Accouplements 05

Michael Delisle, le Feu de mon père, 2014, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Que fait le chef mafieux Tony Soprano dans la vie ? C’est la question que lui pose sa psychiatre, Jennifer Melfi, dans le premier épisode de la série télévisée The Sopranos, quand elle ignore encore qui il est. Sa réponse : «Waste management consultant» (consultant en gestion des ordures).

Que fait le père de Michael Delisle dans la vie (avant de rencontrer Dieu) ? La réponse se trouve dans le Feu de mon père (2014) :

Quand il était question de mon père pour les Sœurs de la Providence, ou les Sœurs de Sainte-Anne, ou les Sœurs grises, ma réponse était toute faite. Je ne me souviens plus qui de mes parents m’a appris le mot éboueur, mais il était important que je le retienne. Si on me demandait de nommer le métier de mon père, je ne devais pas dire passeur de Chinois aux lignes, ma sœur, ni fraudeur d’élections, voleur, arnaqueur, braqueur ou propriétaire d’alambic, je disais :
— Éboueur, ma sœur, mon père est éboueur.
Le mot était plus français que vidangeur. Je me souviens maintenant, c’est ma mère qui m’a appris le mot. Il n’y avait qu’elle pour me dire :
— Ton père est vidangeur. En français, on dit éboueur.
Le français a toujours été pour elle non seulement une réalité étrangère, mais une réalité parallèle (p. 54-55).

Voilà ce qui se cacherait derrière les ordures.

 

Référence

Delisle, Michael, le Feu de mon père. Récit, Montréal, Boréal, 2014, 121 p.

Accouplements 04

Nicholson Baker, The Fermata, 1994, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Baker, Nicholson, The Fermata, New York, Random House, 1994, 303 p. Traduit par Jean Guiloineau sous le titre le Point d’orgue, Paris, Christian Bourgois, 1995, 308 p.

Le personnage principal a le pouvoir d’arrêter le temps. À quelle fin usera-t-il de ce pouvoir ? Il déshabillera les filles à leur insu. (Il est difficile d’oublier celle dont le sexe a la forme d’une selle de vélo.)

Rousseau, Jean-Jacques, les Rêveries du promeneur solitaire, Paris, Garnier, coll. «Classiques Garnier», 1960, civ/234 p. Ill. Texte établi, avec introduction, notes et relevé de variantes par Henri Roddier. Édition originale : 1782 (posthume).

Dans la 6e promenade, à propos de l’anneau de Gygès, qui rend invisible, Rousseau écrit : «Maître de contenter mes désirs, pouvant tout sans pouvoir être trompé par personne, qu’aurais-je pu désirer avec quelque suite ? Une seule chose : c’eût été de voir tous les cœurs contents» (p. 84).

L’Oreille tendue a plus de mal à croire Jean-Jacques Rousseau que Nicholson Baker.

D’ailleurs, Rousseau lui-même revient rapidement sur la phrase citée : «Il n’y a qu’un seul point sur lequel la faculté de pénétrer partout invisible m’eût pu faire chercher des tentations auxquelles j’aurais mal résisté, et une fois entré dans ces voies d’égarement où n’eussé-je point été conduit par elles ? […] Sûr de moi sur tout autre article, j’étais perdu par celui-là seul» (p. 85).

 

[Complément du 29 juin 2017]

Chacun chercherait ce dont il a le plus immédiatement besoin.

DesRochers, Jean-Simon, les Inquiétudes. L’année noire – 1. Roman, Montréal, Les Herbes rouges, 2017, 591 p.

Le feu rouge qui le sépare de son point de rencontre monopolise l’attention des piétons qui l’entourent. Bruno compte près de vingt têtes tournées vers ce cercle illuminé et cette main rouge. Il aimerait réaliser un arrêt sur image, utiliser une télécommande pour figer le présent des autres. Un jour de pluie où il avait réussi à s’introduire en douce dans une vieille salle de cinéma, il avait vu un film qui mettait en scène cette idée. Moi, j’ferais ça dans un buffet… Pèse sur pause, entre dans la place, mange trois assiettes, sors dehors, pèse sur l’autre piton… Gras dur. Le feu tourne au vert (p. 508).

Accouplements 03

Jean Larriaga, FIP et moi, 2014, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Bishop, Ted, Riding with Rilke. Reflections on Motorcycles and Books, Toronto, Viking Canada, 2005, 255 p. Ill.

«Hsing had once caught me down on my knees taking a picture of the silver disk and gold caliper of my front brake. “I swear you love that bike more than me,” she said. “Oh no darling,” I said dusting off my pant legs, “It’s just, well, look at the way it glints in the sunshine”» (p. 127).

Larriaga, Jean, FIP et moi. Chroniques d’un écouteur, Paris, L’Harmattan, 2014, 102 p.

«Nez au carreau je ne fais absolument pas exprès de noter un, puis deux, puis dix, vingt, toute une gamme de pare-chocs aux formes aussi diverses et fignolées que mille et un cendriers. Je ne vois plus rien à l’infini que des pare-chocs qui m’encerclent à hauteur d’homme assis dans une Austin autant dire à ras du sol. J’ai envie de descendre en marche pour admirer le mien de plus près, sa forme ouvragée et son pouvoir rutilant…» (p. 14).

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté FIP et moi le 3 avril 2014.

Accouplements 02

Alain Farah, Matamore no 29. Mœurs de province, 2008, couverture

 

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés. Dans ce cas-ci, trois.)

Auteur, Alain Farah est professeur à l’Université McGill.

Farah, Alain, Matamore no 29. Mœurs de province, Montréal, Le Quartanier, 2008, 208 p.

Professeur à l’Université McGill, François Ricard est auteur.

Ricard, François, Mœurs de province. Essais et divagations, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2014, 230 p.

Auteur, Gustave Flaubert n’est pas professeur à l’Université McGill.

Flaubert, Madame Bovary. Mœurs de province, 1857.

Accouplements 01

Nicolas Dickner, le Romancier portatif, 2011, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Lanson, Gustave, Essais de méthode, de critique et d’histoire littéraire, édités par Henri Peyre, Paris, Hachette, 1965, 479 p.

«L’objet des historiens, c’est le passé : un passé dont il ne subsiste que des indices ou des débris à l’aide desquels on en reconstruit l’idée. Notre objet, c’est le passé aussi, mais un passé qui demeure : la littérature, c’est à la fois du passé et du présent» (p. 33).

Dickner, Nicolas, le Romancier portatif. 52 chroniques à emporter, Québec, Alto, 2011, 215 p.

«Un marteau ne plante des clous que lorsque vous l’avez en main. Le livre, au contraire, continue d’agir même une fois fermé (ou éteint)» (p. 199).