Citation pleine de bon sens du mardi soir

Christian Baudelot et Roger Establet, Le niveau monte, 1989, couverture

«Il faut supposer un réel acharnement contre la jeunesse pour soutenir avec cet aplomb intemporel que l’amélioration patente de toutes les sciences et de toutes les techniques ait été produite par des hommes et des femmes toujours plus débiles que leurs aînés ! Entre les éclats de silex, le génie de l’homme se montrait à son apogée; dans l’informatique, la relativité générale, la musicologie baroque ou l’aéronautique ne s’expriment que des sous-hommes avilis par la baisse multiséculaire du niveau. […] L’idée a, en effet, de quoi surprendre dans une société où le progrès constitue l’une des dimensions de la vie quotidienne : les voitures, toujours plus rapides et confortables, le TGV, les avions supersoniques, l’espérance de vie, l’équipement ménager, la circulation de l’information et des images, la puissance destructrice des armements… Dans cet univers en expansion permanente, seule l’intelligence des hommes serait inexorablement entraînée sur une pente descendante. À se demander si ce sont bien les élèves de plus en plus nuls au fil des générations qui ont engendré toutes ces merveilles techniques en continuel progrès.»

Christian Baudelot et Roger Establet, Le niveau monte. Réfutation d’une vieille idée concernant la prétendue décadence de nos écoles, Paris, Seuil, coll. «L’épreuve des faits», 1989, 197 p., p. 13-14.

Un avion en papier

Roger Angell, portrait, 2015

Roger Angell est né en 1920. Il a publié son premier texte dans The New Yorker en 1944. Il y collabore toujours, à 95 ans, notamment au blogue du magazine. Pourquoi le blogue ? Il s’en explique à David Remnick dans la septième livraison de la baladodiffusion The New Yorker Radio Hour (à partir de la 31e minute).

It’s sort of like making a paper airplane. […] I used to love to make paper airplanes. I made great paper airplanes. You throw it out the window, and it takes, it goes a little ways, or it turns and curves beautifully, and it goes out of sight, and it’s forgotten forever. And that’s like a blog.

Certains disent que toute publication est une bouteille à la mer, pas Angell, qui préfère le vol imprévisible de l’avion en papier et sa disparition (son oubli).

P.-S. — On s’en souviendra : Angell est aussi l’inventeur d’un célèbre palindrome sportif.

Les deux solitudes

Depuis quelques semaines, le Canada a un nouveau premier ministre, Justin Trudeau. Hier, il prononçait son discours du Trône inaugural.

Interrogé par des journalistes anglophones, Jean Chrétien avait ceci à dire à son sujet : «I don’t want to be the mother-in-law» (phrase citée par @HannahThibedeau).

Les francophones n’avaient aucun mal à comprendre l’allusion : l’ancien premier ministre ne voulait pas se comporter comme une belle-mèremother-in-law») envers le nouveau, commenter ses faits et gestes, lui donner des conseils (non sollicités), se mêler de ses affaires. (On a vu cette expression ici et .)

En revanche, certains anglophones semblent s’interroger :

Plutôt que la famille, l’automobile («backseat driver») : à chacun ses métaphores.