Le courant continue à (ne pas) passer

Daniel Sylvestre, le Compteur intelligent, 2013, couverture

Le mot n’est pas nouveau.

Il est chez Jean-François Vilar en 1988, dans Djemila : des personnages «disjonctent».

Le Petit Robert (édition numérique de 2010) date de 1981 le sens que Vilar donne au verbe : «Perdre le contact avec la réalité.»

On le trouve aussi, en 2013, chez Daniel Sylvestre, dans le Compteur intelligent :

Ruby est une disjonctée sympathique du voisinage, mais je la trouve à son top, aujourd’hui (p. 42).

Son mari Manuel disjoncte, il refuse la moindre parcelle d’alu (p. 66).

Dans cette «chronique psychotronique» (dixit l’éditeur) où il est sans cesse question d’électricité, ce ne devrait pas être une surprise.

P.-S. — On rattachera sans peine disjoncter à l’hydrovocabulaire cher aux Québécois.

 

Références

Sylvestre, Daniel, le Compteur intelligent. Carnets libres, volume II, Montréal, La mèche, coll. «Les doigts ont soif», 2013, 92 p. Ill.

Vilar, Jean-François, Djemila. Roman, Paris, Calmann-Lévy, 1988, 166 p.

Le chemin le plus court vers la correction linguistique en français

La langue française vous donne du mal ? Vous ne connaissez pas le genre de «nutrition» ? Vous hésitez, en matière de formation, entre «cour» et «cours» ? Cela donnera l’affichette suivante.

Nutrition, publicité, 2013

Vous vous rendez compte que quelque chose cloche. Vous voulez régler l’affaire une bonne fois pour toutes ? La solution est simple.

Nutrition, publicité, 2013

Certains, devant la même publicité, seront peu sensibles aux questions de langue et de (non-)bilinguisme.

Nutrition, publicité, 2013

P.-S. — Les habitués de trottoirsdemontreal.tumblr.com reconnaîtront la première photo. La deuxième et la troisième sont plus récentes. Elles ont été prises dans le même quartier, quelques mois plus tard.

Rajeunir (en quelque sorte) à Québec

Colloque, notes, Québec, 12 avril 2013

Peut-être est-ce dû à son grand âge : l’Oreille tendue prend de moins en moins d’intérêt aux colloques universitaires, elle qui les a beaucoup fréquentés à une époque.

Elle s’est amusée, il y a quelques années, à croquer des «Scènes de la vie de colloque» (PDF). Elle ne cherche plus aujourd’hui à se donner l’occasion d’en ajouter de nouvelles.

Cela ne revient pas à dire qu’elle a cessé de discuter avec ses collègues. Ce qui a changé, ce sont les formes de cette discussion. L’Oreille utilise beaucoup le numérique à cette fin. Elle vient aussi de découvrir une nouvelle forme d’échange scientifique.

Le 12 avril, elle avait été invitée — merci René Audet et Milad Doueihi — à intervenir dans le cadre de «Transmettre ou expérimenter ? Journée d’atelier sur l’enseignement de la culture numérique». (Renseignements ici.)

Dès le titre, il était clair qu’il ne s’agissait pas d’un colloque. Le programme était volontairement imprécis : il y aurait deux «tables rondes», des «discussions en sous-groupes» et des «plénières», sur (au moins) «deux sujets possibles». La constitution des «sous-groupes» devait changer au fil de la journée, histoire que les participants, venus de disciplines diverses, se mêlent les uns aux autres. Le matériel nécessaire ? Un écran, un calepin de notes collaboratif en ligne (voir ici), des nappes en papier et des crayons feutres (voir la photo ci-dessus), des post-its (qui n’ont pas servi), Twitter (les tweets échangés ce jour-là ont été rassemblés depuis dans un fichier Word), des rallonges (il y avait beaucoup d’ordinateurs et de tablettes à alimenter).

L’objectif des organisateurs était simple : la «mise en commun d’idées, d’expériences et de références». En ce qui concerne l’Oreille, cet objectif a été parfaitement atteint.

Comment désigner cela ? On parle, en français, de BarCamp ou de non-conférence; en anglais, d’unconference ou de THATCampThe Humanities And Technology Camp»).

Peu importe le terme retenu : la formule marche.

P.-S. — Samuel Goyet, dans son compte rendu de la journée, partage la satisfaction de l’Oreille

 

[Complément du 4 mai 2015]

Pourquoi se désintéresser des formes traditionnelles du colloque en sciences humaines ? Christy Wampole résume parfaitement ce que pense l’Oreille dans «The Conference Manifesto».

 

Référence

Melançon, Benoît, «Scènes de la vie de colloque (extraits)», le Pied (journal de l’Association des étudiants du Département des littérature de langue française de l’Université de Montréal), 4, 29 février 2008, p. 12-13. Repris dans la Vie et l’œuvre du professeur P. Sotie, Montréal, À l’enseigne de l’Oreille tendue, 2022, p. 43-48. https://doi.org/1866/13167

Les zeugmes du dimanche matin, des Papous et des illusions

Des papous dans la tête

Aux Papous dans la tête, sur France Culture, on aime les zeugmes (exemples du 22 janvier 2012, du 15 avril 2012, du 10 juin 2012, du 25 novembre 2012, du 16 décembre 2012 et du 31 mars 2013).

Deux occurrences récentes, l’une parlée, l’autre chantée.

Durant l’émission du 31 mars 2013, Pascal Fioretto parle de la «perte de ses clefs et de ses illusions».

Dans celle du 7 avril, Guy Ciancia chante «En voiture Arthur» de François Caradec :

C’est dans un trou à Charleville
Qu’il a perdu ses illusions
Ses tifs, ses yeux, ses agobilles
On peut dire qu’il a pas eu d’fion

N.B. Qui est ce «il» ? Rimbaud, bien sûr.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Double découverte thanatolexicale

Arnaldur Indridason, Étranges rivages, 2013, couverture

«Il existait un terme médical pour qualifier cette peur d’être enterré vivant : on parlait de taphéphobie. Le retour à un état de conscience après avoir été déclaré mort s’appelait Syndrome de Lazare.»

Arnaldur Indridason, Étranges rivages, Paris, Métailié, coll. «Métailié noir. Bibliothèque nordique», 2013, 298 p., p. 217. Traduction d’Éric Boury. Édition originale : 2010.