Chantons la langue avec Francine Raymond

Francine Raymond, les Années lumières, 1993, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Francine Raymond, «Y a les mots», les Années lumières, 1993

 

Y a les mots qui amusent et ceux qui abusent
Les mots qui blessent comme autant de morsures
Les mots qu’on pleure et crache en venin dans le chagrin
Et ceux qu’on échange en poignées de main

Y a les mots qui nous lient sous le sceau du secret
Et ceux qui déchirent et séparent à jamais
Les mots qui nous hantent pour un instant de folie
Et ceux qui disparaissent dans l’oubli

Dans tous ces mots qui m’entourent et m’appellent
J’entends des enfants jouer dans la ruelle
Je vois des ponts bâtis au bout des hommes
Au bout des chaînes là où y a les mots

Y a les mots qu’on soupire pour passer aux aveux
Ceux qu’on murmure pour mieux parler à son Dieu
Les mots qui frappent pour nous aider à tout comprendre
Et ceux qu’on échappe qu’on aimerait bien reprendre

Dans tous ces mots qui m’entourent et m’appellent
J’entends des enfants jouer dans la ruelle
Je vois des ponts bâtis au bout des hommes
Au bout des chaînes là où y a les mots

Dans tous ces mots qui m’entourent et m’appellent
J’entends des enfants jouer dans la ruelle
Je vois des ponts bâtis au bout des hommes
Au bout des chaînes là où y a les mots

Dans tous ces mots
Oh oh oh oh
Oh oh oh oh
Oh oh oh oh
Au bout des chaînes
Là où y a les mots

 

Autopromotion 805

«Architecture et parties qui en dépendent. Septième partie», premier volume des planches de l’Encyclopédie, Paris, 1762, planches XXXI

La 643e livraison de XVIIIe siècle, la bibliographie de l’Oreille tendue, est servie.

La bibliographie existe depuis le 16 mai 1992. Elle compte 75 400 titres.

À partir de cette page, on peut interroger l’ensemble des livraisons grâce à un rudimentaire moteur de recherche et soumettre soi-même des titres pour qu’ils soient inclus dans la bibliographie.

Illustration : «Architecture et parties qui en dépendent. Septième partie», premier volume des planches de l’Encyclopédie, Paris, 1762, planches XXXI

Les David Lynch de François Hébert

François Hébert, «David Lynch», collage
François Hébert, «David Lynch», collage, collection particulière

L’écrivain québécois François Hébert (1946-2023) s’intéressait au cinéaste David Lynch. Déjà, en 1985, celui-ci apparaissait, sous sa plume, dans Monsieur Itzago Plouffe (pour l’Homme-éléphant, p. 63). On le croisera ensuite dans Pour orienter les flèches (Blue Velvet, p. 93) et dans Des conditions s’appliquent (Mulholland Drive, p. 39). Il sera plusieurs fois questions de lui dans Frank va parler : pour ses films (Blue Velvet, p. 29, p. 35; Mulholland Drive, p. 135), pour sa série télévisée (Twin Peaks, p. 30, p. 72, p. 83), pour un film de son fils, John, dans lequel il joue (Lucky, p. 30-32). Hébert fait, pour l’occasion, le portrait de Lynch, sous forme d’autoportrait :

C’est mon semblable, ce Lynch aux cheveux en brosse irrégulière dressés sur la tête comme un vieux pinceau, on a le même âge, sinon la même tronche, car j’ai plutôt une tête d’œuf. Le cinéaste est peintre, ça vous change le mal de place. Et je suis poète aux heures perdues, et presque toutes le sont ces temps-ci (p. 29).

François Hébert pratiquait aussi l’art du collage : «J’en ai fait un assemblage artistique avec des objets divers, presque digne d’un altruiste» (p. 30). Oui, c’est l’illustration ci-dessus.

David Lynch vient de mourir.

 

Références

Hébert, François, Monsieur Itzago Plouffe, Québec, Éditions du Beffroi, 1985, 96.

Hébert, François, Pour orienter les flèches. Notes sur la guerre, la langue et la forêt, Montréal, Trait d’union, coll. «Échappées», 2002, 221 p.

Hébert, François, Des conditions s’appliquent. Poèmes, Montréal, L’Hexagone, 2019, 75 p.

Hébert, François, Frank va parler. Roman, Montréal, Leméac, 2023, 203 p.

Chantons la langue avec Serge Gainsbourg, bis

Portrait de Serge Gainsbourg jeune

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Serge Gainsbourg, «Les mots inutiles» / «De Vienne à Vienne» / «Le dernier souvenir», chanson inédite, interprétée lors de l’émission télévisée Ce soir à Vienne juin 1961

 

Les mots sont usés jusqu’à la corde
On voit l’ennui au travers
Et l’ombre des années mortes
Hante le vocabulaire

Par la main
Emmène-moi hors des lieux communs
Et ôte-moi de l’idée que tu ne peux t’exprimer
Que par des clichés

Vienne, à Vienne, tu ne parlais pas
Simplement tu prenais mon bras
Et tu voyais à mon sourire
Qu’il n’était rien besoin de dire

Il vaut mieux laisser au poète
Le soin de faire des pirouettes
C’est très joli, oui, dans les livres
Mais tous ces mots dont tu t’enivres

Ces mots sont usés jusqu’à la corde
On voit l’ennui au travers
Et l’ombre des années mortes
Hante le vocabulaire

Par la main
Emmène-moi hors des lieux communs
Et ôte-moi de l’idée que tu ne peux t’exprimer
Que par des clichés

Vienne, à Vienne, tu ne parlais pas
Simplement tu prenais mon bras
Et tu voyais à mon sourire
Qu’il n’était rien besoin de dire

Les mots d’esprit laissent incrédule
Car le cœur est trop animal
Mieux qu’apostrophe et point-virgule
Il a compris le point final

 

P.-S.—Vous avez l’oreille : il a déjà été question de cette chanson ici.

P.-P.-S.—Bis ? Parce que.

 

La filature immobile

Georges Simenon, Monsieur La Souris, 1938, couverture

Les occasions de sourire sont bien rares dans l’œuvre de Simenon. Signalons néanmoins ce passage, tiré de Monsieur La Souris :

Est-ce que le commissaire Lucas prenait les mots à la lettre quand il avait dit à l’inspecteur [Lognon] :

— Il y a peut-être quelque chose… Mettez vous sur le bonhomme [le clochard surnommé Monsieur La Souris]…

Le fait est que Lognon était presque dessus, au sens littéral du terme. […] Dès le matin, il avait suivi le vieux à moins de trois mètres et il n’avait pas bronché quand La Souris s’était arrêté.

— Dites donc, monsieur l’inspecteur… Vous ne croyez pas que nous avons l’air bête à nous suivre ainsi sans un mot ?… Sii vous voulez, on pourrait marcher ensemble… Sans compter que ce serait plus gai…

Lognon s’était contenté de tourner la tête de l’autre côté et de rester debout au milieu du trottoir, comme si on ne lui eût pas adressé la parole.

— Bon !… C’est comme vous voudrez !… Ce que j’en disais, c’était autant pour vous que pour moi… Paraît-il que, dans le temps, les grands seigneurs se faisaient suivre dans la rue par un larbin…

La Souris enrageait ! Il ne savait où aller, ni que faire et il essaya d’écœurer l’inspecteur par les allées et venues les plus fantaisistes, se mettant soudain à courir, s’arrêtant un quart d’heure au même endroit, repartant au ralenti pour entrer soudain dans une boutique (p. 427-428).

On n’a plus les filatures policières qu’on avait.

 

Référence

Simenon, Monsieur La Souris, dans Tout Simenon 21, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1992, 383-481. Édition originale : 1938.