Éloge du simple

Hier, en première page du Devoir : Gabriel Nadeau-Dubois «effectue une mineure en philosophie» à l’Université de Montréal. Effectuer une mineure ? Pourquoi pas, tout simplement, faire une mineure ? Ou s’est inscrit à une mineure ? Effectuer est de ces verbes qui révèlent ceux que l’on n’a pas voulu utiliser même s’ils font parfaitement l’affaire.

L’Oreille tendue ayant diffusé cette citation du Devoir sur Twitter, sa collègue @LucieBourassa a réagi en rapportant cet emploi d’effectuer à d’autres choix de nature semblable : problématique mis incorrectement pour problème, quitter pour partir, débuter pour commencer.

Dans ses «Dix commandements» (de rédaction et de présentation des devoirs universitaires), l’Oreille prône pour sa part un retour, quand cela s’applique, aux verbes être et avoir, mais ses élèves ont été formés à courir le synonyme (ou ce qui semble en tenir lieu) de ces verbes.

La langue médiatique et la langue scolaire se méfient de la simplicité. La langue publicitaire n’est pas en reste, qui est friande de préciosités lexicales. Un seul exemple : «Espaces de vie inédits sur le canal», proclame tel site, pour vendre ses condos près du Canal de Lachine (merci à @PimpetteDunoyer).

L’Oreille ne se leurre pas : effectuer le passage de la complication inutile à la simplicité bienvenue risque d’être bien difficile.

Tombeau d’Ella (9) : rire

Get Happy (1959)

[Ce texte s’inscrit dans la série Tombeau d’Ella. On en trouvera la table des matières ici.]

Ce que chante Ella Fitzgerald n’est pas toujours gai. «My Man» (1941) ou «Bewitched» (1956), pour ne prendre que ces deux titres, racontent des histoires de déchéance, de désespoir, de détresse.

Le récit de sa vie (adolescence difficile, solitude amoureuse et familiale, maladie, etc.) n’est pas non plus exactement réjouissant.

Pourtant, il y a chez l’interprète de «Polka Dots and Moonbeams» (1974), celle qui habite un «cottage built of lilacs and laughter», une formidable joie — de chanter, d’être devant un public, d’être en dialogue avec lui.

Cela est évident dans les chansons volontairement humoristiques, «Stone Cold Dead in the Market» (1945) ou «They All Laughed» (1957, avec ou sans Louis Armstrong).

C’est plus clair encore quand, au détour d’une chanson, en concert, la chanteuse se met à rire. Le rire contagieux dont parle Geoffrey Mark Fidelman — cet «infectious giggle» (p. 117) —, on l’entend au début de «Oh, Lady Be Good» (1957) et à la fin de «Cutie Pants» (1964), et jusque dans les chansons où les paroles se refusent à l’interprète («Mack the Knife», 1960). Un sommet ? «Basella» (1979), avec Count Basie.

Une santé, pour le dire banalement. Une des facettes de sa grandeur.

 

Référence

Fidelman, Geoffrey Mark, First Lady of Song. Ella Fitzgerald. For the Record, New York, A Citadel Press Book, Carol Publishing Group, 1996, xx/379 p. Ill. Édition originale : 1994.

[Les dates entre parenthèses devraient être celles des enregistrements. Elles ne sont pas toujours fiables.]

Des titres à éviter

Il est souvent difficile de trouver le titre juste, dans un blogue comme ailleurs. Dans les journaux quotidiens, c’est pire : il faut faire vite. Cela n’empêche pas que certains titres devraient être interdits.

Exemples

«Les Québécois souhaitent une industrie minière en santé qui ne mine pas leur environnement» (le Devoir, 11 février 2011, p. A7).

Au sujet d’un spa en pleine nature : «Le spa santé coule de source» (le Devoir, 8-9 décembre 2012, p. D4).

À propos de l’Histoire de la cuisine et de la gastronomie françaises de Patrick Rambourg (Paris, Perrin, 2010) : «Un ouvrage fascinant qui se laisser dévorer…» (le Devoir, 15-16 janvier 2011, p. F6).

«Appeler un disque “Clair et net” devrait être interdit… SURTOUT si t’es clarinettiste. #MauditsJeuxDeMots #OnEstBonsLaDedansLesQuebecois» (@melissamaya).

«Autobus Lion se met en chasse» (la Presse, 19 février 2013, cahier Affaires, p. 7).

«SkyVenture : pour qui rêve de s’envoyer en l’air !» (le Devoir, 23-24 février 2013, p. H5).

«La mine basse. Les sociétés minières ont un besoin criant de financement, selon un rapport» (la Presse, 1er mars 2013, p. A1).

«Programme de procréation assistée. Fertile en coûts» (le Devoir, 1er mars 2013, p. A8).

«Planification funéraire : n’ayez crainte, vous n’en mourrez pas !» (la Presse, 1er mars 2013, publicité).

«L’Océanic prend l’eau» (rds.ca, 1er mars 2013).

«La ville de l’auto en panne sèche !» (le Devoir, 2-3 mars 2013, p. C5).

«Ski acrobatique. Le Canada survole les Mondiaux» (la Presse, 11 mars 2013, cahier Sports, p. 1).

Sur la mort de Paul Rose : «En désespoir de Rose» (le Devoir, 15 mars 2013).

Arrêtons ici : la liste serait infinie.