Chanter les Lumières aujourd’hui ? Ça se fait.
Elle n’m’a pas gâché l’existence
Mais a tu celle de Rousseau,
De Proust,
De Mort à crédit,
psalmodie Arnaud-Fleurent Didier. (Le personnage de la chanson parle de sa mère.)
Chez Bénabar, Voltaire remplace Rousseau :
Ce vieil homme fatigué d’Algérie
Qui regrette son Maghreb jour et nuit
Tout juste toléré aujourd’hui
Faut dire qu’ça fait qu’trente ans qu’il est ici
Qu’il ne s’ra jamais propriétaire
Qu’il occupe une chambre de bonne
Au pays de Voltaire
Au pays des Lumières
Et des droits d’l’homme.
Par-delà la Révolution, Tomás Jensen réconcilie les uns et les autres :
Qui c’est qui vient souper à soir ?
Qui c’est qui vient souper à soir ?
C’est le vent de l’ouest
C’est le vent de l’ouest
C’est l’Occident civilisé
Technologie et liberté
C’est le vent de l’ouest
C’est le vent de l’ouest
C’est quatorze cent quatre-vingt douze
C’est dix-sept cent quatre-vingt neuf
C’est mille neuf cent quatre-vingt-quatre
C’est mai soixante-huit, est-ce qu’on trinque ?
C’est le vent de l’ouest
C’est Hollywood, Rousseau, Voltaire
C’est le vent de l’ouest
Mère Teresa et Rockefeller
C’est le vent de l’ouest
Je ne le suivrai pas.
(Voltaire / Rockefeller est une rime plus riche que Voltaire / Lumières.)
Chanter le XVIIIe siècle aujourd’hui ? Pourquoi pas.
[Complément du 10 juin 2020]
L’Oreille a repris ce texte, sous le titre «Chanter les Lumières», dans le livre qu’elle a fait paraître au début de 2020, Nos Lumières.
[Complément du 11 mars 2024]
Premier vers de «Je vais t’aimer», de Michel Sardou (1976) : «À faire pâlir tous les marquis de Sade.» L’Oreille ne s’y attendait pas.
Références
Bénabar, «Qu’est-ce que tu voulais que je lui dise ?», Reprise des négociations, Jive, 2005.
Didier, Arnaud-Fleurent, «France culture», la Reproduction, Sony / BMG, 2009.
Jensen, Tomás & Les faux-monnayeurs, «Le vent du nord» (2000), Pris sur le vif, GSI Musique, 2006.
Melançon, Benoît, Nos Lumières. Les classiques au jour le jour, Montréal, Del Busso éditeur, 2020, 194 p.