L’oreille tendue de… Gustave Flaubert

George Sand et Gustave Flaubert, Correspondance 1863-1876, éd. de 2011, couverture

«Voilà six semaines que nous attendons de jour en jour la visite des Prussiens. On tend l’oreille, croyant entendre au loin le bruit du canon. Ils entourent la Seine Inférieure dans un rayon de quatorze à vingt lieues. Ils sont même plus près, puisqu’ils occupent le Vexin, qu’ils ont complètement dévasté. Quelles horreurs ! C’est à rougir d’être homme !»

Lettre de Gustave Flaubert à George Sand, 30 octobre 1870, dans Correspondance 1863-1876, Clermont-Ferrand, Éditions Paleo, «La collection de sable», 2011, 439 p., p. 228.

L’oreille tendue de… Émile Zola

Émile Zola, la Conquête de Plassans, couverture

«Ça, murmurait-il, l’oreille tendue du côté de la sous-préfecture, ce sont les voix de M. de Condamin et du docteur Porquier. Ils doivent se moquer des Paloque. Avez-vous entendu le fausset de M. Delangre, qui a dit : “Mesdames, vous devriez rentrer; l’air devient frais.” Vous ne trouvez pas qu’il a toujours l’air d’avoir avalé un mirliton, le petit Delangre ?»

Émile Zola, la Conquête de Plassans, Paris, Fasquelle, coll. «Bibliothèque Charpentier», 1954, 392 p., p. 146.

L’oreille tendue de… Lamartine

Portrait de Lamartine

«Tâtonnant les murs froids dans une demi-nuit,
Elle tendait l’oreille au moindre petit bruit.
Tout-à-coup des pas sourds lui font lever la tête,
Quelqu’un monte à la tour et paraît sur le faîte;
Il incline son corps sur l’abîme profond,
Et son regard errant semble chercher au fond.»

Alphonse de Lamartine, la Chute d’un ange, épisode, Paris, Charles Gosselin et W. Coquebert, 1838, tome premier, viii/294 p., p. 160.

Illustration : portrait de Lamartine déposé sur Wikimedia Commons

Le dernier verre du poète

Julian Barnes, Flaubert’s Parrot, éd. de 1985, couverture

Ces jours-ci, l’Oreille tendue est dans «Un cœur simple» de Flaubert.

Lisant Flaubert’s Parrot, de Julian Barnes, elle tombe sur cette description d’une visite du pavillon de Flaubert à Croisset :

All that remains of Flaubert’s residence is a small one-storey pavilion a few hundred yards down the road : a summer house to which the writer would retire when needing even more solitude than usual. It now looks shabby and pointless, but at least it’s something. […] I pushed the gate; an Alsatian began barking, and a white-haired gardienne approached (éd. de 1985, p. 20).

Qu’y trouve, entre autres choses, le personnage de Barnes ?

Two exhibits in a side cabinet are easy to miss : a small tumbler form which Flaubert took his last drink of water a few moments before he died; and a crumpled pad of white handkerchief with which he mopped his brow in perhaps the last gesture of his life (éd. de 1985, p. 21).

La scène se déroule en 1984 (éd. de 1985, p. 13). L’Oreille a visité le pavillon à la même époque.

Elle se souvient de la gardienne et de ses cheveux blancs («a white-haired gardienne»), ainsi que de son chien et de ses jappements, mais pas de sa race («an Alsatian began barking»). Elle n’a oublié ni le mouchoir («a crumpled pad of white handkerchief») ni le verre («a small tumbler form which Flaubert took his last drink of water a few moments before he died»), moins à cause des objets eux-mêmes que de la phrase alors prononcée, sur un ton monocorde, par la gardienne : «Le verre dans lequel le poète a bu pour la dernière fois.»

«Poète», c’est bien mieux qu’«écrivain».

P.-S.—Le pavillon se visite toujours (voir ici).

 

[Complément du 6 janvier 2022]

Ces jours-ci, l’Oreille lit le Dernier Bain de Gustave Flaubert (2021), de Régis Jauffret. Que découvre-t-elle page 223 ?

— Suzanne s’en va, revient, lui apporte un verre d’eau.
Son dernier verre d’eau dont vous pouvez contempler aujourd’hui le contenant dans une vitrine du pavillon Flaubert. Il en but une gorgée du bout des lèvres. Si vous voulez avoir sur les papilles la saveur aigrelette de son agonie dont demeurent sur les parois des particules calcifiées, vous brisez la glace, vous vous emparez du godet, dans la Seine voisine vous le remplissez afin que l’eau du XXIe siècle dissolve les atomes de 1880 et vous vous régalez à petites gorgées du breuvage. La mort c’est gouleyant, ça rafraîchit (p. 223).

Que d’eau, que d’eau !

 

Références

Barnes, Julian, Flaubert’s Parrot, Londres, Picador, 1985, 190 p. Édition originale : 1984.

Jauffret, Régis, le Dernier Bain de Gustave Flaubert. Roman, Paris, Seuil, 2021, 328 p.

Le zeugme du dimanche matin et de Maupassant

Maupassant, Boule de Suif, éd. 2000, couverture

«Sa femme, grande, forte, résolue, avec la voix haute et la décision rapide, était l’ordre et l’arithmétique de la maison de commerce qu’il animait par son activité joyeuse.»

Guy de Maupassant, Boule de Suif, dans Boule de Suif suivi de la Maison Tellier, postface de Chloé Radiguet, Paris, Mille et une nuits, 2000, 101 p., p. 15. Édition originale : 1880.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)