Des nouvelles du plongeon arctique

Un huard, le dollar canadien

Le 11 mars 2010, puis le 27 juillet 2011, l’Oreille tendue disait un mot du huard, le dollar canadien.

Celui-ci piquant du nez ces jours-ci, regardons comment il se porte.

Son plumage ?

«Vivre avec un huard déplumé» (la Presse+, 8 janvier 2016).

«Le huard perd encore des plumes» (la Presse+, 9 décembre 2015).

«Le huard risque de perdre encore quelques plumes, selon des économistes» (le Devoir, 17 juillet 2015, p. A7).

Son vol ?

«Voyager là où le huard vole haut» (la Presse, 25 avril 2015, cahier Affaires, p. 1).

«Le huard doit voler de ses propres ailes» (le Devoir, 17 septembre 2014, p. B3).

«Vents contraires pour le huard» (la Presse+, 15 septembre 2014).

«La chute du huard en quatre questions» (la Presse, 9 janvier 2014, cahier Affaires, p. 5).

«Le huard poursuit sa descente» (la Presse, 23 février 2013, cahier Affaires, p. 4).

«Le huard reprend son envol» (la Presse, 22 août 2012, p. A1).

«Le huard monte encore…» (la Presse, 27 janvier 2012, p. A1).

«Les cambistes conservent leur calme devant l’envolée du huard» (la Presse, 27 juillet 2011, cahier Affaires, p. 1).

Sa personnalité ?

«Pourquoi le huard devrait-il mieux aimer 2016 ?» (la Presse+, 2 janvier 2016)

«Ne laissez pas le huard gâcher vos vacances» (la Presse, 1er février 2014, cahier Affaires, p. 6).

«Une année moche attend le huard» (la Presse+, 29 décembre 2013).

«Le huard se fait malmener» (le Devoir, 4 décembre 2013, p. B1).

Levez les yeux au ciel.

P.-S.—L’éditeur favori de l’Oreille tendue déteste cette utilisation du mot huard. Ce billet est pour lui.

P.-P.-S.—Il y a le plumage du huard et il y a celui des autres : «Le huard fait perdre des plumes aux transporteurs aériens» (le Devoir, 29 janvier 2014, p. B4).

À saveur d’étonnement

Ne lui demandez pas pourquoi : l’Oreille tendue a une imposante collection d’occurrences de la locution à saveur (voir ici, par exemple).

Elle peut cependant assurer ses lecteurs qu’elle n’avait jamais, avant aujourd’hui, lu ceci, à propos de la nouvelle saison de l’émission de télévision les Beaux Malaises : «Un épisode à saveur sexuelle qui crée un vrai malaise» (le Devoir, 13 janvier 2016, p. B8).

On n’arrête pas le progrès, genre.

Autopromotion 218

Sélection du Reader's Digest, 1971

 

Quand elle était petite, l’Oreille tendue lisait Sélection du Reader’s Digest. Elle se souvient notamment de sa chronique médicale, dont un certain «Georges» était le héros : «Je suis la vessie de Georges»; «Je suis le poumon de Georges»; «Je suis la glande surrénale de Georges»; etc.

Devenue grande, elle donne, dans le numéro de janvier 2016 de cette revue, une entrevue à Sophie Mangado, «Le déclin du français ? Un mythe !» (p. 12-14), au sujet de son plus récent livre, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue).

Question du jour : est-elle la langue de Georges ou son oreille ?

 

Référence

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

Néologie de la chose, bis

La chose titille les néologues (vous trouverez une vingtaine d’exemples ici). Nouvelle fournée ci-dessous.

Même si tous les (dé)goûts sont dans la nature, l’humanité manquerait parfois de ressources. Voilà ce que semblent se dire le pansexuel, le polysexuel, le skoliosexuel et l’ovnisexuel.

Ils tiendraient, en quelque sorte, la position contraire de celle de l’asexuel.

Entre ces extrêmes, il y aurait le graysexuel et le demisexuel.

L’ubersexuel ? L’Oreille tendue, qui a pourtant lu un article sur le sujet, serait bien en mal de vous dire de quoi il s’agit.

La chair est peut-être triste, mais on n’a pas encore inventé tous les mots.

Accouplements 40

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Sur son blogue, l’excellent @machinaecrire a publié récemment deux billets au sujet de l’écriture de la poésie, l’un sur le code, l’autre sur les recettes (oui, celles de cuisine). Il ne répond pas à la question «La recette de cuisine est-elle de la poésie ?». Il laisse plutôt à son lecteur le soin de trancher, recette de Ricardo à l’appui («Tilapia et sauté de légume. Poème»).

Quelques jours plus tôt, le non moins excellent @dancohen publiait, lui aussi sur son blogue, un texte intitulé «What It’s Worth : A Review of the Wu-Tang Clan’s “Once Upon a Time in Shaolin”». Il part d’un album réservé à un seul auditeur pour s’interroger sur la nature de l’art aujourd’hui. Parlant de l’artiste visuel Sol LeWitt, il écrit : «LeWitt liked to be a recipe writer, not a chef.»

Puis, hier, le quotidien montréalais le Devoir présente une exposition à venir à la Galerie de l’Université du Québec à Montréal, Do It Montréal. Il n’y est pas question de «recettes», mais d’«instructions» et de «directives» (c’est plus noble).

Récapitulons. En 1993, Hans Ulrich Obrist, après une conversation à Paris avec les artistes Christian Boltanski et Bertrand Lavier, décide de créer une exposition qui prévoit l’interprétation à l’infini de directives artistiques données. Il demande à dix artistes de rédiger des instructions pour la création d’une œuvre. Les œuvres produites à partir de ces instructions seront documentées, par des photos, des textes ou des vidéos, puis détruites. Ces instructions seront ensuite traduites en neuf langues, et l’exposition sera reproduite ailleurs dans le monde. Alors, d’autres instructions et d’autres artistes s’ajouteront aux premiers pour former un livre de 250 instructions supervisé par l’ICI (Independent Curators International), à New York.

À Montréal, la jeune commissaire Florence-Agathe Dubé-Moreau a puisé soixante instructions dans cet imposant corpus, et en a commandé dix autres à des artistes québécois. À partir de là, c’est à vous de jouer.

De l’art d’apprêter la culture.