mais les sources sont contradictoires. Le Journal de Québec l’associe à la Côte-Nord. Il aurait eu cours à Rimouski dans les années 1990. René Audet évoque la région du Granit, propose une définition — «crotté de longue date (?)» (Twitter) — et avance prudemment une étymologie — «fait référence aux mottes de bouette séchée dans le poil des pattes d’animaux ??» (Twitter) Selon Samuel Archibald, motté n’a pas «pas cours au Saguenay» : «L’expression est là pour marquer que Yawatha ramasse des mots un peu partout» (Twitter).

À votre service.

P.-S.—Vous diriez à l’Oreille qu’il y a une parenté entre le motté et le jigon qu’elle ne serait pas exagérément étonnée.

 

[Complément du 12 février 2022]

Rimouski dans les années 1990 ? Mathieu Arsenault confirme et précise : «“Motté” désignait quelque chose comme un jeune, de village souvent mais pas exclusivement, métalleux, amateur de quatre roues, de motocross, etc. L’équivalent d’un gawa au Saguenay-Lac-Saint-Jean» (Twitter).

Sur la page Facebook de l’Oreille, Gilles Desjardins renvoie au logiciel Antidote — «Se motter : [CHASSE] se cacher derrière des mottes de terre, en parlant du gibier» — et au Centre de national de ressources textuelles et lexicales. Il se pose une question tout à fait pertinente : «À rapprocher de bouseux, cul-terreux ?»

L’Oreille ne connaît rien à Rocks et belles oreilles. Elle remercie @lamymyk de lui avoir fait découvrir ceci, qui incarnerait «l’image parfaite du motté» :

 

 

Références

Archibald, Samuel, Quinze pour cent, Montréal, Le Quartanier, coll. «Nova», 1, 2013, 67 p.

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise précédé de la Charte de la langue québécoise. Supplément 1981, Montréal, VLB éditeur, 1981, 168 p.

Explication de texte du mercredi matin

Gravure sur cuivre de François Chauveau pour l’édition des Fables de La Fontaine de 1668

Soit le tweet suivant :

En tant que propriétaire de tortue, j’aimerais rectifier un fait. Jean de La Fontaine était su’a poff. C’est pas vrai que c’est lent, une tortue. Ça peut être prime en estik, une tortue.

Pour un non-Québécois, ce message pourra paraître sibyllin. Voyons voir.

«Su’à poff» ? Poff désigne, dans le français populaire du Québec, une bouffée. On l’imagine ici de weed ou de weed, ce qui expliquerait l’erreur de l’auteur des Fables. L’Oreille tendue avoue toutefois s’aventurer en territoire peu connu pour elle.

«Prime» ? Caractéristique de la personne, voire de l’animal, qui fonce. Définition du «Vocabulaire» à la fin du roman le Survenant : «vif, fougueux, qui part le premier en tout» (éd. de 1954, p. 246).

«Estik» ? Euphémisme du juron hostie.

À votre service.

 

Illustration : gravure sur cuivre de François Chauveau pour l’édition des Fables de 1668, site Utpictura18.

 

Référence

Guèvremont, Germaine, le Survenant. Roman, Paris, Plon, 1954, 246 p. Suivi d’un «Vocabulaire». Édition originale : 1945.