Saga, encore

Stade olympique, Montréal, photographie de Bernard Brault

On l’a appris la semaine dernière : le Stade olympique de Montréal vient de se découvrir de nouveaux problèmes.

Rien là de bien neuf, comme l’avait vu Monique Proulx, en 1996, dans les Aurores montréales :

Et maintenant, dehors dans l’obscurité fraîche, Pierrot admire le Stade olympique, que les admirables Montréalais paient depuis des lustres sans rechigner. Cet édifice qui ressemble à un spoutnik périmé le remplit d’une joie aiguë, cet édifice est la ville dans laquelle il se glissera tel un rat expérimental, il ira voir des matches, il examinera de près le toit qui a donné naissance à cette saga dans les journaux — modeste et pitoyable saga sans doute, à la mesure des drames collectifs d’ici (p. 27).

«Modeste», «pitoyable» — mais coûteuse.

 

Référence

Proulx, Monique, les Aurores montréales. Nouvelles, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 85, 2016, 238 p. Édition originale : 1996.

L’oreille tendue de… Marie-Pascale Huglo

Marie-Pascale Huglo, Des pierres dans les poches, 2023, couverture

«Le petit a reculé jusqu’au fond de la véranda, un nœud dur dans le gosier. Le plancher sous lui était trempé, le cadre des moustiquaires continuait de pourrir. Les marches de l’escalier ont grincé. Le cœur du petit palpitait dans son thorax comme celui des grenouilles emprisonnées dans le creux des mains. Il y a quelqu’un ? La voix de Baba venait d’en haut. Il s’est recroquevillé en arrière des chaises en osier. En bas, tout près, le père grommelait. Il ouvrait des placards dans la cuisine, poussait des meubles, la porte d’entrée s’est rouverte. Le petit tendait l’oreille, il n’arrivait pas à avaler sa salive. Il a craché. Dans son gosier, le nœud dur s’est dénoué, il a craché encore. Le plancher a craqué sous ses fesses, bruit d’éboulement dans le mur. Le petit s’est redressé pour écouter, et c’est là que son téléphone a sonné.»

Marie-Pascale Huglo, «La grenouillère», dans Des pierres dans les poches. Nouvelles, Montréal, Leméac, 2023, 109 p., p. 65-79, p. 77.

Au corps

Sophie Bienvenu, J’étais un héros, 2022, couverture

Comment, dans le français populaire du Québec, exprimer qu’on ne sait pas ? Fouille-moi pourquoi.

Trois exemples, le premier journalistique, les deux autres, romanesques.

«Ils appellent ça, fouille-moi pourquoi, un centre d’achats de vie urbaine, en anglais lifestyle center» (la Presse, 7 janvier 2012, p. A5).

«Il tire une flûte de son sac d’école, il se trémousse pour faire oublier qu’il joue comme un pied, et fouille-moi pourquoi, les clients se ruent dans sa direction» (les Aurores montréales, p. 77-78).

«Fouille-moi pourquoi Miche trouve pertinent de me parler de son enfance de schnoutte, vingt-quatre heures après ma sortie de l’hôpital» (J’étais un héros, p. 19).

On voit aussi, tout simplement, fouille-moi : «Qu’est-ce que ce chien t’a dit, Pacha ? — Fouille-moi… Je ne parle pas caniche» (la Presse, 20 mai 2001).

Ce n’est pas plus clair.

 

Références

Bienvenu, Sophie, J’étais un héros. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2022, 161 p.

Proulx, Monique, les Aurores montréales. Nouvelles, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 85, 2016, 238 p. Édition originale : 1996.