Pierre Foglia et le numérique

Pierre Foglia, le chroniqueur de la Presse, a annoncé ce matin qu’il était à la retraite depuis l’automne. Cela explique son absence quasi totale des pages du quotidien depuis quelques mois.

Comme beaucoup, l’Oreille tendue le lisait systématiquement depuis plusieurs lustres. Il lui est même arrivé de parler de lui en classe, pour décrire les conditions particulières de la lecture numérique. Explication.

L’Oreille est, à ses heures, historienne de la littérature, et plus particulièrement encore de la lecture. À ce titre, elle insiste toujours sur l’importance fondamentale des supports de lecture. On ne lit pas le journal comme un roman, à l’écran comme sur du papier.

Les lecteurs peuvent aujourd’hui aller chercher, dans une base de données, les chroniques de Foglia sans avoir besoin de tenir dans leurs mains le journal où elles ont paru à l’origine. Or la lecture que l’on fait de ces chroniques n’est pas exactement la même dans les deux cas.

Dans une base de données, les lecteurs pourront bien sûr découvrir l’article dans lequel le chroniqueur raconte la mort d’une jeune fille renversée par un chauffard alors qu’elle rentrait chez elle (à bicyclette ?), écouteurs aux oreilles.

S’ils se contentent de la base de données, ils ne sauront pas que cette chronique a paru, dans la version papier du journal, à côté d’un fait divers racontant la mort d’une autre jeune fille qui rentrait chez elle (à bicyclette ?), écouteurs aux oreilles. Bref, dans des circonstances identiques.

La base de données, ce sont des écrits isolés. Le journal, c’est un lieu vivant, dans lequel les chroniques sont (involontairement) en dialogue avec les articles qui les entourent, jusqu’à l’ironie noire de pareille juxtaposition.

L’Oreille pourra continuer à utiliser cet exemple, mais pas, malheureusement, à attendre les nouvelles chroniques de l’auteur.

P.-S. — On a souvent déploré le fait que Pierre Foglia n’ait pas rassemblé ses chroniques en recueil. L’aurait-il fait, qu’il les aurait sorties de leur écosystème. Cela aussi aurait déterminé leur lecture.

P.-P.-S. — L’Oreille cite de mémoire. Si elle se trompe, il n’est pas indispensable de le lui dire.

La clinique des phrases (d)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

 

La Presse+, 26 février 2015

Soit la phrase suivante (elle ouvre la section de la Presse+ de ce matin consacrée au sport) :

Forcé au rôle de spectateur depuis la mi-janvier en raison de symptômes liés à une commotion cérébrale, Pierre-Alexandre Parenteau se dit prêt à reprendre le collier, lui qui a raté les 18 derniers duels de son équipe.

Si l’ailier droit des Canadiens de Montréal — c’est du hockey — a les symptômes d’une commotion cérébrale, il doit bien avoir une commotion cérébrale, non ?

Pourquoi, alors, ne pas écrire ceci ?

Forcé au rôle de spectateur depuis la mi-janvier en raison d’une commotion cérébrale, Pierre-Alexandre Parenteau se dit prêt à reprendre le collier, lui qui a raté les 18 derniers duels de son équipe.

À votre service.

 

[Complément du 2 janvier 2017]

Rebelote dans la Presse+ du jour : «Selon Sportsnet, Shaw souffrirait encore de symptômes de commotion cérébrale et ne serait pas près d’un retour.» Donc : «Selon Sportsnet, Shaw souffrirait encore d’une commotion cérébrale et ne serait pas près d’un retour.»

Urbain en ville

Il y a quelques années, @PimpetteDunoyer a lancé le site Vivez la vie urbaine. L’Oreille tendue s’amuse à y collaborer à l’occasion.

Cela n’atténue pourtant pas sa surprise quand elle lit la phrase suivante dans le quotidien le Devoir : «Montréal va de l’avant avec son projet de Promenade urbaine au centre-ville» (21-22 février 2015, p. A10). Une promenade «urbaine» au «centre-ville» de la ville de Montréal ?

Pareille promenade pourrait-elle être autre chose ? L’Oreille s’interroge.

P.-S. — Pour d’autres usages étonnants du mot urbain, on clique ici.

Accouplements 13

Maurice Richard en première page de Photo journal (21-28 octobre 2014)

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Paul Gérin-Lajoie occupe les médias ces jours-ci. Celui qui, au début des années 1960, a convaincu les membres du gouvernement libéral de Jean Lesage de créer un ministère de l’Éducation du Québec et de lui confier ce ministère était à la télévision vendredi dernier (série «Grands reportages personnalités» de RDI) et en première page du Devoir hier, pile-poil pour son 95e anniversaire. Dans les deux cas, il rappelait la lutte qu’il a dû mener pour que le gouvernement du Québec devienne maître d’œuvre de ses politiques en éducation.

La loi qui créait le ministère de l’Éducation et le Conseil supérieur de l’éducation était la loi 100 (on disait le bill 100). Elle a donné lieu à des masses d’écrits, dont le livre Un bill 60 du tonnerre (1964).

Sous la signature d’Éloi de Grandmont, Louis-Martin Tard et Normand Hudon, ce petit livre engagé en faveur de la création du ministère est un collage de citations et d’illustrations. (À la fin du livre, on peut lire une entrevue de Gérin-Lajoie.)

On y trouve notamment un court texte attribué au hockeyeur Maurice Richard, dans lequel il dit regretter de ne pas avoir fréquenté suffisamment l’école, cela à côté d’une manchette de journal reprenant le même propos (Photo journal, 21-28 octobre 1964). Normand Hudon oblige, il y a aussi une caricature du Rocket (et sa signature).

Normand Hudon, dans Un bill 60 du tonnerre, 1964

Paul Gérin-Lajoie et Maurice Richard, même combat. Cela peut étonner.

 

Référence

Grandmont, Éloi de, Louis-Martin Tard et Normand Hudon, Un bill 60 du tonnerre, Montréal, Leméac, 1964, [128 p.] Ill.

Autopromotion 165

Revue Épistolaire, 40, 2014, couverture

En 1991, l’Oreille tendue collaborait pour la première fois à ce qui s’appelait alors le Bulletin de l’AIRE. Cette publication de l’Association interdisciplinaire de recherche sur l’épistolaire s’intitule désormais Épistolaire (ISSN : 0993-1929). Sa 40e livraison a paru à la fin de 2014. L’Oreille y collabore toujours, notamment par sa chronique «Le cabinet des curiosités épistolaires».

Table des matières

Haroche-Bouzinac, Geneviève, «Avant-propos», p. 5.

Obitz-Lumbroso, Bénédicte (édit.), «40 !», p. 7-23. Textes de Cécile Dauphin, Jean-Marc Hovasse, Yvan Leclerc, Mireille Bossis, Mireille Kerven-Gérard, Isabelle Landy, Antony McKenna et Benoît Melançon.

«Lire la correspondance de Diderot (I)»

Buffat, Marc, Geneviève Cammagre et Odile Richard-Pauchet, «Avant-propos [au dossier «Diderot en correspondance»]», p. 27-28.

«Le monde sensible»

Chamayou, Anne, «Regrets sur un vieux fauteuil : le discours du repos dans la correspondance complète de Diderot», p. 33-45.

Buffat, Marc, «Ville et campagne dans la correspondance de Diderot», p. 47-58.

Weltman-Aron, Brigitte, «Le rapport au temps dans la correspondance de Diderot», p. 59-67.

Fink, Béatrice, «“Quoi ? Ne plus manger et me taire ?” : démonter le comestible dans la correspondance de Diderot», p. 69-74.

Langbour, Nadège, «“L’histoire des maladies” dans la correspondance de Diderot : les enjeux de l’exhibition du corps souffrant», p. 75-83.

Cussac, Hélène, «Les lettres de Diderot à Sophie Volland à l’épreuve de la sympathie», p. 85-98.

«Esthétique et poétique»

Alvarez, Cécile, «“Seigneur Michel” dans les lettres à Falconet», p. 101-111.

Palus, Berenika, «“La palette du poète” selon Diderot épistolier», p. 113-121.

Haroche-Bouzinac, Geneviève, «Forme et fonction de l’anecdote dans la correspondance de Diderot, essai de typologie», p. 123-132.

Vucelj, Nermin, «L’esthétique dans la correspondance de Diderot», p. 133-142.

Charrier-Vozel, Marianne, «Diderot : lettres de conseil aux comédiennes Riccoboni et Jodin», p. 143-154.

Richard-Pauchet, Odile, «Diderot et les dames Volland lecteurs de Richardson : échanges de vues, vers une poétique (du roman) épistolaire», p. 155-167.

«L’épistolarité politique»

Bergamasco, Lucia, «Affectivité amicale, ou conjugale, un ressort pour l’épistolarité politique [avant-propos au dossier «Épistolaire politique : un laboratoire d’idées ?»]», p. 171.

Serme, Jean-Marc, «“I Shall Withold Nothing” : la correspondance politique et militaire d’Andrew Jackson et James Monroe, 1814-1819», p. 173-183.

Quanquin, Hélène, «William Garrison par ses enfants. Une correspondance familiale politique», p. 185-193.

Allorant, Pierre, «Une si belle ordonnance : l’épistolarité politique au sein d’une famille de médecins français de Bonaparte à Clémenceau», p. 195-206.

Badier, Walter, «La correspondance d’Alexandre Ribot en Amérique (1886-1887) : entre impressions de voyage et réflexions politiques», p. 207-216.

«Chroniques»

McKenna, Antony, «Étudier l’épistolaire : le cas de Pierre Bayle», p. 219-228.

Cousson, Agnès (édit.), «Bibliographie de l’épistolaire», p. 229-256. Contributions de Benoît Grévin, Luciana Furbetta, Clémence Revest, Mawy Bouchard, Andrzej Rabsztyn, Nathalie Gibert et Benoît Melançon.

Melançon, Benoît, «Le cabinet des curiosités épistolaires», p. 257-259. Sur le paradoxe de l’épistolarité contemporaine. [HTML] [PDF]

Charrier-Vozel, Marianne, «Vie de l’épistolaire», p. 261-268.

«Recherche»

«Comptes rendus», p. 271-317.

Écrire au pape et au Père Noël, 2011, couverture