Exporter le hockey

Sport-digest. Revue du sport dans le monde, 28, mars 1951, couverture

 

En 1951, le magazine parisien Sport-digest. Revue du sport dans le monde («Les meilleurs articles et les mieux documentés») présente le hockey nord-américain à ses lecteurs.

L’article a été confié à un journaliste québécois, Maurice Desjardins, «Directeur de “Sport Illustré”». Il est destiné à un public de néophytes, et dès son titre : selon David Adams Richards (1996), qui dit «hockey sur glace» («hockey on ice»), au lieu de simplement «hockey», s’adresse nécessairement à quelqu’un qui n’est pas canadien.

De son «observatoire enneigé» (p. 13), Desjardins parle à ses «vieux camarades parisiens» (p. 9). Il leur décrit un match du samedi soir, à Montréal, dans «notre Forum» (p. 9) :

Il s’agissait d’un match de hockey de la Ligue Nationale (National Hockey League) la plus forte au monde. Quitte à surprendre et chagriner les lecteurs français de «Sport-Digest», je vais essayer d’établir dans cet article les énormes différences de calibre qui existent entre les différentes ligues de hockey sur glace au Canada, aux États-Unis et en Europe ! (p. 9)

Il classe les joueurs et les ligues, non sans cocasserie. Les Red Wings de Détroit gardent leur nom anglais, mais les Maple Leafs de Toronto deviennent les Feuilles d’érable (p. 10), nom qui n’est jamais utilisé par les amateurs et les commentateurs. L’économie du hockey et ses «mercantis» (p. 12) sont évoqués (longuement), de même que la violence du sport (brièvement).

Qui est le joueur le plus souvent nommé ? On ne s’étonnera pas que ce soit Maurice «Rocket» Richard, l’ailier droit des Canadiens de Montréal et la figure par excellence du hockey au Canada.

La couverture du numéro 28 de Sport-digest a été confiée au célèbre René Pellos. C’est également lui qui illustre les articles «Pourquoi ne peut-on pas tuer les arbitres ?» de Manuel de Laborderie (p. 44-48) et «Les jeux de nos aïeux» (p. 115-119). (Le «jeu de crosses», en Normandie, aurait eu de «nombreuses analogies» avec le hockey [p. 117].)

Le même numéro contient un article de Michel Lejard, «Hockey patinoires glaces en tous genres», qui propose «une véritable histoire de la glace» (p. 41).

Le contexte de tout cela ? Le Championnat du monde de hockey sur glace (Paris, Palais des sports, mars 1951).

P.-S. — En 1973, Maurice Desjardins publiera l’ouvrage les Surhommes du sport. Il y consacre un chapitre aux «Débuts de Maurice Richard» (p. 139-147).

Maurice Desjardins, «Les Canadiens maîtres du hockey sur glace», Sport-digest. Revue du sport dans le monde, 28, mars 1951, p. 9

 

Références

Desjardins, Maurice, «Les Canadiens maîtres du hockey sur glace», Sport-digest. Revue du sport dans le monde, 28, mars 1951, p. 9-13.

Desjardins, Maurice, les Surhommes du sport. Champions et légendes, Montréal, Éditions de l’Homme, coll. «Sport», 1973, 200 p. Ill. Préface de Jacques Beauchamp.

Lejard, Michel, «Hockey patinoires glaces en tous genres», Sport-digest. Revue du sport dans le monde, 28, mars 1951, p. 41-43.

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

Richards, David Adams, Hockey Dreams. Memories of a Man who Couldn’t Play, Toronto, Doubleday Canada, 1996, 238 p.

Les Yeux de Maurice Richard, édition de 2012, couverture

Une affaire d’oreille(s)

Jacques Stoll, Haut mot faux nids, 2015, couverture

«Jacques Stoll est une espèce de Déparleur des bords du Rhin. À son actif : poésies, bandes dessinées, satires, autofictions, épopées, critiques d’art» (p. 4). Et l’ouvrage Haut mot faux nids, paru par souscription en 2015 aux Éditions Éditions.

Le titre le dit et la couverture le redit : il sera ici question d’homophonie («Identité des sons représentés par des signes différents», selon le Petit Robert, édition numérique de 2014).

Haut mot faux nids est découpé en trois parties.

«Clarté de la langue française. Homophonie des syllabes ultimes» (p. 9-39) contient des listes de mots qui s’écrivent de deux façons, mais pour un son unique. L’homophonie y est confondue avec la rime.

Le «1er appendice. Onomatopées monosyllabiques» (p. 41-57) est fait de blocs d’homonymies répétées.

Dans «2e appendice. Homophonies aléatoires» (p. 59-68), l’auteur multiplie les jeux de mots : «Aimer / ses airs» (Aimé Césaire, p. 61); «Les thés meurent triés» (l’Été meurtrier, p. 62); etc. Certains échappent à l’oreille de l’Oreille tendue : «L’ère-comme / l’os-ment» (p. 66).

L’homophonie est affaire sonore, et donc affaire de prononciation. Or la québécoise n’est pas l’hexagonale, ce qui fixe certaines associations à un lieu.

Pour Jacques Stoll, comme pour le Petit Robert, taon est un homonyme de tant (p. 14, p. 28, p. 38, p. 66); pour l’Oreille, ton serait plus usuel.

Pet et épais (p. 14) ? Pet et suspect (p. 25) ? Au Québec, on prononce habituellement le t final, ainsi que dans rot (p. 24).

La distinction quête / raquette est encore audible au Québec, pas dans Haut mot faux nids (p. 29).

Voilà des divergences transatlantiques.

P.-S. — Vous voulez entendre le livre ? C’est par ici.

 

Référence

Stoll, Jacques, Haut mot faux nids, Paris, Éditions Éditions, 2015, 68 p.

Rabouter, post-Shelley

Classic Comics, 26, «Frankenstein», couverture

Serial est une passionnante entreprise radiophonique.

Durant la première saison, Sarah Koenig se penchait sur le meurtre de Hae Min Lee et la condamnation d’Adnan Masud Syed. Était-il vraiment coupable de ce meurtre ?

La deuxième saison, qui est en cours de diffusion, essaie de comprendre pourquoi un soldat américain, Bowe Bergdahl, a quitté son poste en Afghanistan, avant de tomber aux mains des talibans.

Koenig raconte, dans le cinquième épisode de cette deuxième série, «5 O’Clock Shadow», une des missions auxquelles Bergdhal a participées. Arrive un moment où les véhicules qu’on y utilise sont tellement endommagés que les soldats doivent essayer de prendre des pièces de plusieurs pour en faire fonctionner un seul. Description de Koenig : «You could frankenstein them back together if you had the right parts

To frankenstein : rabouter, en quelque monstrueuse sorte.

Le verbe n’est pas neuf. L’Oreille tendue le découvre et s’en réjouit.

Qu’en aurait pensé Mary Shelley, la créatrice de Frankenstein ?

 

Illustration : Classic Comics, 26, image déposée sur Wikimedia Commons