Note de régie

L’Oreille tendue s’est enfantée le 14 juin 2009. À compter du 26 décembre de la même année, une nouvelle entrée, parfois plus, s’est ajoutée au blogue tous les jours, hors périodes de vacances.

Ce rythme quotidien est devenu un brin lassant, du moins pour l’Oreille. Désormais, les billets paraîtront de façon moins régulière.

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[Complément du 3 février 2016]

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Non-couleur du jour

François Hébert, De Mumbai à Madurai, 2013, couverture

Mea maxima culpa : les lecteurs à l’oreille tendue de l’Oreille tendue auront sûrement remarqué que celle-ci a utilisé, ici et , le mot drabe sans le définir.

Drab, drabe ou drabbe, donc.

Il peut être employé substantivement :

«M. Martin se révèle d’un drabe désespérant» (le Devoir, 20 mai 2004, p. A3).

Il est surtout adjectif :

«En zappant, nous tombons sur la BBC et sur l’un des féaux d’Élisabeth II, Stephen Harper.
Les News Express font le tour du globe et nous gratifient de son portrait.
Drab est l’épithète idoine» (De Mumbai à Madurai, p. 50-51).

«Chez Carolus il y avait cependant des bibliothèques (en grand nombre et en désordre) pleines de livres que je ne le voyais jamais ouvrir (qu’il semblait ignorer comme on le fait d’un fond de décor drabe) et qui moi m’intimidaient, à cause de leur nombre, et de leur désordre» (La raison vient à Carolus, p. 11).

«Lors de son lancement à l’été 1997, l’Intrigue a impressionné par sa conduite précise, sa tenue en virage supérieure à la moyenne ainsi que par un agencement intérieur moins drabbe que celui de la plupart des berlines de GM» (la Presse, 2 août 1999).

Définition ? Plat, ennuyeux, beige. «Qui est dépourvu d’intérêt, qui est terne, moche, ennuyeux», dit à juste titre la Base de données lexicographiques panfrancophone. Le dictionnaire en ligne Usito va dans le même sens, jugement de valeur à l’appui : «L’emploi de drabe est critiqué comme synonyme non standard de banal, ordinaire, terne.»

L’emploi du mot n’est pas récent. Alfred DeCelles fils le décriait déjà, en un sens différent du sens contemporain, en 1927 :

Le mot anglais drab, par exemple : un habit drab, semble être entré définitivement dans notre vocabulaire. Cependant le terme exact serait gris brun, noisette ou chamois. Voilà comment les anglicismes pénètrent chez nous tous les jours ! (p. 34)

Usito le fait même remonter à 1825 «environ».

P.-S. — Les lecteurs à l’oreille tendue de l’Oreille tendue auront noté la présence d’un zeugme dans la citation de La raison vient à Carolus.

 

[Complément du 31 décembre 2016]

Quand un chroniqueur musical du quotidien le Devoir dit d’un album qu’il est «drabe pâle» (30 décembre 2016, p. B5), ce n’est probablement pas une recommandation très forte.

 

[Complément du 26 mars 2019]

En 1937, la brochure le Bon Parler français classait «Drab», mis pour «Gris-brun», parmi les anglicismes (p. 17).

 

Références

Le Bon Parler français, La Mennais (Laprairie), Procure des Frères de l’Instruction chrétienne, 1937, 24 p.

DeCelles fils, Alfred, la Beauté du verbe (Entretiens sur la langue française au Canada), Ottawa, Imprimerie Beauregard, 1927, 58 p.

Hébert, François, De Mumbai à Madurai. L’énigme de l’arrivée et de l’après-midi. Récit, Montréal, XYZ éditeur, coll. «Romanichels», 2013, 127 p. Ill.

Turgeon, David, La raison vient à Carolus, Montréal, Le Quartanier, coll. «Nova», 9, 2013, 58 p.

Il y a gang et gang

Le gouvernement du Québec — souhait louable — aimerait que les jeunes de la province ne deviennent pas membres d’un gang (de rue). Il a créé un site de prévention pour cela, Choisis ton gang (merci à @PimpetteDunoyer pour le lien).

Cette injonction est bien étrange.

Au Québec, gang n’est substantif masculin que pour désigner une organisation criminelle (un gang de rue, le gang de l’Ouest).

Le reste du temps, comme synonyme de bande, il est féminin et se prononce gagne (la gagne de ma rue, ma gagne de l’Ouest).

Autrement dit, quand le gouvernement du Québec enjoint à un jeune de choisir son gang, il ne lui laisse pas le choix : ce sera une bande de criminels.

P.-S. — Une âme plus charitable que l’Oreille tendue pourra voir dans ce slogan un jeu de mots. Si c’est le cas, il n’est guère réussi.

P.-P.-S. — Exemple cinématographique, qui ne simplifie pas les choses : la Gang des hors-la-loi (2014).

Les zeugmes du dimanche matin et de Flaubert

Gustave Flaubert, l’Éducation sentimentale, éd. de 1961, couverture

«Puis les convives arrivèrent tous, presque en même temps : Dittmer, Lovarias, Burrieu, le compositeur Rosenwald, le poète Théophile Lorris, deux critiques d’art collègues d’Hussonnet, un fabricant de papier, et enfin l’illustre Pierre-Paul Meinsius, le dernier représentant de la grande peinture, qui portait gaillardement avec sa gloire ses quatre-vingts années et son gros ventre» (p. 46).

«Alors entra un gaillard de trente ans, qui avait quelque chose de rude dans la physionomie, de souple dans les membres, le chapeau sur l’oreille, et une fleur à la boutonnière» (p. 221).

Gustave Flaubert, l’Éducation sentimentale. Histoire d’un jeune homme, introduction, notes et relevé de variantes par Édouard Maynial, Paris, Classiques Garnier, 1961, xii/473 p. Ill. Édition originale : 1869.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)