Accouplements 95

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Entre les deux, le cœur de l’Oreille tendue balance.

Nikolaus Harnoncourt : «Je suis un pessimiste qui espère !» (Diapason, 10 juin 2013)

Michel Serres : «J’admets volontiers éprouver une méfiance instinctive à l’égard des pessimistes. Je sais bien que le catastrophisme est vendeur, mais, voyez-vous, j’ai des enfants, des petits-enfants et des étudiants. Cela explique sans doute que je pratique un optimisme de combat» (le Point, 14 juin 2012).

 

[Complément du jour]

On attribue la phrase suivante à Gramsci : «Il faut allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté.» Et de trois.

Accouplements 94

Kory Stamper, Word by Word, 2017, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Stamper, Kory, Word by Word. The Secret Life of Dictionaries, New York, Pantheon, 2017, xiii/296 p.

«The more I learned, the more I fell in love with this wild, vibrant whore of a language», l’anglais (p. 9).

Belleau, André, «Langue et nationalisme», Liberté, 146 (25, 2), avril 1983, p. 2-9; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Y a-t-il un intellectuel dans la salle ? Essais, Montréal, Primeur, coll. «L’échiquier», 1984, p. 88-92; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1986, p. 115-123; repris, sous le titre «Langue et nationalisme», dans Francis Gingras (édit.), Miroir du français. Éléments pour une histoire culturelle de la langue française, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Espace littéraire», 2014 (troisième édition), p. 425-429; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 286, 2016, p. 113-121. https://id.erudit.org/iderudit/30467ac

«Il n’y a pas si longtemps, le chroniqueur linguistique du Devoir affirmait sans rire que le français est apte aux sentiments élevés tandis que l’anglais convient particulièrement au négoce. Pour d’autres, le français est abstrait et l’anglais concret, ou le français semble plus musical… Sans compter les dévots qui font toujours la génuflexion devant “Sa Majesté la Langue française”. (La vérité, c’est que les langues sont des guidounes et non des reines.)» (éd. de 1986, p. 118)

Whore, guidoune : la rubrique «Accouplements» ne porte pas toujours aussi bien son nom.

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté Word by Word le 31 août 2017.

Accouplements 93

«Sa majesté la langue française», Refrancisons-nous, 1951, deuxième édition

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Les attitudes en matière de langue sont nombreuses. Prenons deux exemples.

Tremblay, Ugo Gilbert, «L’insécurité linguistique témoigne d’un sens de l’honneur», le Devoir, 6 juillet 2017.

«L’école est le temple de la langue, le lieu où cette dernière se révèle dans toute sa verticalité, comme une montagne grandiose à gravir (le rôle vital des enseignants étant d’instiller l’envie de son ascension).»

Belleau, André, «Langue et nationalisme», Liberté, 146 (25, 2), avril 1983, p. 2-9; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Y a-t-il un intellectuel dans la salle ? Essais, Montréal, Primeur, coll. «L’échiquier», 1984, p. 88-92; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1986, p. 115-123; repris, sous le titre «Langue et nationalisme», dans Francis Gingras (édit.), Miroir du français. Éléments pour une histoire culturelle de la langue française, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Espace littéraire», 2014 (troisième édition), p. 425-429; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 286, 2016, p. 113-121. https://id.erudit.org/iderudit/30467ac

«Il n’y a pas si longtemps, le chroniqueur linguistique du Devoir affirmait sans rire que le français est apte aux sentiments élevés tandis que l’anglais convient particulièrement au négoce. Pour d’autres, le français est abstrait et l’anglais concret, ou le français semble plus musical… Sans compter les dévots qui font toujours la génuflexion devant “Sa Majesté la Langue française”. (La vérité, c’est que les langues sont des guidounes et non des reines.)» (éd. de 1986, p. 118)

Les lecteurs de ce blogue savent où l’Oreille tendue, peu portée sur les temples, l’alpinisme et les génuflexions, loge.

 

Illustration : J.-F., F. [Frère Jean-Ferdinand], Refrancisons-nous, s.l. [Montmorency, Québec ?], s.é., coll. «Nous», 1951, 143 p., p. 14. Deuxième édition.

Accouplements 92

Jean-Simon DesRochers, les Inquiétudes, 2017, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Simenon, le Train, dans Romans. II, Paris Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 496, 2003, p. 807-916 et 1604-1620. Édition établie par Jacques Dubois, avec Benoît Denis. Édition originale : 1961.

«J’ai mis du temps à identifier un troisième visage, plus près de moi pourtant, parce qu’il m’était caché la plupart du temps par un homme à la carrure double de la sienne. Il s’agissait d’une grosse fille d’une trentaine d’années, déjà en train de manger un sandwich, une certaine Julie, qui tenait un petit café près du port.
Elle portait une jupe de serge bleue trop serrée qui fronçait le long de ses cuisses et un chemisier blanc, cerné de sueur, à travers lequel on voyait son soutien-gorge.
Elle sentait la poudre, le parfum et je revois son rouge à lèvres déteindre sur le pain» (p. 827).

DesRochers, Jean-Simon, les Inquiétudes. L’année noire – 1. Roman, Montréal, Les Herbes rouges, 2017, 591 p.

«Soleil couché, lumière pauvre. Bruno a bu trop vite. Il a le tournis. Le parc refroidit de minute en minute. Bruno reste assis sur son banc. Le bras gauche posé sur un sac de canettes consignées, un panini à demi mangé dans la main droite. Un repas trouvé dans les poubelles à l’arrière du Petit Café. Malgré l’obscurité croissante, il voit des marques de rouge à lèvres sur le pain blanc. Bruno songe à ces lèvres, à l’âge de leur propriétaire. C’est comme embrasser quelqu’un avec un peu de retard. Le panini est rempli de légumes et de fromage durcis par le froid. Une végétarienne… A devait être mince… Bruno lève les yeux. Un enfant du quartier passe à toute vitesse sur un vélo. Il file en direction de la rue Watson» (p. 34).