Une petite laine policière ?

Portrait de Michael Jackson sur la neige

Durant les années 1980, l’Oreille tendue a lu quelques ouvrages de Michel Lebrun consacrés au roman policier, par exemple dans sa série l’Année du polar. Lebrun était aussi du comité de rédaction de la revue Polar. On le surnommait parfois «le pape du roman policier», voire «le grand pape du polar». (Question, au passage : est-il de petits papes ?)

Michel Lebrun était un des pseudonymes de Michel Cade (1930-1996). Selon la Bibliothèque nationale de France, il a aussi signé des œuvres — romans d’espionnage, policiers, érotiques — sous les noms de Pierre Anduze, Lou Blanc, Oliver King, Laurence Nelson, Michel Lenoir et Michel Lecler. Il était encore traducteur.

Ce fan de roman noir s’est un jour demandé comment traduire le mot anglais thriller. Sa suggestion ? Frileur, car ce genre doit faire frissonner.

Joli.

P.-S.—Le mot thriller est «déconseillé» par l’Office québécois de la langue française. Le Petit Robert le considère comme un anglicisme : «Film (policier, fantastique), roman, récit qui provoque des sensations fortes.»

P.-P.-S.—L’Oreille est volontiers lectrice de polar; voir ici.

Les zeugmes du dimanche matin et de Serge Bouchard

Bernard Arcand et Serge Bouchard, Du pâté chinois, du baseball, et autres lieux communs, 1995, couverture

«Je me souviens d’un porte-avions américain baptisé L’Entreprise. Imaginez : entrer dans tous les salons de la Terre en déclarant tout simplement : “Je suis le commandant de L’Entreprise.” Cela vous refait une image, à vous qui n’êtes qu’une image. Virer de bord dans l’Atlantique demande de la circonspection, des analyses et des millions, sans parler des contextes et des autorisations» (p. 134).

«Mais c’est un rêve, un pauvre rêve. La vie sur les rafiots sera toujours la vie sur les rafiots. Elle est vraie, peut-être, mais elle est difficile, très précaire et parfois même insupportable. Drake, Cook et La Pérouse, sont tous morts assez jeunes, dans la misère et dans l’eau froide» (p. 135).

Serge Bouchard, dans Bernard Arcand et Serge Bouchard, «Le commandant», dans Du pâté chinois, du baseball, et autres lieux communs, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1995, 226 p., p. 131-146.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Benjamin Hoffmann

Benjamin Hoffmann, l’Île de la Sentinelle, 2022, couverture

«Je tombe sur un chemin. Une piste étroite qui serpente dans la jungle, avec, ici et là, des empreintes de pas encore fraîches. Je me souviens de Portman et Pandit qui parlaient de ces lignes de communication dans la forêt, reliant les villages à la côte et les villages entre eux. J’hésite à prendre ce sentier. Parmi les arbres je suis moins visible — mais plus bruyant et moins rapide aussi. Il me reste une heure et demie. J’hésite quand j’entends, si confuse qu’elle retentit peut-être dans mon imagination troublée, une sorte de clameur, lointaine. Immobile, je tends l’oreille et oui, depuis la côte les échos de voix puissantes me parviennent.»

Benjamin Hoffmann, l’Île de la Sentinelle. Roman, Paris, Gallimard, coll. «Blanche», 2022, 376 p., p. 327.

Faiblesse de la feuille

Oreille étrusque

Soit les deux phrases suivantes :

«Il aurait fallu être dur de comprenure pour pas se mettre à prospecter l’immobilier des cantons alentour» (la Bête creuse, p. 14).

«Je suis peut-être un peu dur de comprenure, c’est l’âge, tu comprends ?» (Amqui)

Dans le français populaire du Québec, qui est dur de compenure ne semble pas voir ce qui devait être une évidence.

«Peu enclin à comprendre, difficile à raisonner», écrit Pierre DesRuisseaux (p. 95).

Certaines oreilles auraient intérêt à se tendre plus que d’autres.

 

Références

Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.

Forbes, Éric, Amqui, Montréal, Héliotrope, coll. «Noir», 2017, 289 p. Édition numérique.