De passage à Lutèce en décembre dernier, l’Oreille tendue avait été sensible à une publicité invitant les usagers du métro à apprendre le «Wall Street English».
La publicité est toujours là en mars, mais avec une nouvelle photo : une femme tire la langue; sur celle-ci, on a peint un drapeau. Le Stars and Stripes, Wall Street oblige ? Non : l’Union Jack.
Il y a des leçons de géographie qui se perdent.
[Complément du 22 février 2012]
Hier, François Bon, sur tierslivre.net, écrivait ceci : «je viens de remarquer, centre-ville, en suivant un bus, que sur les publicités “Wall Street english”, le drapeau anglais avait été supprimé… l’oreille tendue a donc eu gain de cause !» L’Oreille va finir par se croire puissante (surtout après ceci). Elle compte sur ses lecteurs pour la rappeler à son obligation de modestie.
[Complément du 19 juin 2012]
La correction n’a pas touché Genève, du moins en juin 2012. Le pouvoir de l’Oreille paraît localisé.
Le magazine Têtu recommande de visiter le Canada, «Le pays friendly». L’Oreille tendue peut-elle proposer un ajout à ce slogan ? «Le pays friendly et fully bilingual.»
Les voyages ont des effets souvent imprévus. L’Oreille tendue, qui se croyait bilingue, débarquant à Paris, est prise de doutes. Devant cette publicité, par exemple.
«Flunch» ? «Flunch in the USA» ? Non, elle doit le confesser : l’Oreille tendue, qui vient de découvrir l’existence de la chaîne de restauration rapide Flunch, n’est pas bilingue.
Que font-ils ? Ils écrivent des textes où la langue est mise en scène. Des heures d’écoute en perspective.
Amie, et néanmoins collègue, de l’Oreille tendue, Lucie Bourassa étudie le français de Katalin Molnár dans la revue numérique @nalyses. (Il faut avoir l’oreille fine.)
Dans la collection «Paragraphes», le collègue, et néanmoins ami, de l’Oreille Francis Gingras a réédité, en une version revue et corrigée, son Miroir du français. Éléments pour une histoire culturelle de la langue française.
Frédéric Werst, avec Ward, invente une nouvelle langue.
Le livre que voici se présente comme une anthologie de la littérature d’un peuple imaginaire, les Wards. Dans les extraits qui la composent, j’ai cherché à évoquer ces gens, leur histoire, leur monde, leurs mythes, leurs idées, élaborant des genres littéraire, essayant des principes formels ou esthétiques, rêvant des poètes ou des prosateurs, des théologiens ou des philosophes — mais avant tout, c’est de l’invention d’une langue qu’il était question. Cette anthologie est en effet bilingue, et j’ai choisi de donner de ces textes, outre une traduction française, leur version originale dans la langue des Wards, le «wardwesân» (p. 11).
La fondatrice de Wordnik, Erin McKean, proposait, le 9 janvier, dans sa chronique du Boston Globe, ses découvertes de l’année en matière linguistique. Elle y causait culturomics — l’utilisation de Google Books pour analyser la langue —, palinisme — refudiate, encore une fois —, néologie — l’entrée du mot eggcorn dans le Oxford English Dictionary; Wikileaks —, prononciation — celle du Eyjafjallajökull. Elle y renvoyait aussi à une étonnante vidéo typographique contre le purisme linguistique (anglo-saxon), celle de Stephen Fry. À voir.
Références
Bourassa, Lucie, « Du français, dlalang et des poèmes incorrects : langage et poétique chez Katalin Molnár», article numérique, @nalyses, 14 décembre 2010. https://doi.org/10.18192/analyses.v5i3.588
Gingras, Francis (édit.), Miroir du français. Éléments pour une histoire culturelle de la langue française, Montréal, Université de Montréal, Département des littératures de langue française, coll. «Paragraphes», 26, 2007, 525 p. Réédition revue et corrigée : 2009, 516 p.
McKean, Erin, «The Year in Language», The Boston Globe, 9 janvier 2011.
On se souviendra que des Américains, il y a quelques années, avaient souhaité modifier, pour des raisons supposées de politique internationale, le nom de leurs frites : plus de French fries, place aux Freedom fries. On se méfiait de ce qui était French.
Existerait-il la même chose chez les francophones ? Comment expliquer la traduction suivante ?
Faut-il voir là un simple refus du mot French ? Y a-t-il plutôt un lien à établir entre French et gratiné(e) ? L’on sait que, selon le Petit Robert (édition numérique de 2010), ce mot a deux sens en français : «Cuit au gratin»; «Extraordinaire, dans l’outrance ou le ridicule.»