Chantons le hockey avec Loco Locass

Loco Locass, «Le but», 2009, pochette

(Le hockey est partout dans la culture québécoise et canadienne. Les chansons sur ce sport ne manquent pas, plusieurs faisant usage de la langue de puck. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Loco Locass, «Le but», 2009

 

[Bruits de patin, de rondelle et de bâton sur la glace et sur la bande. Musique d’orgue]

Icitte au Québec y fait pas froid y fait frette
C’est d’même parce que c’est d’même
Pis c’est ben correct on d’la place en masse
Pis nos face-à-face on les fait sur la glace
Alors on lace nos patins pis nos casques
C’est comme Maurice on glisse
Dans l’arène avec la haine
De la défaite et le feu dans les yeux
En fait quand on veut on peut
Gagner
Gagner
Gagner
Gagner
En des temps si lointains qu’les francos s’app’laient Canadiens
À une époque où les pucks étaient faites de crottin
On a réuni des hommes dont le destin commun
Est comme un film sans fin
En technicolor et tricolore
Bleu comme le Saint-Laurent
Blanc comme l’hiver
Rouge comme le sang qui nous coule à travers
Le corps de l’équipe c’est le cœur de la nation
À chaque année faut clore avec une célébration
Y l’diront jamais tel quel aux nouvelles
Mais le tissu social de Montréal
C’est de la sainte flanelle
Quand y est question de hockey
Nous on fait pas dans la dentelle
Ok c’est plus qu’un sport
C’t’une métaphore de not’sort
C’est ça qui nous ressemble
C’est ça qui nous rassemble
Anglo franco peu importe ta couleur de peau
Si tu détestes Toronto le sang qui bouge dans tes artères
Est aussi rouge mon frère que les chandails de nos vingt cœurs
De vainqueurs qui luttent avec honneur
Les Canadiens pour une fois rallient tous les Québécois
Vingt cœurs de vainqueurs pour le pire et le meilleur
Les Canadiens d’Montréal
Notre équipe nationale

Un plan de match qu’on respecte à la lettre
Un gardien alerte
Des bonnes mises en échec
Des passes drette sur la palette
Pis des lancers précis et secs
C’est comme ça
Qu’on va gagner nos épaulettes
Mais quand ça va mal
Quand on cale ou on dévire
Qu’j’voye pas un sale quitter le pont du navire
C’pas à matin non qu’on accroche nos patins
Un Flying Frenchman
Franchement ça franchit sans flancher
Allez-y les Habitants quand vous la mettez d’dans
Y a un p’tit peu de nous autres là-d’dans
On est debout avec vous on ira jusqu’au bout
Durant la saison c’est toute la nation
Qui vibre au même diapason
Comme quand les gens criaient «Guy Guy Guy»
C’tait en dépit du combat constant de la vie
Ça leur donnait des forces
Y pouvaient bomber l’torse
Voilà l’amorce d’un ralliement réussi
On peut gagner
On veut plus que participer nous on veut gagner
À soir on fonce sur la patinoire pour gagner
Si on s’défonce pour la victoire on va gagner
On va gagner

[Bruits de foule]

Enfin on fait les séries
Finies les folies
Là c’est baston et rififi
Boston Philadelphie
Avec les fantômes du Forum
On n’a pas peur de personne
Chaque homme donne le maximum
Pour que cette année soit la bonne
Au printemps la fièvre est universelle
Pis y a juste une place où la glace y faut pas qu’à dégèle
Ici le sang c’est de la sève qui monte jusqu’à nos lèvres
Le cri se change en un chant de ralliement qui s’élève
Nos chevaliers sont en cavale pour ramener le Graal
À Montréal le tournoi est un chemin de croix
Parsemé d’émois mais la coupe on y croit
Comme autrefois on a la foi
Pis si c’est pas c’t’année
Ben comme dirait René «À la prochaine fois»
Québécois
On va gagner on veut plus que participer
Nous on veut gagner
À soir on fonce sur la patinoire
Pour gagner
Si on s’défonce pour la victoire on va gagner
On va gagner
Allez allez allez allez Montréal
Allez allez Montréal
Du sang neuf depuis 1909
Avec Jack Laviolette
Lach, Pitre et Pit Lépine
En passant par Newsy Lalonde et Joe Malone
Aurèle et Morenz, Hainsworth, Plante, Gump et le Concombre
Pocket Boum Rocket Boum, Cournoyer, Coco, Carbo, Casseau, Naslund
Oublie pas les anglos yo
Toe, Dickie, Doug et Scotty
Shutt, Larry, Ken et Bobby
L’arrêt de Roy, rebond
Butch Bouchard à Savard vers Béliveau
Qui esquive un joueur
Passe à Lafleur, Lafleur accélère, remet au Rocket Richard
Deux hommes sur le dos rien de trop gros

[Commentateur]
C’est le but !

On a gagné
On a gagné
Allez Montréal
On veut gagner
On peut gagner
On va gagner
Ho Habs go
Allez allez allez allez Montréal
Allez allez allez allez Montréal
Allez allez allez allez Montréal
On veut gagner
On peut gagner
On va gagner
Allez allez allez allez Montréal
Allez allez allez allez Montréal
Allez allez allez allez Montréal
Gagner
Gagner
Gagner

 

P.-S.—Pour Brendan Kelly, cette chanson est «un merveilleux hymne engagé» (p. 65). Il lui consacre un chapitre de son livre Le CH et son peuple, «Le CH et Le but» (2024, p. 149-155).

 

 

Références

Kelly, Brendan, le CH et son peuple. Une province, une équipe, une histoire commune, Montréal, Éditions de l’Homme, 2024, 211 p. Ill. Préface de Claude Legault.

Melançon, Benoît, «Chanter les Canadiens de Montréal», dans Jean-François Diana (édit.), Spectacles sportifs, dispositifs d’écriture, Nancy, Questions de communication, série «Actes», 19, 2013, p. 81-92. https://doi.org/1866/28751

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey. Édition revue et augmentée, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 159 p. Préface d’Olivier Niquet. Illustrations de Julien Del Busso. ISBN : 978-2-925079-71-2.

Melançon, Benoît, Langue de puck, édition revue et augmentée de 2024, couverture

Accouplements 265

Tweet de France Culture, 17 juillet 2019

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

D’un département d’histoire, de Montréal, sur Bluesky :

«Oui le sexe c’est bien. Mais es-tu déjà tombé-e sur une source soutenant très précisément ta démonstration ?»

D’un historien, de Toronto, sur Mastodon :

«Sure, sex is great, but have you ever tried editing a really great piece of someone else’s writing ?»

Dites, les historiens, tout va bien ?

Chantons le hockey avec Marc Déry

Marc Déry, Numéro 4, album, 2011, pochette

(Le hockey est partout dans la culture québécoise et canadienne. Les chansons sur ce sport ne manquent pas, plusieurs faisant usage de la langue de puck. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Marc Déry, «Numéro 4», album Numéro 4, 2011

 

On n’était peut-être pas les meilleurs
On n’était peut-être pas les plus gros
Mais dans la chambre y avait du cœur
Comme dans un repaire de superhéros
On n’avait pas de grande vedette
On n’était pas des surdoués
Mais une affaire est claire et nette
Avec toé la coupe on l’a gagnée
Ton chandail numéro 4
Celui qu’tu portais quand j’étais p’tit
C’est moé qui l’a su’l dos à soir
Pis j’m’ennuie d’jouer au hockey avec toé
Ho ho ho ho ho ho
Papapa papapa
Ho ho hockey

C’est assez clair dans ma mémoire
Ton vieux hockey Victoriaville
Juste moé pis toé su’a patinoire
J’essayais d’imiter ton style
Et puis les soirs après l’souper
Quand on descendait dans l’sous-sol
Tu m’enseignais tous les secrets
Du slap shot de Bobby Hull
Ton chandail numéro 4
Celui qu’tu portais quand j’étais p’tit
C’est moé qui l’a su’l dos à soir
Pis j’m’ennuie d’jouer au hockey avec toé
Ho ho ho ho ho ho
Papapa papapa
Ho ho hockey

Tu portais le numéro 4
En l’honneur de Jean Béliveau
Comme sur la photo sur la carte
Avec la coupe soul’vée bien haut
Ton chandail numéro 4
Celui qu’tu portais quand j’étais p’tit
C’est moé qui l’a su’l dos à soir
Pis j’m’ennuie de jouer au hockey avec toé
Ton chandail numéro 4
Celui qu’tu portais quand j’étais p’tit
C’est moé qui l’a su’l dos à soir
Pis j’m’ennuie de jouer au hockey avec toé
Ton chandail numéro 4
Celui qu’tu portais quand j’étais p’tit
C’est moé qui l’a su’l dos à soir
Pis j’m’ennuie de jouer au hockey avec toé
Ton chandail numéro 4
Celui qu’tu portais quand j’étais p’tit
C’est moé qui l’a su’l dos à soir
Pis j’m’ennuie de jouer au hockey
Ho ho hockey

 

 

Références

Melançon, Benoît, «Chanter les Canadiens de Montréal», dans Jean-François Diana (édit.), Spectacles sportifs, dispositifs d’écriture, Nancy, Questions de communication, série «Actes», 19, 2013, p. 81-92. https://doi.org/1866/28751

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey. Édition revue et augmentée, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 159 p. Préface d’Olivier Niquet. Illustrations de Julien Del Busso. ISBN : 978-2-925079-71-2.

Melançon, Benoît, Langue de puck, édition revue et augmentée de 2024, couverture

Le latin de Cleo Birdwell

Cleo Birdwell, Amazons, 1980, couverture

«I don’t know who wrote it.
Who writes these things ?
Does anybody know ?
»

En 1980 paraît à New York Amazons. An Intimate Memoir by the First Woman Ever to Play in the National Hockey League. Ces Mémoires (majuscule, masculin, merci) fictifs sont signés Cleo Birdwell, mais leurs auteurs sont en fait Don DeLillo et Sue Buck. (DeLillo a mis du temps à reconnaître sa copaternité; voir, par exemple, l’entretien donné à David Marchese pour le New York Times en 2020.)

Ceux qui s’attendraient à des propos sportifs soutenus seront déçu : «La première femme à jamais jouer dans la Ligue nationale de hockey», à sa première saison, à 23 ans, score beaucoup plus souvent sexuellement que sur la glace, d’où le «Intimate» du sous-titre.

Le roman est très souvent désopilant. La satire du charlatanisme médical réjouit. L’Oreille tendue ne connaissait pas les vertus anti-érectiles du mot «Watergate». Quand son père explique à la jeune Cleo le sens des expressions vulgaires qu’elle va sûrement entendre dans les vestiaires et sur la glace, on se croirait chez François Blais. Les relations tentaculaire de la mafia et de la motoneige sont inattendues. Certain duel, pas seulement à l’épée, dans l’église en ruine d’une plantation du vieux Sud vaut le détour. Quand son équipe change de main et passe sous le contrôle de mystérieux «men in the Gulf», Cleo donne un nouveau sens à l’expression «tir voilé». L’ailière des Rangers de New York est un aimant à confession : tout un chacun se confie à elle; c’est le cas de son entraîneur, Jean-Paul Larousse (!), qui insiste pour lui parler en français, langue qu’elle ne maîtrise pourtant pas. Cela se termine souvent au lit, ce qui ne fait que rarement taire la hockeyeuse : écouter ne l’empêche jamais de parler. Bémol : la fin du roman est complètement bâclée.

Ce qui nous amène au latin. La mère de Cleo enseignait cette langue dans la ville où elle a élevé sa famille, Banger (Ohio). Sa fille a bien suivi ses enseignements : «“That’s my penis.” / “I know what it is. It’s from the Latin”» (p. 27); «“Does it have a Latin name ?” […] “Frenulum,” I said. “And that technique isn’t for impotence, it’s for premature ejaculation”» (p. 65); «Sanders licked me everywhere, nuzzled my labia, from the Latin […]» (p. 72); «I guess he felt that an intake of air would give his silhouette a touch of extra sveltness, from the Latin» (284).

Cleo Birdwell a plus d’une langue dans son sac.

P.-S.—En papier, Amazons est rare comme de la marde de pape, et donc cher : Don DeLillo en a toujours refusé la réédition. Heureusement, il est disponible gratuitement en ligne grâce aux bienfaiteurs de l’humanité d’Internet Archive.

 

Références

DeLillo, Don et Sue Buck, Amazons. An Intimate Memoir by the First Woman Ever to Play in the National Hockey League, New York, Holt, Rinehart and Winston, 1980, 390 p. Sous le pseudonyme de Cleo Birdwell. https://archive.org/details/amazonsintimatem00deli/page/n5/mode/2up

Marchise, David, «We All Live in Don DeLillo’s World. He’s Confused by It Too», The New York Times, 11 octobre 2020.

Chantons le hockey avec Émile Bilodeau

Émile Bilodeau, «Hockey», 2017, pochette

(Le hockey est partout dans la culture québécoise et canadienne. Les chansons sur ce sport ne manquent pas, plusieurs faisant usage de la langue de puck. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Émile Bilodeau, «Hockey», 2017

 

Hey ! Man
A va être longue, la fin d’semaine, mais voir, voir
Qu’on s’est faite écraser d’même un vendredi soir
Ouais on a perdu 8 à 2 contre une équipe de glands, une équipe de bas de classement
Pis pour vrai c’qui est choquant c’est que j’ai faite ma job pourtant
J’ai travaillé fort dins coin pis j’ai faite mon échec-avant
T’sais quand j’dis que j’ai faite mon échec-avant
Ça l’excuse pas le faite que c’pas moi qui a le plus de talent
Dans l’équipe, c’est moi qui travaille le plus fort, 3e, 4e trio, j’t’habitué
Mais j’joue pas souvent pendant les power plays

Mais mon coach m’aime ben, y m’fait jouer en désavantage numérique
Pis pour vrai moi j’trouve ça fantastique
Parce que quand j’bloque des shots, les belles filles dins estrades trouvent ça hot
Pour me faire accroire, moi j’m’en vas les voir pis j’leur dis
«Ouais, c’est moi le 83, le gars qui a bloqué des pucks pis qui a mis 2 gars sul cul»
Font : «Ouais, ouais c’tait hot, mais nous autres on aimerait ça parler au gars d’ton équipe qui a scoré les 2 buts»
Pis j’me dis que c’est ça l’histoire de ma vie
Pis qu’c’est ça le hockey pis malgré toute estie que ça m’fait tripper
Pis pour faire honneur à mon sport tout le monde sait que je joue à ça quand j’leur dis
«OK je m’en vas jouer dehors»
Pis t’sais dans vie j’suis ben ben paresseux pis j’ai vraiment beaucoup de misère à bien m’concentrer j’me dis que si j’avais des patins dins pieds au quotidien p’têt qu’à l’école j’pourrais mieux travailler
Hey !

Mais hey ! man
J’sais pas si t’as r’marqué, mais à soir j’ai patiné comme une graine
Mais voir, voir que toute la semaine, j’ai joué dehors à patinoire
Ouais c’est clair ça l’embellit mes matins
Mais c’est sûrement ça qui a scrapé mes patins
Pis j’me dis c’t’un bien pour un mal
Parce que pour un gars comme moi t’sais j’me dis que c’est normal
Parce que y a rien de mieux que ça
Que d’faire un beau jeu d’passes avec des monsieurs qu’on connaît pas
Pis pour vrai à patinoire des fois j’t’un peu ému
Quand j’vois un p’tit gars de 7 ans monter la puck jusqu’au but
Pis quand j’vois tous les beaux monsieurs s’tasser
Avec la simple idée de laisser le p’tit gars scorer
Moi quand j’vois ça j’me dis qu’on garde espoir parce que tôt ou tard
Comme le p’tit gars on aura toute notre moment de gloire
Comme moé qui chante des chansons depuis p’têt deux ans

Mais hey ! man
J’sais pas si toé ça va t’faire ben de la peine
Mais j’ai r’gardé pis j’ai r’checké pis ça d’l’air que l’hiver veut s’en aller
Oh non ça c’est le boutte triste de ma toune
Mais là toi j’te connais tu vas m’dire ouais, mais au pire
C’t’été on jouera au hockey dans rue
Mais là ça ça l’insinue que mon p’tit frère va aller gardien de but
Pis là y va faire ses déplacements style papillon
Pis là y va toute scraper ses beaux pantalons
On va être obligés de sortir la balle orange qui fait mal
Pis là au final mon frère va brailler pis c’est normal
Parce que cette balle-là a pince en simonac
Quand tu fais une feinte a reste tout le temps poignée sur l’asphalte
J’me dis «Osti mon pays ce n’est pas mon pays, mon pays c’est l’hiver
Pis c’est plate pis j’le dis, mais je m’ennuie déjà un peu des patinoires d’hier»

 

 

Références

Melançon, Benoît, «Chanter les Canadiens de Montréal», dans Jean-François Diana (édit.), Spectacles sportifs, dispositifs d’écriture, Nancy, Questions de communication, série «Actes», 19, 2013, p. 81-92. https://doi.org/1866/28751

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey. Édition revue et augmentée, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 159 p. Préface d’Olivier Niquet. Illustrations de Julien Del Busso. ISBN : 978-2-925079-71-2.

Melançon, Benoît, Langue de puck, édition revue et augmentée de 2024, couverture