Accouplements 39

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Hier soir, les Canadiens de Montréal — c’est du hockey — jouaient à Tampa Bay, contre le Lightning. (Ils ont — enfin — gagné.) Le responsable de la musique à l’Amalie Arena, en deuxième période, a fait tourner un extrait de «Radar Love» — oui, oui, la chanson de 1973 de Golden Earring.

Ce matin, l’Oreille lisait le plus récent recueil de textes de Roger Angell, This Old Man (2015) — oui, oui, le Roger Angell dont il était question ici l’autre jour. Dans un article de 1994, «Storyville», il raconte ce qu’est le travail d’éditeur de fiction à l’hebdomadaire The New Yorker. Il évoque alors le talent de Bobbie Ann Mason pour trouver le «down-home detail». Un exemple ? «[Her] people […] know that “Radar Love” is a great driving song» (p. 162).

Voilà une partie de l’adolescence de l’Oreille en quelques mots.

 

Référence

Angell, Roger, This Old Man. All in Pieces, New York, Doubleday, 2015, xii/298 p. Ill.

 

 

Accouplements 38

Jean-Philippe Toussaint, Football, 2015, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Ce sont les premiers mots du récent Football de Jean-Philippe Toussaint :

Voici un livre qui ne plaira à personne, ni aux intellectuels, qui ne s’intéressent pas au football, ni aux amateurs de football, qui le trouveront trop intellectuel (p. 7).

En 1931, Ivar Lo-Johansson écrivait ce qui suit, dans Mes doutes sur le sport :

Les pires navets littéraires que j’ai lus sur les sportifs des classes inférieures étaient malheureusement écrits par des universitaires (cité dans Philippe Bouquet, p. 170).

Espérons qu’ils aient tort, l’un et l’autre.

 

Références

Bouquet, Philippe, «Un détracteur du sport», Europe, 806-807, juin-juillet 1996, p. 157-176.

Toussaint, Jean-Philippe, Football, Paris, Éditions de Minuit, 2015, 122 p.

Accouplements 37

Plusieurs générations de disquettes

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Sur son blogue, l’excellent @machinaecrire, informaticien de son état, a une série de textes rassemblés sous le titre «Passé simple». Le plus récent est «Le monde perdu». Il se termine ainsi :

Les montres numériques affichaient l’heure à l’aide de diodes électroluminescentes rouges. Je sauvegardais mes premiers programmes sur des cassettes quatre pistes. Je les écrivais en BASIC sur un ordinateur branché à une télé. J’ai connu de mon vivant plusieurs révolutions technologiques.

Comment, lisant cela, ne pas penser à l’Autobiographie des objets (2012) de l’ami François Bon ?

J’ai vu la fin de ce monde (p. 219).

L’année dernière, l’Oreille tendue publiait un article dans la revue Études françaises. On lui a demandé une note biobibliographique. On y lit ceci :

Dix-huitiémiste de formation, il travaille actuellement surtout sur les questions de langue au Québec et sur les rapports entre culture et sport. Son intérêt pour le numérique est ancien : il a utilisé au moins quatre formats de disquettes.

Nos objets, même disparus, nous définissent.

 

Références

Bon, François, Autobiographie des objets, Paris, Seuil, coll. «Fiction & Cie», 2012, 244 p.

Melançon, Benoît, «Éditer des revues savantes. Le point de vue des presses universitaires», Études françaises, 50, 3, 2014, p. 105-111. https://doi.org/10.7202/1027192ar

Accouplements 36

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Cette interrogation, hier, sur Twitter, de @shimonharvey :

Tweet de Simon Harvey, 8 novembre 2015

L’Oreille tendue serait tentée de répondre uniquement par deux citations d’André Belleau, tirées d’une entrevue de 1978 :

À un certain niveau de l’administration que je dirais médiocre, ça paraît divers aussi. Mais à un niveau de l’administration que je juge supérieur, et je ne suis pas très modeste en le disant, ça demeure le même problème fondamental. C’est que l’administrateur est un créateur de discours, comme un écrivain, au fond. L’administrateur est celui qui, devant des situations humaines complexes, réussit à tenir un discours qui instaure la logique et l’ordre. […] L’administrateur est le spécialiste d’un type de discours et de langage, et c’est ça qu’il faut comprendre (éd. de 1987, p. 17);

l’administrateur, à mon avis, est un poète, et ça, on l’oublie souvent. C’est un imaginatif et un poète. Et ça je le sais, j’en ai fait l’expérience (éd. de 1987, p. 18).

Autrement dit, les spécialistes de la langue et de l’imagination peuvent être partout, en droit comme dans les administrations. Les créateurs (les «poètes») n’ont évidemment, et heureusement, aucun monopole sur elles.

 

Référence

Belleau, André, «Entretien autobiographique avec Wilfrid Lemoine», Liberté, 169 (29, 1), février 1987, p. 4-27. Transcription par François Ricard d’un entretien radiophonique du 4 mai 1978 dans la série «À la croisée des chemins» (réalisation d’Yves Lapierre). https://id.erudit.org/iderudit/31100ac

Accouplements 35

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Le 16 mars 2007, un groupe d’écrivains publie dans le quotidien parisien le Monde un manifeste qui aura un considérable retentissement, «Pour une “littérature-monde” en français». On y lit notamment ceci : «Personne ne parle le francophone, ni n’écrit en francophone.»

Hier, la nouvelle ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, qui sera à ce titre responsable des langues officielles pour le gouvernement du Canada, aurait déclaré qu’elle allait défendre «la langue francophone».

De deux choses l’une : ou bien les signataires du manifeste se trompent ou bien c’est la nouvelle députée d’Ahuntsic-Cartierville.

 

[Complément du 20 janvier 2016]

Hier soir, le joueurnaliste Benoît Brunet a rejoint la ministre :

Benoît Brunet et le «francophone» à RDS

 

[Complément du 2 avril 2021]

Au tour de François Legault, le premier ministre du Québec : «Nous ce qu’on a à faire, on est un p’tit peuple en Amérique du Nord, les Québécois qui parlent francophone, qui ont des valeurs comme la laïcité, qui ont besoin d’avoir une certaine intégration. Les autres communautés qui arrivent au Québec, y’apportent du plus à notre nation» (source).

 

[Complément du 16 avril 2021]

Le mal n’est pas que local. Le journal français le Figaro en souffre lui aussi, au pluriel. (Merci à @MichelFrancard.)

Le Figaro du 6 avril 2021 parle de «langues francophones»