Autopromotion 698

«Dessein», deuxième volume des planches de l’Encyclopédie, Paris, 1763, planche XXXIV

La 558e livraison de XVIIIe siècle, la bibliographie de l’Oreille tendue, est servie.

La bibliographie existe depuis le 16 mai 1992. Elle compte 65 647 titres.

Illustration : «Dessein», deuxième volume des planches de l’Encyclopédie, Paris, 1763, planche XXXIV

Accouplements 205

«Cannabis 02 bgiu», photographie par Bogdan

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Les dernières lignes de Candide (1759), de Voltaire, sont célèbres : «Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin» (éd. Magnan 1984, p. 184).

Elles ont été reprises à toutes les sauces (voir ici). Prenons deux exemples, liés l’un et l’autre au cannabis.

Chez Frédéric Beigbeder, dans 99 francs (2000). Il y a, en apparence, un eldorado dans ce roman, un lieu coupé du monde où il fait bon vivre, un asile où se tenir à l’écart du monde et être heureux : ce n’est pas une métairie, comme chez Voltaire, mais une île pour richards réputés morts, «Ghost Island, dans l’archipel des Caïmans» (p. 255), et son hôtel de luxe, «l’Escape Complex Castaneda» (p. 263). S’y côtoient, parmi d’autres, Claude François et la princesse Diana, Romain Gary et Charles Bukowski, Antoine Blondin et Salman Rushdie, dans les effluves de «ganja» (p. 263) : «Toutes les drogues existantes sont déposées chaque matin sur leur paillasson dans une jolie valise Hermès» (p. 266). Et Voltaire est présent : «Il faut foutre le camp comme Gauguin, Rimbaud ou Castaneda, voilà tout. Partir sur l’île déserte avec Angelica qui met de l’huile sur les seins de Juliana qui te pompe le dard. Cultiver son jardin de marijuana en espérant seulement qu’on sera mort avant la fin du monde» (p. 34).

Chez David Lopez, dans Fief (2017), dans le chapitre «Sur la chatte à Voltaire». Jonas, le narrateur, se rend chez Romain y retrouver ses amis Ixe, Poto, Habib, Miskine. Que lui montre Ixe, dans le jardin ?

On passe la véranda, un store cassé pend du haut de la vitre jusqu’à toucher le sol, et on arrive dehors où une petite terrasse précède un jardin tout en longueur. Derrière c’est comme devant. Ce Romain est soit une feignasse soit un putain d’amoureux de la nature. Sur la gauche, là où se dirige Ixe, un espace semble pourtant aménagé. Il a construit un cabanon aux parois grillagées qui contient un buisson. Il attrape l’extrémité d’une branche passée à travers le grillage, regarde-moi ça il dit, et je vois une grosse tête d’herbe bien compacte, dense, et grasse au toucher (éd. de 2019, p. 42).

Débarquent alors Untel et Lahuiss; c’est ce dernier qui fait le lien entre la drogue en train de pousser et Voltaire.

Lahuiss, en tapotant sa clope éteinte contre l’ongle de son pouce, se lève de sa chaise, et avec l’air d’un mec super fier de ce qu’il s’apprête à dire, il dit au moins, on peut considérer que c’est une manière comme une autre de cultiver son jardin. Habib fait houla, qu’est-ce qu’il nous raconte çui-là. Quoi tu connais pas Voltaire, demande Lahuiss faussement outré. Wesh les gars y en a parmi vous qui sont allés au lycée ? Cultiver son jardin, c’est dans Candide. Tu vois ou pas, Candide (p. 52).

Un classique, c’est ça : un texte constamment mobilisable.

 

P.-S.—Beigbeder parle de «ganja» et de «marijuana»; Lopez, d’«herbe» ou de «beuh» (p. 123). Voltaire aurait-il parlé «de la weed» ou «du weed» ? Ça se discute.

P.-P.-S.—L’Oreille tendue a déjà commenté la dimension voltairienne de 99 francs. C’était en 2003, dans les Cahiers Voltaire.

P.-P.-P.-S.—Elle a déjà eu l’occasion de dire tout le bien qu’elle pensait d’un récent livre de Beigbeder.

P.-P.-P.-P.-S.—Stéphanie Géhanne Gavoty a étudié l’intertexte voltairien dans Fief. C’était en 2019, toujours dans les Cahiers Voltaire.

 

[Complément du 13 avril 2023]

Utiliser une citation apocryphe de Voltaire — «Appreciation is a wonderful thing : It makes what is excellent in others belong to us as well» (voir Wikipédia) — pour vendre du cannabis ? C’était déjà le cas en 2017, comme l’indiquait l’Oreille dans ses Curiosités voltairiennes.

Citation apocryphe de Voltaire, publicité de cannabis, 2017

 

Illustration : Bogdan, «Cannabis 02 bgiu», 2005, photo déposée sur Wikimedia Commons

 

Références

Beigbeder, Frédéric, 99 francs, Paris, Bernard Grasset, 2000, 282 p.

Gavoty, Stéphanie Géhanne, «Enquête sur la réception de Candide (XVII). Coordonnée par Stéphanie Géhanne Gavoty», Cahiers Voltaire, 18, 2019. Voir p. 234-238.

Lopez, David, Fief. Roman, Paris, Seuil, coll. «Points», P4874, 2019, 236 p. Édition originale : 2017.

Melançon, Benoît, «Enquête sur la réception de Candide. Coordonnée par André Magnan», Cahiers Voltaire, 2, 2003. Voir p. 257-258.

Voltaire, Candide ou l’Optimisme, Paris, Bordas, coll. «Univers des lettres Bordas», 1984, 191 p. Édition d’André Magnan. Édition originale : 1759.

Autopromotion 697

«Dessein», deuxième volume des planches de l’Encyclopédie, Paris, 1763, planche XXXIII

La 557e livraison de XVIIIe siècle, la bibliographie de l’Oreille tendue, est servie.

La bibliographie existe depuis le 16 mai 1992. Elle compte 65 497 titres.

Illustration : «Dessein», deuxième volume des planches de l’Encyclopédie, Paris, 1763, planche XXXIII

Autopromotion 696

«Dessein», deuxième volume des planches de l’Encyclopédie, Paris, 1763, planche XXXII

La 556e livraison de XVIIIe siècle, la bibliographie de l’Oreille tendue, est servie.

La bibliographie existe depuis le 16 mai 1992. Elle compte 65 347 titres.

Illustration : «Dessein», deuxième volume des planches de l’Encyclopédie, Paris, 1763, planche XXXII

Simenon et (les bustes de) Voltaire

Voltaire, buste

Depuis plusieurs années, l’Oreille tendue — croyez-le ou non — se constitue une collection d’évocations de bustes de Voltaire. Cela lui permet de réfléchir aux mécanismes de la célébrité au XVIIIe siècle. En 2021, elle a même publié un texte sur le sujet, «Voltaire, “tête pensante”».

Sur quoi tombe-t-elle en lisant l’Inspecteur Cadavre, le roman de 1944 de Georges Simenon ? «Ainsi, c’était là cette Clémentine Bréjon, née La Noue, que tout le monde appelait familièrement Tine. Petite et vive, avec un visage grimaçant qui faisait penser aux bustes de Voltaire, elle se levait et questionnait d’une étrange voix de fausset […]» (éd. de 1992, p. 510).

C’est noté.

 

Références

Melançon, Benoît, «Voltaire, “tête pensante”», dans Fabrice Brandli et Marco Cicchini (édit.), Pages d’histoire. Autour de Michel Porret, Chêne-Bourg (Suisse), Georg éditeur, 2021, p. 73-89. https://doi.org/1866/28557

Simenon, Georges, l’Inspecteur Cadavre, dans Tout Simenon 24, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1992, p. 465-562. Édition originale : 1944.